Problématisation du sujet :
L'accroche pouvait se fonder sur la récente étude ("Impact d'Internet sur l'économie", mars 2011, Mc Kinsey&Co : http://owni.fr/files/2011/03/internet_impact_rapport_mcKinseycompany.pdf), montrant qu'Internet aurait crée 25% des emplois en France depuis 1995. Elle pouvait aussi se fonder sur les nouveaux produits lancés par le fondateur d'Apple, Steve Jobs : i-Pod, i-phone, etc. et qui ont relancé sa firme ou encore sur l’épisode des 30 Glorieuse où la faiblesse du chômage a coexisté avec de très forts gains de productivité (Remarquons que cette relation apparemment contradictoire permet d’anoncer la “loi” de Fourastié).
Il était possible de relier les innovations au progrès technique en montrant bien que le progrès technique doit conduire à rendre l'appareil de production plus efficace. On retrouvait ainsi le lien progrès technique/emploi.
Il paraît important de bien distinguer 3 types d’innovations (produit, procédé et organisationnelle) car l’innovation organisationnelle montre bien que c’est souvent la manière d’utiliser le progrès technique qui est source de dégradation des conditions de travail plutôt que les innovations de procédés en elle-mêmes. La technologie n’est pas neutre, certes, mais la manière de l’utiliser encore moins.
Questions de problématique possibles : Tous les types d'innovations ont-ils le même impact sur l'emploi? N'ont-elles que des conséquences négatives? N'est-ce pas aussi la nature des emplois qui va se modifier suite aux innovations?
Première partie. Les conséquences quantitatives des innovations sur l'emploi.
A) Une logique de destruction des emploi ...
- Dans La Machine et le chômage, Alfred Sauvy prétend que le rôle des machines est précisément de détruire des emplois. La mécanisation entraine des disparitions de poste de travail. C'est la substitution du capital au travail. Dans ce cas c'est un type particulier d'innovation qui est en cause : l'innovation de procédé, ex. L'utilisation de l'ordinateur permet de rationaliser les tâches et donc d'en supprimer, et ce d'autant plus si elle s'accompagne d'une nouvelle organisation du travail (innovation organisationnelle), permettant au passage de lever le paradoxe de Solow. En rendant le travail plus efficace les innovations de procédé permettent de supprimer des postes. C'est l'une des conséquences des gains de productivité.
- Le phénomène de destruction des emplois est renforcé lorsque la production n'augmente pas aussi rapidement que les gains de productivité permis par les innovations de procédé ("loi" de Fourastié). En effet :
Var. de l'emploi = Var. de la production – Var. des gains de productivité (à temps de travail inchangé).
Toutefois les gains de productivité ne peuvent-ils aussi favoriser la création de pouvoir d'achat stimulateur de production et d'emploi? Les innovations de produits ne relancent-elles pas le processus de production à travers les nouvelles formes de consommation?
B) ... plus que compensée par les créations?
- Les innovations de procédés et plus largement le progrès technique induisent des effets de compensation (théorie du déversement de Sauvy). Ainsi il faut des ingénieurs, des technicients pour élaborer les machines.
- Cela concerne les innovations de procédés. Or les innovations de produits relancent l'activité économique et donc l'emploi. Cela peut aboutir à de nouvelles normes de consommation, comme a pu le constituer la consommation de masse et aujourd'hui une consommaiton qui reste de masse mais portée aussi sur le désir de distinction. De ce point de vue innovations de produits et innovations organisationnelles vont de pair : le juste-à-temps par exemple soutient la nécessité de produire des biens et des services proches des clients et de leurs exigences.
- Ces 2 phénomènes convergent autour de la notion de destruction créatrice chère à Joseph Schumpter. Pour ce dernier l'activité économique est ponctuée par des phases de croissance et de dépression dessinant des cycles économiques. Or ce sont précisément les grappes d'innovations qui caractétisent les phases ascendantes. En s'accumulant, elle orientent positivement la conjoncture et l'embellie sur le front de l'emploi. Pierre Cahuc et André Zylbergerg rappellent ainsi dans Le Chômage, fatalité ou nécesité (2005) qu’un pays comme la France détruit 10 000 emplois par jour mais qu’elle en crée aussi 10 000!
- Les gains de productivité sont porteurs d'une dynamique favorable à l'emploi à long terme. Ils permettent de baisser les prix, d'augmenter les salaires et /ou les profits, ce qui alimente la demande globale et stimule la croissance et donc l'emploi. Si des emplois sont détruits à court terme, d'autes vont donc se crées, au pire dans des secteurs d'activité différents. Cela ne va-t-il pas obliger les salariés anciens et les futurs salariés à s'adapter?
- Enfin comme le montre le document 1, ce sont les secteurs innovants qui créent le plus d'emplois. Ceci peut se comprendre si la demande pour ces secteurs est plus importantes que les gaisn de productivité réalisés, même si il n'y a pas que les innovations de procédés qui sont concernées.
