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Les places et les chances

Auteur : François Dubet, Publié aux éditions du Seuil, Coll. La République des idées.

S’il existe 2 grands modèles de justice sociale, l’égalité des places et l’égalité des chances, c’est ce dernier modèle qui sert de plus en plus de référence aux choix de politique sociale. Assurer l’égalité des chances a toutes les chances de plaire pour un public adepte de méritocratie. C’est pourtant l’autre modèle, celui d’égalité des places, qu’il faudrait privilégier au motif qu’il ouvre lui-même la voie à l’égalité des chances et qu’il garantit l’autonomie individuelle.

L’ouvrage se propose d’instruire, à charge et à décharge, le procès de chaque modèle de justice sociale afin de mieux justifier le choix de l’égalité des places en dernière partie. L’égalité des places se propose d’agir sur les positions sociales elles-mêmes et d’en réduire les écarts, en terme de salaire mais surtout comme le révèle l’histoire sociale, en terme de droits sociaux (société salariale, société de semblables). L’égalité des chances se propose de donner à chacun les mêmes chances d’accéder aux places, sans se préoccuper des inégalités qui en résulteront.

A chaque modèle correspondra un certain ordre des priorités en matière de choix public. C’est pour cette raison qu’il n’est pas inutile de justifier ses préférences surtout lorsqu’on entend défendre, comme le fait l’auteur, le modèle qui n’est pas dominant.

Egalité des places

Egalité des chances

« Réduire les inégalités de revenu, de conditions de vie, d’accès aux services, de sécurité », p. 9

Egaliser les chances d’accès aux positions sociales.

« Resserrer la structure des positions sociales »

Favoriser la mobilité sociale sur la base du mérite individuel.

Solidarisme, L. Bourgeois

 

Critique des écarts de salaires, p. 55

Critique de l’endogamie des groupes dirigeants, p. 55.

Métaphore organiciste

Métaphore sportive

Ouvriers comme classe exploités, avec de mauvaises conditions de travail

Ouvriers comme groupe défavorisé, faiblement doté, p. 58

Représentation en termes de classes

Représentation en termes de minorités se traduisant dans certaines politiques comme les ZEP où le nombre d’enfants étrangers et issus de l’immigration est un critère, p. 69.

Cohésion sociale résultant de la structure des places

Cohésion sociale résultant de l’action des individus dans leur recherche dynamique des places.

Ecole pour tous à travers l’unité de l’offre scolaire centrée sur l’instruction élémentaire mais maintient des filières « ouvrières » et « bourgeoises », p. 25

Ecole comme moyen de sélectionner les meilleurs dans le cadre d’une compétition équitable. « L’école doit réaliser la fiction statistique de l’égalité des chances en rebattant les cartes à chaque génération », p. 64. 

 

Politiques de discrimination positive, CV anonymes.

Défense des emplois, p. 71 CAD défense et créations de postes.

 

Politique de redistribution, Etat-Providence développé.

Etat-Providence résiduel, p. 74

 

Sensibilité aux succès de quelques uns, indifférence à l'échec du plus grand nombre, p. 75.

 

Mise en concurrence des victimes prétendus pour obtenir les faveurs de la société et de l'Etat, p. 78.

Nie les identités.

Exalte les identités, p. 78.

 

Nécessité d'une intervention (« injonction ») radicale pour assurer une vraie égalité es chances, ex. pour combattre les stéréotypes féminins, p. 89.

 

Mais creusement des inégalités dans les ghettos noirs, blancs pauvres non aidés ayant du ressentiment, pp. 91-92.

Justice qui profite à la société entière.

Mais justice qui ne profite pas à la collectivité dans son ensemble,, p. 92.

 

Mais difficulté, si ce n'est impossibilité à distinguer ce qui revient à la chance, au travail, aux vertus et aux circonstances, p. 93.

Société salariale, société de semblables

 

Droits sociaux acquis par le travail plutôt qu’égalitarisme : réduction des inégalités plutôt qu’abolition.

 

35 H.

 

Mais chacun à sa place, conservatisme.

 

Mais unité de l’offre scolaire et des services publics d’une manière générale (mais n’est-ce pas aussi un principe de l’égalité des chances ?).

 

Mais ne résiste pas à la crise économique puisque les places elles-mêmes se réduisent et que le travail en tant que vecteur de droits cesse d’être à la portée de tous. 

 

Mais vecteur d’une société duale en temps de crise (in/out) et de la peur du déclassement qui lui est associé.

 

 

 

 

La protection des places contre la cohésion

 

 

 

 

 

 

Plafonds de verre et domaines séparés

Mainmise de l’Etat impliquant une société de défiance où les individus se considèrent avant tout comme rivaux et attendrent tout de l’Etat.

Ouvrir l’accès aux places ne crée pas mécaniquement de l’égalité car les mentalités et l’organisation des vies privées ne se sont pas adaptées, pp. 47-48.

 

Ségrégation et identité

Conservatisme contre innovation.

Américanisation de la société : minorités s’affirmant contre étrangers s’assimilant.

