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Trame 3 - L'internationalisation de la production

Le 02/12/2023

Il s'agit d'expliquer les raisons du commerce international c'est-à-dire des échanges de biens et de services entre pays, et de la spécialisation des pays ainsi que l'internationalisation de la production impliquant en plus les mouvements de capitaux.

1° Le commerce international est largement interprété comme résultat de la spécialisation des pays. Il semble logique en effet que la spécialisation en métiers qui existe à l'intérieur d'un pays ne se reproduise pas entre pays.

2° La première véritable approche justifiant la spécialisation, celle des avantage absolus d'A. Smith, a été critiquée par D. Ricardo qui propose une théorie en termes d'avantages comparatifs. Contrairement aux avantages absolus où un pays n'exporte que les produits où il est le plus productif, la théorie des avantages comparatifs (relatifs) justifie la spécialisation dans les produits où le pays dispose d'un avantage relatif. Ainsi dans l'exemple du Portugal et de la GB produisant du vin et du drap, Ricardo montre que la GB utilisant pourtant plus de main d’œuvre que le Portugal dans les deux produits a intérêt à se spécialiser dans le drap qui utilise moins d'hommes-années que le vin. Cela s'explique par l'avantage géographique dont dispose le Portugal. Pensons aussi au vignoble français, mondialement incomparable. Un pays a en tout cas intérêt à se spécialiser dans le bien pour lequel il dispose d'un avantage relatif.

3° Il faut souligner que l'approche de Ricardo qui justifie en même temps que la spécialisation le libre-échange repose sur des hypothèses parfois très restrictives : mobilité parfaite des facteurs de production à l'intérieur du territoire, immobilité des facteurs entre pays, neutralité des spécialisations (vin ou drap, avions ou T-shirt, peu importe), pas d'utilisation du taux de change. Ce cadre restrictif précarisera toute justification du libre-échange à partir de la théorie des avantages comparatifs.

4° L'approche basée sur les dotations factorielles prolonge celle de Ricardo en la complétant. Elle s'appuie sur 2 facteurs, au lieu d'un, 2 produits et 2 pays, avec le même cadre hypothétique rappelant celui du modèle de concurrence pure et parfaite. Elle aboutira au célèbre théorème HOS (Heckscher-Ohlin-Samuelson) spécifiant que les pays ont intérêt à se spécialiser dans les biens qui nécessitent de manière intensive pour leur production le facteur de production le plus abondant (le moins rare) dans le pays.

Rareté relative des facteurs → Production nécessitant relativement + ou – d'un des deux facteurs

Ainsi un pays qui dispose comparativement (relativement) de plus de travail que de capital se spécialisera dans les biens qui réclament comparativement plus de travail que de capital (CAD dont l'intensité capitalistique est faible). Et inversement.

5° D'après le théorème HOS, un pays comme les USA, avancé technologiquement, devrait exporter des biens intensifs en capital (CAD qui utilisent comparativement plus de capital que de travail). Toutefois Léontief observe dans les années 50 que les exportations américaines sont intensives en travail, ce qui contredit le théorème HOS. En fait il sera montré plus tard que les exportations américaines sont intensives en travail qualifié caractérisant en fait la meilleure dotations technologique (et en capital humain) de ce pays. Aussi les dotations technologiques sont-elles un facteur supplémentaire à prendre en compte pour expliquer la spécialisation d'un pays.

6° Les théorie des avantages comparatifs, des dotations factorielles et technologiques permettent d'expliquer les échanges entre pays de niveaux différents de développement. C'est le commerce inter-branches, car les produits échangés appartient à des branches différents comme échanger des T-shirts ou des bananes contre des ordinateurs ou des engins agricoles. Aussi faut-il expliquer les échanges entre pays comparables.

7° Il existe 3 façons d'expliquer les échanges entre pays comparables, CAD le commerce intra-branche qui représente plus d'un tiers du commerce mondial. Déjà à travers la différenciation des produits. Celle-ci peut être verticale (produits de gammes différentes) ou horizontale (produits de mêmes gammes mais avec des design, formes, … différents). Ensuite à travers la qualité des produits, ce qui renvoie en fait à la différenciation verticale. Ainsi une Ferrari n'est pas au même niveau de qualité qu'une Renault Clio ou un polo Lacoste d'un polo basique. Enfin à travers la fragmentation de la chaîne des valeurs suggérant que l'ensemble des phases de la production ou des types de biens intermédiaires et pièces détachées ne sont pas réalisés dans le même pays comme pour la fabrication de l'Airbus A380 « dispatchée », fragmentée dans plusieurs pays européens (Espagne, Grande-Bretagne, France, …). Chaque pays d'implantation est choisi en fonction de son avantage comparatif, faut-il croire. Cette fragmentation montre aussi l'importance des firmes transnationales (multinationales).

