Quelles sont les transformations apportées par le capitalisme actionnarial ?

 

I – Au niveau du financement et du montant de l’investissement.

A) Du pouvoir des managers à celui des actionnaires…

 B) … au détriment de l’investissement ?

 

 II – Au niveau de l’organisation du travail.

 A) Le travail devient une variable d’ajustement …

 B) … en association avec l’abandon du tayloro-fordisme.

 

 

 I – Au niveau du financement et du montant de l’investissement.

A) Du pouvoir des managers à celui des actionnaires…  

1) La croissance fordiste et la hausse du pouvoir d’achat des salariés.

                Les Trente Glorieuses, symbole de la croissance fordiste, marquent à la fois une production et une consommation de masse et parallèlement un essor continu du pouvoir d’achat. Les entreprises maximisent avant tout leur chiffre d’affaires. On a l’impression d’un jeu à somme positive où tout le monde est gagnant. En tout cas ce sont les managers des entreprises qui détiennent le pouvoir, le rôle des actionnaires et des marchés financiers étant minoré. (Document 3)

2) L’essor des marchés financiers à partir des années 80.

Suite aux nouvelles politiques libérales et à l’explosion des marchés financiers et donc du financement de marché (désintermédié). Le rôle des actionnaires, c’est-à-dire des propriétaires du capital qui ne constituent, au demeurant, qu’une partie seulement des parties prenantes de l’entreprise (stakeholders). Documents 2 et 3.  

B) … au détriment de l’investissement ?

1) Approche néo-classique libérale justifiant le financement de marché :

- supériorité du marché dans l’allocation des ressources. Les prix sont des vecteurs efficaces de coordination et le cours des actions en particulier donne les indications suffisantes sur l’état de santé d’une entreprise.

- diversification des actionnaires qui deviennent mondiaux.

- gestion plus efficace des fonds propres par la rationalité des acteurs. On peut en effet faire confiance aux propriétaires du capital, à ceux qui investissent leur propre argent pour maximiser les gains.  

- Supériorité du régime actionnarial car si les dirigeants sont « mauvais », les actions sont vendues ce qui fait chuter le cours en Bourse et peut amener une autre équipe dirigeante potentiel à racheter les actions et prendre le contrôle. Document 5.

2) Mais discutable dans les faits.

L’utilisation de l’EBE montre qu’il ne va pas forcément à l’investissement, via l’épargne brute. D’une part une partie croissante de l’EBE peut être distribuée aux actionnaires. D’autre part l’épargne brute peut aussi servir aux placements financiers. Les entreprises privilégient alors le court terme à l’engagement à long terme que constitue un investissement matériel par exemple (Document 1 et Document 3). Par ailleurs le rachat d’actions intéresse des stratégies financières de maximisation des plus-values, quitte à liquider les actifs (symbole en France dans les an. 80 = B. Tapie) plutôt qu’une véritable stratégie industrielle à long terme. Document 5.

                Le désengagement bancaire du financement n’est finalement pas évident puisque les banques achètent des titres financiers (réintermédiation bancaire) et sont à l’origine, au moins pour les banques américaines, de la crise des subprimes. L’essor de la finance internationale accroît l’instabilité, à la fois financière mais aussi économique (réelle). Or l’année 2009 qui fait suite à la crise des subprimes marque une récession mondiale avec une baisse de l’investissement et un effondrement du commerce.      

                Enfin une optique keynésienne nous montrerait qu’une consommation tirée par des revenus salariaux et financiers plus volatils entraîne une instabilité des débouchés et donc de la croissance. On est loin de la croissance fordiste des 30 Glorieuses avec l’augmentation régulière du pouvoir d’achat.              

II – Au niveau de l’organisation du travail.

A) Le travail devient une variable d’ajustement …

En face des exigences arbitraires des marchés financiers, le travail est devenu la variable d’ajustement. Qu’une société annonce un plan social et c’est le titre en bourse de la société qui augmente. La nouvelle gouvernance d’entreprise, ce que certains appellent, Le Nouvel esprit du capitalisme, a des conséquences directes et implacables sur les salariés.

Pourtant rien n’impose des normes de rentabilité financière exubérante de 10 à 15%. On se doute bien que pour assurer un tel niveau les entreprises chassent les coûts, réduisent leurs investissements les plus risqués et les plus prometteurs aussi. En tout cas les entreprise vont se recentrer sur leurs métiers d’origine, accentuant le downsizing à travers la réduction des coûts des intermédiaires hiérarchiques, etc. (Document 4).  

B) … en association avec l’abandon du tayloro-fordisme ?

Pour assurer la rentabilité maximale, on en demande toujours plus aux salariés et en particulier de disposer d’un savoir-être, de compétences, plutôt que de diplômes. Les entreprises sont aussi amenées à réduire les coûts et en particulier les coûts d’organisation (Document 3). On passe d’un modèle de la qualification à un modèle de la compétence.

                Pour autant le travail reste aliénant, comme il pouvait l’être au temps du travail à la chaîne. On observe même une dégradation pour certains types de contraintes quelque soit le niveau hiérarchique. Utilisation du Document 7. Les NTIC permettent d’ailleurs un « recul de la jachère humaine », pour reprendre l’expression de Daniel Cohen, marquant une intensification du travail que n’a pas amélioré le passage aux 35h. Dans les banques les guichetiers traditionnels sont devenus des agents polyvalents qui ne doivent jamais rester sans rien faire (répondre aux clients, répondre au téléphone, gérer les comptes et les attentes, etc. ).

                Ces nouvelles formes de management se traduisent au mieux par du stress, au pire par des suicides (cf. France Telecom). Rappelons que la France est le premier consommateur au monde de psychotropes. Il y a bien un malaise au travail rendant encore plus acerbe pour certain le recul de l’âge de la retraite.

                Il convient quand même de nuancer ce tableau sombre par les velléités offertes à l’origine par l’abandon, même relatif, du taylorisme. Qui peut se plaindre en effet du travail d’équipe, des cercles de qualité ou des équipes semi-autonomes. Tout le monde ne se suicice pas dans les organisations productives …

 

Au final on a le sentiment que le capitalisme actionnarial est un capitalisme qui marche sur la tête oubliant que l’on ne peut créer indéfiniment de la valeur sans compromettre la nature (épuisement des ressources, pollution) ou la santé des individus (stress, suicides).