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Dissertation rédigée

Nous allons voir dans cette première partie comment les sondages peuvent nous permettre de connaître l'opinion publique, d'abord à travers les techniques scientifiques qui sont utilisées et ensuite à travers l'exploitation sociologique qu'ils suggèrent.

De toute évidence les sondages reponsent sur des techniques qui visent à la scientificité, ce qui leur donne donne donc une rigueur et donc une certaine létigimité. D'abord la méthode de l'échantillonnage s'est largement diffusée. Celui-ci doit représenter l'ensemble de la population. Par exemple il doit comporter 52,3% de femmes, 22,1% de plus de 65 ans ou encore 17,2% d'employés pour la France. A partir de là les sondages peuvent être probabilistes ou empiriques, selon que les individus aient tous les mêmes chances d'être tirés au sort ou selon que les individus soient choisis en focntion de leurs caractéristiques. Ensuite les questions doivent être élaborées de manière à ne pas comporter de biais. Il est facile en effet d'orienter les réponses selon la nature des questions et même selon leur ordre d'apparition. Enfin les non-réponses sont prises en compte.

Parallèlement à ce qui vient d'être dit, la prise en compte des marges d'erreur est aussi décisive.Pour toute enquête il existe une marge d'erreur plus ou moins forte. Par exemple pour un échantillon de 1000 personnes, le résultat final peut osciller entre 4 et 16 % ou entre 84 et 96%. Et si les avis sont très mitigé du type 50-50, le résultat final oscillera entre 40 et 60 % ou 49 et 51 % selon la taille de l'échantillon. Autant dire que les sondages ne valent que pour des questions peu clivantes, ce qui peut se lire aussi comme un défaut des sondages. Il est certain en tout cas que l'on peut diminuer la marge d'erreur qu'en augmentant la taille de l'échantillon, peu importe la taille de la population initiale.

Enfin nous devons souligner le fait que l'élaboration des sondages obéit aux mêmes règles que le suffrage universel : chaque réponse compte, aucun avis ne l'emporte sur un autre. Le résultat final dépend de la somme de toutes les voix/réponses. En ce sens les sondages renforcent la démocratie. Les dirigeants peuvent s'y référer pour appuyer leur politique quand il n'y a plus d'élection. Mais pourquoi pas un referendum, alors, si l'avis du peuple est nécessaire ?

Voyons maintenant comment les sondages aboutissent à des résultats sociologiquement exploitables. Que l'on conteste ou pas la façon d'élaborer les sondages, il est possible d'en dégager des tendances ou des invariant sociologiques. Par exemple concernant la vidéosurveillance dans les rues et les contrôles sur Internet, il est apparaît que plus les Français sont âgés et plus ils y sont favorables. Sur 100 Français âgés de 65 ans et plus, 61 y sont favorables contre 45 lorsqu'ils sont âgés de 18 à 34 ans. De même la disposition au contrôle social diminue avec le niveau de diplôme (DOC2).

Enfin une même question posée au fil des ans permet de suivre l'évolution de l'opinion publique. Il semble ainsi que les Français soient durablement tolérant en face de l'homosexualité (DOC4) ou de la peine de mort. Depuis les années 2000 plus de 80% des Français considèrent que l'homosexualité est une manière acceptable de vivre sa sexualité.

Au terme de cette partie nous avons bien vu que les sondages disposaient de points positifs dans la mesure de l'opinion publique. Nous avons notamment vu que tous les avis étaient pris en compte lors d'un sondage. Toutefois les questions permettent-elles vraiment de faire émerger tous les avis ? Le thème des sondages n'est-il pas par définition imposé ? L'opinion publique existe-t-elle vraiment et est-elle aussi objective qu'annoncée ?

Nous allons voir dans cette seconde partie que les sondages ont de nombreuses limites quant à la mesure de l'opinion publique.

Nous verrons d'abord qu'il n'est même pas sur que l'opinion publique existe réellement pour envisager ensuite les problèmes d'objectivité et de mesure des sondages.

Selon le sociologue français Pierre Bourdieu (1930-2002), l'opinion publique n'existe pas et elle ne peut pas être atteinte ou mesurée par des sondages. Son argumentation repose sur trois points essentiel. D'abord les sondés n'ont pas forcément d'avis sur les questions qui leur sont posées. Il n'est même pas sûr qu'elles fassent sens pour eux. Ils doivent donc donner un avis spontané, qui n'est pas réfléchi et qui renvoie à une certaine conception finalement de l'opinion publique, une opinion non éclairée, soit exactement l'inverse de ce qu'elle était au 18ème siècle. Ensuite toutes les opinions n'ont pas la même valeur. Etre pour la peine de mort par exemple n'est pas le symétrique opposé du fait d'être contre. Par exemple des tests en économie ont montré que perdre 10 euros n'a pas la même valeur “absolue” que gagner 10 euros. Enfin les sondages ne sont pas vraiment neutres et mettent en avant des intérêts particuliers, notamment des sondeurs (des instituts de sondage) (DOC3).

