Quels sont les principaux défis auxquels est confrontée la protection sociale aujourd'hui?
Quelques idées de départ :
Actualité du sujet ?
Idée lancée récemment d'une TVA sociale en France + Proposition du candidat Sarkozy d'exonérer définitivement de charges sociales toute entreprise qui embaucherait un senior (+ de 50-55 ans).
Quel système de solidarité?
La France est caractérisé par un système bismarckien (où ce sont les cotisations assises sur le travail (cotisations sociales) qui permettent de financer les prestations) où la part du financement par l'impôt (système beveridgien) augmente ces dernières décennies. Distinguer éventuellement la "protection sociale" qui est la notion générale de la "sécurité" sociale qui renvoie communément à la "Sécu" et qui est la modalité pratique, budgétairement indépendante de l'Etat central, d'assurer la protection sociale. En effet l'Etat central par certaines dépenses assure aussi cette mission à travers par exemple les bourses scolaires ou les indemnités pour chômeurs en fin de droits, etc. , de même que les collectivités territoriales ou les associations charitatives, assurent des missions de protection sociale.
A quoi renvoient les défis?
On a évoqué en cours les 3 crises de l'Etat-Providence et il était conseillé d'organiser la réponse autour de ces dernières : crise financière, crise d'efficacité, crise de légitimité.
Les défis tournent autour du financement d'un système fondé sur les cotisations des salariés dans un contexte de globalisation hautement compétitif et de la persistance de certains problèmes liés au traitement de la pauvreté, du chômage et de la vieillesse.
Remarquons aussi que la notion de « défi » est ambivalente. Elle renvoie aussi bien à des problèmes, des crises qu'à leurs solutions, ex. le défi financier = crise du financement mais aussi restauration de l'équilibre financier.
Les risques?
Sortie vers le haut ou vers le bas. ex. pourra-t-on réformer le système de retraites sans entrer dans un financement par capitalisation à l' « américaine »? Pourra-t-on aider les pauvres sans entrer dans un workfare State (Etat sans complaisance obligeant les pauvres et les chômeurs à travailler) comme le montre la tendance récente à faire systématiquement travailler (et culpabiliser?) les titulaires du RSA? L'individualisation des risques ne va-t-elle pas condamner la protection sociale et plus largement la cohésion sociale ? Un système fondé sur des cotisations fondées sur le travail est-il encore viable?
Mots-clefs (indicatifs) :
Déficit public et dette publique (Etat + organismes de protection sociale),
Solidarité,
Système bismarckien/beveridgien,
Modèle corporatiste/social-démocrate/résiduel,
Etat-Providence/Etat-Gendarme,
Loi de Wagner et loi d'Engel
risques individuels/risques sociaux,
welfare state/workfare state,
trappes à inactivité/pauvreté,
Activation des dépenses sociales,
taux de dépendance (rapport inactifs/actifs),
retraite par répartition/par capitalisation,
société de défiance,
modèle de flexisécurité,
exonération de charges sociales,
TVA sociale.
Crise économique et effet de ciseaux.
I – Un défi financier = Restaurer un équilibre pérenne des finances sociales.
A) Un contexte économique et démographique particulier ...
1) Un contexte de moindre croissance et de compétition accrue ...
* Contexte initial de croissance fordiste et de compromis keynésien où revenu social est un facteur de croissance économique * Le contexte : déficit public et dette publique => le « trou de la Sécu » * Une croissance ralentie voir négative comme en 2009 ne favorise pas les rentrées fiscales et sociales * Un contexte européen qui n'est pas bon non plus puisque dévaluations impossibles pour adapter notre économie et critères du Pacte de stabilité et de croissance contraignants.
2) ... alors que la couverture sociale est large et de plus en plus pesante.
* Le système français souvent qualifié de complexe et couvre 4 grands domaines * Effet de ciseaux avec la crise économique : moins de rentrées fiscales et plus de dépenses sociales * Vieillissement démographique * Loi de Wagner et d'Engel : Hausse des dépenses collectives et de santé.
B) ... conduisant à transformer notre système bismarckien.
1) La maîtrise des dépenses ...