Inactivité plutôt que dynamisme du retour à l’emploi, trappes à inactivité

 

Les déceptions scolaires

 

Massification scolaire pour une ségrégation fine des diplômes, ex. ce qui compte dans le Bac c’est la mention, l’âge, le type.

 

Inflation scolaire puisqu’il faut de plus en plus de diplômes pour faire la différence

 

Déconnection places scolaires/places sociales, p. 45.

 

 

 

 

 

 

 

Le modèle d’égalité des chances apparaît plus en phase avec l’idéal républicain méritocratique et avec la Révolution française cherchant à abattre les privilèges.

On sent toutefois dès le premier titre que ce modèle n’a pas les faveurs de l’auteur puisque, sensé l’exposer en toute neutralité, il évoque la « fiction statistique » du principe d’égalité des chances ». Il est vrai que l’égalité des chances suppose des hypothèses initiales fortes : la part relative initiale de chaque groupe doit se retrouver dans la structure sociale finale. S’il y a 30% d’ouvriers dans la société, les enfants d’ouvriers devront composer 30% des cadres, des élèves aux grandes Ecoles, etc. Ensuite il faut supposer sur les talents sont distribués au hasard et qu’ils finiront par se répartir équitablement à tous les niveaux de la société », p. 55. 

Avec Glazer est posée la question de savoir si l’on peut mesurer scientifiquement la part qui relève du déterminisme social et celle qui relève de la responsabilité individuelle.

Dans le point sur la « société active et la responsabilité personnelle », l’auteur montre que ce sont 2 conceptions de la société engageant les 2 modèles. On pourrait dire que les places renvoient au holisme et les chances à l’individualisme.

Dubet a raison ne noter que le modèle des chances n’est pas que l’arme de guerre de la pensée néo-libérale (cf. auteurs US cités p. 63 et le démantèlement de l’Etat-Providence) mais qu’elle répond aussi aux insuffisances du modèle des places.

Idée intéressante sur le voile d’ignorance qui peut ne plus exister et montrer la vraie réalité : p. 34, p. 70. A quoi bon que 15% d'enfants de milieux défavorisés atteignent certains postes si l'immense majorité reste pauvre, p. 76. L'auteur veut-il dire que l'égalité des chances n'est pas un principe viable à long terme et que la société appelle intrinsèquement l'égalité des places? Le parcours de Dieudonné illustre la surenchère victimaire que sous-tend le modèle d'égalité des chances. Il faut toujours apparaître comme davantage discriminé qu'une autre catégorie, p. 77. Comme il est difficile de prouver que l'on a été discriminé, le principe de tient pas. D'ailleurs la HALDE dépose peu de dossiers au procureur, p. 80.

Approche intéressante de la génétique comme moyen d'expliquer les inégalités de résultat une fois instaurée l'égalité des chances, pp. 82-83. On comprend aussi pourquoi, ce que n'utilisa pas l'auteur, les tests génétiques se développent particulièrement aux USA. On aboutit en tout cas à un système cruel où les perdants sont bien obligés de se sentir comme plus mauvais, responsables de leur échec et méritant leur sort.

A ce stade de la réflexion l'auteur utilise son premier argument, semble-t-il, pour montrer que c'est en jouant sur les places que l'on pourra atteindre l'égalité des chances, au sujet des femmes, p. 90. Comme les filles ont intégrés les projets de vie différenciés, l'égalité des chances ne sert à rien et elles n'investiront pas leur mérite dans des métiers lucratifs. Si elles deviennent enseignantes c'est justement pour conjuguer vie familiale et professionnelle. C'est bien en réduisant les inégalités entre les places concrètes qu'on leur permettra de s'investir de manière vraiment neutre, p. 90.  

En tout cas l’égalité des places conduit à l’égalité des chances mieux que ce dernier modèle lui-même. De toute évidence les inégalités font mal et menacent à la fois la cohésion sociale et l’équilibre psychique et social des individus qu’elle « maltraite ». Il y a les quartiers de riches et les ghettos pour les pauvres, des modes de vie qui tendent à se disjoindre en somme, p. 97. La société ne finit par former un tout cohérent que sous l’action coercitive de la police « pour se substituer aux mécanismes de contrôle social devenus inefficaces », p. 98. Aussi Dubet prétend t-il que les inégalités ne sont pas bonnes pour la démocratie. Mais n’est-ce pas le cas pour tous les régimes politiques ?

Lorsque l’on croise l’indice de Gini mesurant les inégalités et l’impact du revenu du père sur celui des enfants, on observe qu’ils augmentent de concert. Si l’égalité des chances est respectée, alors les inégalités doivent être indépendantes du revenu des parents. Or il se trouve que plus l’indice de Gini est fort et plus le revenu des enfants est corrélé à celui des pères. Dubet en déduit que plus les sociétés sont inégalitaires et plus les inégalités se reproduisent. Esquissons même un résultat plus déterminant encore : l’instabilité endogène de la méritocratie. La méritocratie, à travers l’égalité des chances, génère les inégalités qui la remettent en cause. Schématiquement on a :

Egalité des chances => Développement des inégalités => Remise en cause de l’égalité des chances (dans la mesure om il y une corrélation entre reproduction sociale et inégalités de revenus).

 

 

 

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