Au delà de cette analyse radicale de P. Bourdieu, il est indéniable que l'opinion publique est problématique. Certes les sondés peuvent ne pas répondre. Mais le taux de on réponse ne tombe pas au hasard. Il traduit aussi un désintérêt pour les questions posées tout comme un manque de compétences sociales et politiques. Par exemple si les non-diplômés laissent en moyenne 3,5 questions sans réponses, les diplômés du supérieur n'en laissent que 2,6. Comment alors prendre au sérieux les affirmations du type : “Les Français pensent que ...”.

Nous pouvons remarquer enfin que la manière de poser les questions ou leur ordre d'apparition influence les réponses des sondés et rend problématique l'existence même d'”une” opinion publique. Ainsi sur les enjeux écologiques, demander si on veut revenir à la bougie et manger cru pour éviter le nucléaire risque fort de conduire à des répondre négatives. De même les réponses peuvent être interprétées de manière orientée. Ainsi lorsque 82% des Français déclarent que l'Etat doit garantir aux enfants nés par PMA le droit d'avoir un père et une mère, l'association La manif pour tous en déduit que les “Français sont de plus en plus opposés à la PMA en l'absence de père”, ce qui, à l'évidence, force le trait.

L'opinion publique n'existerait donc pas. Derrière cette formule “choc” qui suffit en soi, il faut quand même reconsidérer la question de l'objectivité des sondages et de mesure de l'opinion publique.

Déjà la population sondée n'est pas toujours représentative du corps électoral. Ainsi les enquêtes réalisées sur internet sous-estiment certaines populations comme les plus vieux. Il apparaît aussi que les sondés en février 2017 ne représentent pas vraiment le corps électoral puisque les diplômés sont sur-représentés et les peu ou pas diplômés sont sous-représentés.

Ensuite les sondages reposent sur un effet d'imposition que l'on appelle aussi l'effet d'agenda. L'image est facile à comprendre puisqu'un agenda consigne les choses qu'il faut retenir impérativement, qu'il ne faut pas oublier. On pourrait demander aux Français de manière un peu caricaturale s'ils pensaient gagner une éventuelle guerre contre la Belgique. Cette question qui n'a en soi aucun fondement politique ou diplomatique pourrait précisément susciter une réaction patriotique voire nationaliste hostile à la France du peuple belge ! Une actualité récente nous l'a montré. Une certaine presse anglaise s'est moquée de l'équipe française de rugby juste avant le premier match du tournoi des 6 nations. Celà a eu pour effet de revigorer la fierté hexagonale et de galvaniser les rugbymen français qui ont alors “corrigé” leurs homologues de la Perfide Albion. Les limites liés à l'effet de cadrage sont renforcées par le fait que la multiplication des sondages les rend finalement superficiels. “Trop de sondages tuent le sondage” (DOC1). Le problème c'est que si l'on veut s'extraire de cet effet d'imposition on tombe sur d'autres limites. Par exemple les études “twitter” qui contournent le biais d'imposition des problématiques, perdent de la profondeur sociologique : aucune information disponible sur les auteurs de twitts, sur-représentation de certaines catégories sociales.

Enfin il faut tenir compte de la spécificité des sondages politiques. Ainsi les intentions de vote ne correspondent pas forcément au vote final. Certes les marges d'erreur sont intégrées mais il y a un contexte social particulier qui peut fausser les réponses elles-mêmes. Ce fut typiquement le cas en 2002. de nombreux électeurs de Jean-Marie Le Pen n'osait pas le dire franchement. Plus gravement peut-être en 2016 aux USA, les journalistes n'osaient mêmes pas faire état de sondages favorables à D. Trump de peur de passer pour “trumpistes”. Comme si un historien du nazisme était … partisan d'Hitler ! C'est absurde mais traduit bien une limite dans la mesure objective de l'opinion publique. Peut-on alors encore dire, à la suite de Gallup, que l'opinion publique, c'est que mesurent les sondages ?

L'exemple des primaires nous permettra d'illustrer au mieux les limites des sondages. Ainsi dans le cadre d'une primaire, qui vise à départager les candidats d'un même camp politique (les primaires de la droite ayant portées F. Fillon en 2017 et celles de la gauche B. Hamon), comment compter sur un échantillon suffisant ? De même les sondages ne parviennent pas à prendre en compte la volatilité des électeurs c'est-à-dire leur propension à changer d'avis, de candidat et ce d'autant plus qu'il s'agit du même parti.

Nous avons donc pu dans cette partie mettre en lumière les limites et les défauts propres aux sondages d'opinion.

Les sondages devaient nous permettre de cerner l'opinion publique. Après tout ne suffit-il pas d'interroger les individus, de surcroît avec des méthodes rigoureuses éprouvées comme les quotas, et de faire la somme de leurs réponses pour connaître finalement ce que “pensent” les Français ? Il est en fait apparu que l'exercice du sondage comportait de nombreuses limites, pouvant aller jusqu'à nier l'existence même de l'opinion publique. Difficile dans ces conditions de faire un lien univoque entre sondages et opinion publique.

Devons-nous penser, à l'instar de ce que suggère la mécanique quantique, que l'observateur, c'est-à-dire le sondeur, influence l'objet qu'il étudie et que l'opinion publique sera à jamais inaccessible ?