8° Parler de compétitivité des pays peut paraître un peu vague dans la mesure où ce sont avant tout les entreprises, étrangères ou non, à l'intérieur du pays, qui exportent. Aussi pouvons-nous montrer que c'est la productivité des firmes qui est à l'origine de la compétitivité des pays. Au minimum les gains de productivité améliorent la compétitivité-prix des firmes. Pour obtenir ces gains, les firmes doivent notamment investir dans la R-D pour mettre au poins de nouveaux procédés ou de nouvelles organisations du travail. Les gains de productivité améliorent la compétitivité-prix à travers la baisse du coût salarial unitaire, qui, au final, rapporte le coût horaire du travail à la productivité horaire du travail.

9° Une fois que les échanges se développent, il est bon de savoir quelles conséquences ils ont. En fait elles sont mitigées. Si le commerce mondial a permis la réduction des inégalités entre pays, il a aussi accru les inégalités au sein des pays.

10° Le commerce mondial a été très favorable aux pays d'Asie du sud-est, ce qui, compte tenu du poids énorme de la Chine, a joué sur la réduction des inégalités de richesses entre pays. L'insertion dans le commerce mondial a favorisé l'industrialisation,l'exode rural et les gains de productivité. Au final les salaires ont pu augmenter permettant une baisse de la pauvreté et incitant à une montée en gamme vers des produits davantage technologique, comme ce fut le cas pour la Corée du Sud avec les marques Samsung ou Hyundai et plus largement pour la Chine avec au minimum Alibaba et les marques de voitures électriques prêtes à inonder les marchés mondiaux. En tout cas les « classes moyennes » des PED ont pu progresser plus rapidement que les « classes moyennes » occidentales.

11° La hausse des inégalités au sein des pays peut s'expliquer par l'utilisation intensive de la main d’œuvre qualifiée dans les pays développés qui s'est raréfiée favorisant une hausse des salaires. Par contre la main d’œuvre peu ou pas qualifiée s'est retrouvée en concurrence avec la main d’œuvre des PED sous-payée. Les écarts de salaires se sont donc accrus.

12° Enfin le commerce international a reposé sur l'internationalisation de la chaîne de valeurs, même phénomène que la fragmentation mais entre pays de niveaux de développement différents. Pensons à la fabrication d'un i-Phone, assemblé au final en Chine. C'est la crise du Covid-19 et le confinement qui ont révélé l'importance de la chaîne de valeurs puisque de nombreux approvisionnements en pièces détachées et en composante intermédiaires, en particulier dans l'automobile, ont cruellement manqué. En tout cas ce sont les filiales-ateliers qui symbolisent cette fragmentation puisque chaque unité de production est spécialisée sur un créneau particulier de la production et non sur toute la fabrication. Cela implique donc un commerce intra-firme, entre filiales et/ou ente filiales et maison-mère. Toute comme la fragmentation de la chaîne de valeurs, c'est le rôle des firmes transnationales qui est en jeu et une forme particulière d'action, les investissements directs à l'étranger (IDE).

13° Enfin le fait que l'ouverture internationale a des effets à la fois positifs et négatifs débouche sur le débat libre-échange-protectionnisme. Il existe 2 grands types d'instruments protectionnistes tout comme 2 grands types de justification. En général on retient surtout l'argument développé par F. List au 19ème autour du du protectionnisme éducateur visant à protéger temporairement les industries naissantes pour leur permettre ensuite d'affronter la compétition internationale, ce qui peut paraître comme une position de bon sens. Il est manifeste que l'histoire du capitalisme alterne phases de libre-échange et de protectionnisme. Récemment c'est D. Trump qui a réactivé un protectionnisme « offensif » basé sur l'augmentation des droits de douanes. Cela a entraîné des mesures de rétorsions du pays visé, la Chine, rappelant les mauvais souvenirs des années 30 et soulignant plus largement les limites du protectionnisme et les avantages supposés du libre-échange.


