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Faut-il craindre la montée des inégalités?

Faut-il craindre la montée des inégalités ?

  

2 registres d’analyse : A)  Montée ou non ? B) Crainte ou non ?

D’où 3 pistes a priori :  

-         Pas de montée donc pas de crainte a avoir.

-         Une montée mais qui n’est pas à craindre.

-         Une montée à craindre.

Mais l’idée de base est quand même que les inégalités ont tendance à s’accroître, ce qui ramène la réflexion à 2 pistes CAD 2 parties. Tout le problème consiste à bien montrer ce qui est à craindre, ce qui renvoie à plusieurs points du cours : cohésion sociale et intégration, moyennisation/polarisation, classes sociales et société conflictuelle. La crainte fondamentale c’est celle de décomposition sociale remettant en question la société de semblables (expression de R. CASTEL) naissant avec les 30 Glorieuses et la mise en place de l’Etat-Providence.

Si les inégalités et leur montée peuvent constituer un projet de société viable elles risquent aussi d'amener une désagrégation de la société.

I – … Si les inégalités et leur montée peuvent constituer un projet de société ... 

A) L'optique libérale

1) Récompense des efforts, de l'innovation. Il faut que les individus soient incités (logique des incitations) à travailler, etc. Donc les inégalités de revenus notamment doivent être respectées et trop redistribuer n'est ni juste ni efficace d'un point de vue économique. Cf. courbe de Laffer. Les inégalités peuvent aussi être le signe du développement économique, ex. courbe de Kuznets avec montée initiale des inégalités, où les innovations sont fortement récompensées par le marché. La dynamique économique conduit de toute façon à diffuser les biens au sein des populations, comme le montrait J. Schumpeter, ce que nous ramenons, nous, aux gains de productivité. 

2) De toute façon la concurrence constitue en soi un principe de justice puisque tout individu peut concourir et ne peut être empêché. Pire : même les monopoles sont justifiables. SI aucune entreprise ne peut ou ne veut se lancer sur un marché monopolisitique, c'est qu'elle ne serait pas rentable, donc que le monopole produit dans des conditions qui sont efficaces, même s'il n'y a pas de concurrence apparente (cf. P. Salin : La concurrence, Que sais-je?). S'il y a profit monopolistique, il est parfaitement justifié. L'argument vaut aussi pour la propriété privée : Par exemple découvrir une nouvelle richesse ne lèse personne puisque personne n'imaginait son existence. Pourquoi alors la partager? C'est le principe général de découverte. Celui qui découvre quelque chose doit pouvoir l'exploiter sans contrainte. Ce type d'argumentation oublie quand la caractéristique essentielle du « vivre ensemble » : on vit avec les autres et on suscite donc leur envie, ce qui peut menacer l'ordre social. Aussi convient-il de justifier davantage les inégalités, de revenu notamment.

B) L'équité comme principe directeur de justice social.

1) Justice as fairness.

Principe issu de Rawls : la montée des inégalités (de revenu) doit profiter aux plus mal lotis. Mais en dehors de ce principe, si la compétitions est équitable, que tout le monde peut accéder en principe à n'importe quel position, alors les inégalités sont méritées.

2) La discrimination positive.

Assurer l'égalité des chances implique quand même une intervention forte de l'Etat pour donner le plus à ceux qui ont le moins. Un tel principe qui rompt avec l'idéal républicain

Nous avons vu que dans une optique libérale, le creusement des inégalités devait être accepté quand bien même certaines conditions devaient prévaloir. Mais justement, ces dernières sont-elles suffisantes? Vivre dans une société par définition commune à tous n'implique-t-il pas un degré de cohésion et de similitude plus grand?

II – Leur creusement constitue une menace pour la cohésion sociale...

A) La fin de la société de semblables (consensus social).

1) Expression due à R. Castel. Avec les 30G. Et la mise en place de l'Etat-Providence, les salariés accèdent à des droits sociaux permettant de contenir les inégalités. Les droits sociaux, c'est la propriété de ceux qui n'ont rien (= propriété sociale). La question de se pose d'autant plus qu'il y a un renouvellement assez important des inégalités, tant au niveau économique que social et culturel : loisirs, accès Internet, salaires mais surtout  => temps de rattrapage du salaires cadre par les ouvriers (Chauvel).

2) D'où éclatement de la société salariale entre marché interne et marché externe du travail, CAD emplois protégés contre emplois précaires (pour faire vite). Les temps de crise renforce les représentations contre l'Etat-Providence et l'action de l'Etat, ce qui renforce, avec l'emprise du marché, la montée des inégalités. La solidarité s'étiole petit à petit. Des univers complètement différents semblent coexister dont la nomenclature des PCS ne parvient parfois plus à rendre compte (hausse de l'hétérogénéité intracatégorielle).

B) La fin du consensus démocratique.

Basé sur Les places et les chances de F. Dubet (2010).

1) Les conséquences psychosociales du creusement des inégalités.

Le creusement des inégalités de revenus (et des statuts qui l'accompagnent) renforce les déséquilibres psychiques (privations, sentiment d'échec pour les plus mal lotis : « les inégalités font mal »). « … l'explosion des inégalités en Russie a fait régresser l'espérance de vie, exploser le taux des suicides, progresser le crime organisé, et que le nouveau régime n'est pas particulièrement favorable aux opinions démocratiques », p. 98

2) L'égalité des places, condition de l'égalité des chances.

Contrairement à qu'affirme le principe d'équité, l'égalité des chances n'est pas déconnectée de l'égalité des places (revenus, statut des professions). Comme l'indique F. Dubet dans Les Places et les chances (2010, en particulier le dernier chapitre : « Priorité à l'égalité des places),  et surtout limite l'égalité des chances. Ainsi l'égalité des places est la condition de l'égalité des chances.

3) C'est donc la démocratie qui se trouve menacée au bout du compte. On trouve alors une idée comparable à celle de Tocqueville mais à partir d'une argumentation opposée : C'est la montée des inégalités et donc la remise en cause du processus de moyennisation qui conduit à l'abstention. « Une grande partie de la population ne vote plus et n'a plus confiance dans des institutions et des élites qui semblent incapables de réduire les inégalités », p. 98. 

C) Le retour d'une société de classes conflictuelles?

Analyse de Marx : le creusement des inégalités est une condition, certes non nécessaire et non suffisante, mais quand même permissive des classes en soi.

 

Rermarque : Et Tocqueville? Son axe de réflexion, c'est plutôt la fin des inégalités (la passion pour l'égalité) et le sentiment de frustration relative qu'elle engendre.