Au terme de cette partie, nous voyons que les innovations, en dynamisant l'économie, restent créatrice d'emplois mais qu'elles bouleversent aussi à la fois les façons de produire mais aussi les modes de consommation. N'est-ce pas alors la structure des emplois qui va aussi se modifier? Si la fin du fordisme marque la fin de l'OS, c'est bien que les enteprises ont besoin de nouveaux types de salariés.
Deuxième partie. Les conséquences qualitatives sur l'emploi.
A) Des emplois de plus en plus tertiaires ...
- C'est la logique même des innovations de procédé. Les secteurs où il est le plus possible de mécaniser, d'automatiser les tâches vont licencier au profit des secteurs où c'est plus difficile. Historiquement, c’est le secteur primaire qui supprimer des emplois au profit du secteur secondaire puis ce dernier au profit du secteur tertiaire où les gains de productivité sont plus difficiles mais pas impossibles. Par exemple une consultation chez le médecin prend toujours le même temps tout comme l’exécution d’une symphonie de Mozart. Impossible d’économiser du temps ici à moins d’un service de moins bonne qualité et non comparable.
- Si les innovations de procédés permettent de baisser les prix et donc de miser sur la compétitivité-prix, il faut aussi que l'élasticité-prix soit suffisamment forte. Si la demande est saturée, peu importe la baisse de prix. On comprend alors que l'emploi se soit effondré dans le secteur agricole puisque 2 mécanismes se sont conjugués : une mécanisation et de forts gains de productivité couplés avec une faible élasticité-prix. En montrant dans son ouvrage de 1997 : La Fin du travail qu'un agriculteur américain nourrissait 4 personnes en 1850 mais plus de 78 désormais, Jeremy Rifkin prophétise même la disparition du travail.
B) ... pour une nouvelle norme d’emploi.
1) Un travail de plus en plus qualifié ? ...
- Nous sommes passés d'une "civilisation de la peine" où le travail physique primait à une "civilisation de la panne" où les ouvriers se sont mués en techniciens.
- Baisse de la part des salariés non qualifiés : DOC.
- MAIS l’emploi non qualifé ne disparaît pas pour autant. Comme le rappelle justement Arnaud Parienty dans Productivité, croissance, emploi (2005), “derrière la simplicité apparente d’une “simple clic”, la vente par Internet implique une armée de livreus, manutentionnaires et magasiniers”. Ainsi même la nouvelle économie symbolisant pourtant l’innovation la plus récente repose sur l’utilisaiton massive de travailleurs non qualifiés.
2) ... de plus en plus précaire ...
- Il faut s’interesser ici aux innovations oraganisationnelles. L’apogée du système fordiste, durant les 30 glorieuses marque un norme d’emploi particulière symbolisée par le “compromis” fordiste : l’acceptation de mauvaises conditions de travail (travail à la chaîne) contre emploi à vie en CDI dans la même entreprise (les “3 unités du fordisme”) accompagné d’une hausse régulière du pouvoir d’achat.
- Or avec les nouvelles formes d’organisation du travail se développe des formes a-typiques d’emploi fondée sur le temps partiel, les CDD. On a vu apparaître un marché dual du travail (marché interne et externe) avec les salariés protégés d’un côté et les précaires de l’autre (cf. Les Salariés de la précarité de Serge Paugam).
3) ... et intense ?
- Déjà les innovations de procédés ont permis la baisse tendentielle de la durée du travail, au delà de la loi sur les 35H en France, qui de ce point de vue ne marque qu'une étape particulière. Grâce à la mécanisation il est possible de gagner en niveau de vie en fournissant moins d'effort. Toutefois si la quantité moyenne de travail a tendance à diminuer au moins pour les salariés, qu'en est-il sur la qualité de ce travail?
- De ce point de vue les conséquences des innovations sur les conditions de travail sont ambiguës. Certes les difficultés physiques ont tendance à disparaitre mais de nouvelles maladies apparaissent liées en particulier au juste-à-temps : stress, troubles musulo-squeletiques, etc. D’ailleurs l’utilisation de plus en plus généralisée de l’ordinateur symbolise bien celà : moins de difficultés physiques mais plus de troubles de la concentration, de la vision, etc. D’ailleurs la diminution du temps de travail n’est pas contradictoire avec son intensification. Cela est même vécu comme la grande limites de la RTT. Associé aux nouvelles formes d’organisation du travail (juste-à-temps, polyvalence, raccourcissement de la ligne hiérarchique), on aboutit au “recul de la jachère humaine”, pour reprendre l’expression de Daniel Cohen. Le travail est de plus en plus concentré sur une seule personne.
Ouverture : Comment l’Etat peut-il accompagner les évolutions ouvertes par les innovations? Doit-on prophétiser, comme l’a fait Jeremy Rifkin, la fin prochaine du travail?