 

Pourquoi les sociologues sont-ils réticents à parler de « la classe populaire » au singulier, de nos jours ?

Le 18/10/2023

Comme on le sait, la vision binaire des classes sociales chez K. Marx n'est que théorique. Certes l'exploitation et la concurrence dans le système capitaliste amèneront immanquablement à prolétariser les derniers indépendants (cf. Au Bonheur des dames de Zola) et à diviser de plus en plus le monde en 2 camps opposés. Mais cette vision polarisante est adoucie par Marx lorsqu'il analyse historiquement des situations concrètes. Au minimum il distingue la bourgeoisie industrielle et financière d'une part, et le prolétariat du « lumpenproletariat » d'autre part. Il existe de toute évidence des fractions de classes. Aussi nous pouvons nous demander s'il n'en est pas de même avec la notion dérivée de « classe populaire ». Ne faudrait-il pas évoquer les « classes populaires » ? Elles s'inscrivent déjà dans un contexte conceptuel de celui de Marx. En effet les catégories populaires regroupent les ouvriers et les employés de la nomenclature des PCS élaboré par l'INSEE et qui date de 1982. Dans la mesure où cet ensemble agrège plus de 40% des actifs, il paraît difficile d'en faire une catégorie homogène, à moins de viser des caractéristiques très générales. Par ailleurs se pose d'emblée la question des critères de distinction entre catégories sociales c'est-à-dire entre membres de catégories partageant des caractéristiques communes et partageant une certaine identité collective avec dans l'idéal une conscience claire d'un partage commun de pratiques, de valeurs, de rapport au monde, … Cela ne toucherait alors plus seulement les « classes populaires ». Ce n'est alors pas un hasard si des termes spécifiques traduisant un écart à la « norme marxiste » sont apparus comme : « combinaison populaire » chez M. Verret au sujet des employés et des ouvriers, d' « employées prolétarisée » chez D. Kergoat étudiant le cas spécifique des employées, d' « archipel des employés » d'A. Chénu, débouchant sur un regroupement des ouvriers et des employés. Cela traduit bien l'existence d'un tropisme entre les ouvriers et les employés, l'étude de l'une de ces 2 catégories appelant immanquablement l'autre. Et pourtant nous ne pouvons parler de « la » classe populaire. A la rigueur nous pouvons pourquoi pas nous inspirer de W. L. Warner et identifier un niveau supérieur et inférieur à l'intérieur de chaque classe sociale. Il y aurait donc une classe populaire supérieure et une classe populaire inférieure. Mais quelle critère utiliser alors ? Le thème de l'éclatement des représentations professionnelles joue sûrement un très grand rôle dans l’hétérogénéité des catégories populaires amenant à parler en termes de classes populaires. Nous sentons bien qu'il y a dans ces catégories un segment à part mais aucun sociologue ne parvient à démontrer sur des critères admis par tous une unité sociologique. Les parcours sont devenus complexes et les représentations du monde aussi. Parfois les socialisations se heurtent. Par exemple C. Avril (2014) a étudié les aides à domicile, en parlant d' « un autre monde populaire », justifiant ainsi l'idée de « classes populaires ». Elle montre qu'il y a deux catégories bien distinctes selon leur parcours, à la fois professionnel et géographique. Le rapport à la féminité, au statut de la femme, à la « vocation » d'aide à domicile, sont totalement différent selon qu'il s'agit d'anciennes travailleuses, « françaises de souche » , voire d'anciennes indépendantes qui ont une expérience professionnelle et qui vivent ce métier comme transitoire, ayant des propos racistes sur l'autre catégorie constituée de travailleuses immigrées ou de Françaises issues des îles, davantage impliquées dans leur métier et détachées des rôles féminins. Difficile dans ces conditions de parler d' « une classe populaire ». Et que dire ensuite de l'opposition entre employés et ouvriers malgré certaines ressemblances ?