* La réforme du système de retraite : allongement de la durée de cotisation mais ne faudra-t-il pas revoir plus fondamentalement le système de financement et aller vers un régime de capitalisation à l'américaine? La crise financière actuelle ne détourne-t-elle pas à l'inverse les Français d'une telle éventualité avec les retraits de l'Assurance-vie? * Hausse du taux de dépendance = rapport inactifs/actifs.
2) ... pour un glissement vers un système beridgien et résiduel.
TRANSITION. Le risque n'est-il pas alors de conforter le précariat ? Mais l'Etat-Providence n'a-t-il pas déjà perdu en grande partie sa légitimité?
II – Rendre la protection sociale plus efficace et légitime.
A) D'une crise d'efficacité ...
* L'inefficacité du traitement « social » du chômage. Désormais il faut « activer » les dépenses sociales, d'où la fin des préretraites et la volonté de jouer sur la formation, l'allongement du taux d'activité pour réduire le taux de dépendance, inciter au retour à l'emploi et lutter contre les trappes à inactivité * Inéficacité des plans de relance économique fondés notammetn sur le relèvement des minimas sociaux (relances Chirac de 74-76 et Mauroy de 81-82).
* Rendre le travail payant (to make work pay) en augmentant l'écart entre les revenus du travail et les minimas sociaux. C'est notamment l'objectif du RsA qui constitue un complément de revenu pour les bas salaires. Auparavant le simple fait de retrouver un travail même au SMIC entrainait la suppression de nombreuses aides, ce qui n'était ni juste ni efficace. Désormais ce n'est plus le cas. Le RsA permet ainsi de « lisser » le revenu des ménages pauvres. Ce n'est pas un hasard s'il fut conçu par M. Hirsch, ancien président d'Emmaüs France. Le RsA sera-t-il toutefois plus efficace que le RMI? Ainsi entre décembre 2007 et décembre 2008 si seulement 2,7% de titulaires du RMI ont pu sortir du dispositif, seuls 3,2% des titulaires du RSA y sont parvenus. Il est intéressant de noter que la note de lecture associé au document y voit plutôt un signe positif en indiquant que sur 100 bénéficiaires du RsA en décembre 2007, on en compte « seulement » 96,8 un an plus tard. Est-ce un résultat aussi significatif?
B) ... à une crise de légitimité.
1) Une crise déjà ancienne.
Années 80 et retour des idées libérales suite à l'incapacité des remèdes keynésiens à sortir les pays d'un chômage et d'une inflation persistants : reaganisme et tatchérisme, logique de la dérégulation dans les « 3D ».
2) Une individualisation croissante des risques remettant en cause la socialisation des risques.
* Pourquoi payer pour les risques que prennent les autres en toute connaissance de cause? Ainsi les progrès médicaux et la compréhension des pathologies montre que les individus sont de plus en plus responsables de leurs maladies par exemples * Succès de la problématique de l'origine génétique (très américaine!) de certains symptômes et par seulement médicaux comme l'agressivité, voir aussi la propension à devenir chef d'entreprise (le gène de l'entrepreneuriat!, ex. d'article : « Is the Tendency to Engage in Entrepreneurship Genetic ? ») * Problématique des risquophiles et risquophobes : il y a ceux qui aiment le risque et l'acceptent = les winners et ceux qui le refusent = les loosers, les conservatistes.
3) Une société de défiance.
* C'est la thèse de Cahuc et Algan qui montrent que les Français ne se font plus confiance (à la fois entre eux et dans leurs institutions) et que cela est lié à un système fortement corporatiste où tout personne ne sait exactement ce à quoi ont droit les autres et imagine qu'ils sont forcément mieux lotis, ex. fonctionnaires privilégiés * Elément d'autant plus important que la confiance (trust) est un des éléments centraux de la cohésion sociale et de la croissance économique comme l'ont montré de nombreux travaux; or la croissance est le point incontournable d'un retour aux équilibres publics * Aussi les auteurs proposent-ils de sérieusement amender le modèle corporatiste au profit notamment d'une modèle de flexisécurité ou en tout cas plus universaliste. Ne glisserat-on toutefois pas vers un modèle résiduel à l'américaine? Mais ce modèle ne rencontre-t-il lui même pas certaines limites comme le montre les tentatives de réforme par l'administration Obama?