Mais similitude forte ouvriers/employés, vis-à-vis des CPIS et PI en termes de patrimoines, d'espérance de vie, d'exposition aux accidents professionnels, de diplômes (plutôt de non diplôme), retrait d'avec la politique (vote intermittent, gauche/RN, peu ou pas de représentants => il faut évoquer le cens caché). Et enfin 3 domaines de similitude : nature du travail et rémunération, peu de perspective de carrière et homogamie : 1 ménage sur 5 réunit un ouvrier et une employée.

Nous ne pouvons nous en tenir par exemple à la distinction marxiste entre classe en soi et classe pour soi elle ne permet pas vraiment de distinguer des fractions de classes. Par exemple Amossé et Chardon (2002) évoquent les travailleurs non qualifiés comme nouvelle classe sociale potentielle, regroupant à la fois les franges non qualifiés des ouvriers et des employés, ce qui correspondrait alors à la classe populaire « inférieure ». Quid alors de la classe populaires « supérieure ». Eh puis même dans cette configuration, Amossé et Chardon montrant qu'en fait les travailleurs non qualifiés sont certes sur un segment particulier dans le monde du travail (tâches d’exécution rébarbatives, pas de perspective de carrière, …). Ils constitueraient vraisemblablement une classe en soi au sens de Marx, c'est-à-dire un certain positionnement dans les rapports de production et de toute évidence une situation d'ultra dominés. Mais ces travailleurs non qualifiés ne constituent en aucune manière une classe pour soi, consciente de ses intérêts et de sa situation spécifique. L’absence de collectif de travail n'a sûrement pas aidé à une identification collective. Et encore moins le délitement politique amenant finalement les catégories de travailleurs discriminés à voter pour le Rassemblement national (ex. Front national), voire à s'abstenir. Inutile de rappeler ici l'enjeu autour du cens caché de D. Gaxie.

Ces 2 groupes sociaux n'éprouvent-ils pas des visions et des pratiques différentes quand à l'investissement scolaire, au choix de la résidence, aux rapports sexués domestiques. En particulier les enfants d'employés qui réussissent un peu mieux que les enfants d'ouvriers, d'où le maintien des inégalités.

EC2 sur les facteurs de la croissance

Le 17/10/2023

Question 1 : À l’aide du document, vous présenterez les sources de la croissance du Danemark en 2019. (2 points).

Au Danemark en 2019, le PIB a augmenté de 2,8 % par rapport à 2018. Cette augmentation est due à la contribution du facteur travail, du facteur capital et de la productivité globale des facteurs (PGF). En effet, en 2018, le facteur travail a contribué à la croissance économique à hauteur de 0,9 point et le facteur capital a contribué à la croissance à hauteur de 0,5 point. La croissance du PIB danois est essentiellement
tirée par la PGF, pour 1,4 points, soit la moitié de la hausse du PIB.

Erreurs et maladresses de lecture :

  • En 2019 le PIB du Danemark se montait à 2,8%.

  • En 2019 le taux de croissance du PIB était de 2,8%.


 

Question 2 : À l’aide des données du document et de vos connaissances, vous montrerez que l’accroissement de la productivité globale des facteurs est une source de croissance économique. (4 points)

La productivité globale des facteurs (PGF) désigne l’efficacité des facteurs de production. Elle correspond à la part de la croissance qui n'est pas due à la simple accumulation des facteurs travail et capital. Elle renvoie à la croissance intensive. Elle joue un rôle dans la croissance économique, c’est-à-dire l’augmentation soutenue, pendant une période longue, de la production d’un pays. En effet, elle est le reflet de la diffusion du progrès technique dans l’économie. Celui-ci peut se définit comme l'ensemble des innovations qui améliore l'efficacité de l'appareil de production. Ces innovations peuvent porter sur des produits, ce qui relance la consommation. Mais elles peuvent porter aussi sur des nouveaux procédés (imprimante 3D, Conception de la production assistée par ordinateur) ou de nouvelles organisations de la production (production en flux tendus, utilisation des plateformes internet) qui assurent des gains de productivité. La production est alors clairement plus efficace puisque les entreprises produisent autant voire plus avec autant voire moins de travailleurs.

A l'évidence la contribution de la PGF est essentielle puisqu'elle vient suppléer à la faible contribution du travail, voire à sa contribution négative pour les années 2010, 2012 ou 2018, respectivement de 1,4, 1,2 et 0,1 points au Danemark ou encore les années 2017 et 2018 en Corée du Sud. Ainsi alors que le travail contribue négativement pour 0,9 points à la croissance coréenne en 2017, la PGF y conrtibue positivement pour 2,6 points. Que ce soit pour le Danemark ou la Corée du Sud, la contribution de la PGF a globalement toujours été la plus forte comparé aux deux autres facteurs. En ce sens la croissance extensive fondée sur l'accumulation des facteurs montre ses insuffisances et doit être supplée par une croissance intensive montrant bien l'importance du progrès technique.

EC3 sur l'accumulation des facteurs

Le 04/10/2023

EC3. A l'aide de vos connaissances et du dossier documentaire, vous montrerez en quoi l'accumulation de facteurs de production est nécessaire à la croissance économique.

Introduction

[Conseil : Essayez de définir les termes sans avoir l'air de le faire !]

Comme le prétendait K. Marx (1818-1883), le capital n'est que du travail mort c'est-à-dire qu'il est lui-même le fruit du travail des individus. En ce sens il montrait que l'accumulation de capital—en fait des moyens de production qui durent au moins une année dans le processus de production pour une définition plus contemporaine—est essentielle mais qu'elle n'est rien sans le travail des Hommes. Précisément la production nécessite à la fois du facteur capital et du facteur travail représentée par la quantité de travail et tout ce qui l'influence pour un niveau de qualification donné.

Aussi nous allons voir comment l'accumulation de travail et de capital permet la croissance économique, c'est-à-dire l'augmentation durable du PIB réel par habitant dans l'économie. Seule la croissance extensive sera étudiée ici, soit la quantité des facteurs utilisés. Nous envisagerons d'abord le facteur capital puis ensuite le facteur travail.

1ère séquence argumentative : le rôle de l'accumulation du capital.

[Présentation et explication du lien avec le sujet] Accumuler du capital c'est ajouter des machines, des ordinateurs, agrandir les locaux, ... Ces ajouts et agrandissement augmentent le stock de capital CAD la capacité technique de produire plus. L'opération par laquelle l'entreprise (ou l'administration) augmente son stock de capital s'appelle l'investissement. Celui-ci peut-être matériel ou immatériel, CAD concerner aussi biens les machines que les brevets ou dépenses en R-D. De ce fait l'investissement doit aussi prendre en compte l'investissement public. Cela montre à quel point les chances d'accroître la production sont vraiment vastes. Nous pouvons le montrer en comparant les pays émergents à forte croissance aux pays développés d'industrialisation plus ancienne.

[Illustration avec le DOC2]

[1ère relation] Alors que la Chine ou l'Inde sont connus pour leur forte croissance économique depuis plusieurs années, leurs investissement ont été colossaux et ont permis une accumulation impressionnante de capital. Ainsi entre 1990 et 2004, le stock de capital a augmenté de 11,3% en Chine et de 12,2% entre 2005 et 2018. Dans le même le capital contribuait en moyenne pour 5,7 points à la croissance du PIB chinois entre 1990 et 2004 et pour 6,8 points entre 2005 et 2018.

[2ème relation] Quelque que soient les pays nous observons une corrélation positive entre l'effort d'investissement et la contribution du capital en points. Il suffit que le stock de capital progresse moins vite pour que la contribution à la croissance du capital soit moins forte. Par exemple alors que le rythme de croissance du stock de capital diminue de 0,9 points (2,3-3,2 = -0,9) en France entre les périodes 1990-2004 et 2005-2018 la contribution à la croissance du PIB du capital passait de 1,3 points à 0,9 points.

[Précision 1] Il est dommage que le document ne précise pas la nature des investissements car on ne peut pas parler d'accumulation pour ce qui concerne l'investissment de remplacement qui vient uniquement remplacer un capital usé et/ou obsolète. Nous aurions besoin de l'investissement net et non brut comme l'indique la Formation "nette" et non pas "brute" de capital fixe. Mais dans ce cas la prise en compte de l'investissement de productivité nous conduit à la croissance intensive qui n'est pas note propos.

[Précision 2 et transition] D'une manière générale les investissements permettent d'accroître le stock de capital par travailleur. On se doute bien que si chaque opérateur d'une enteprise dispose de "sa" caisse à outil ou de "son" ordinateur, la production va être plus importante. Cela correspond à l'accroissement de l'intensité capitalistique. En tout cas cela montre que l'accumulation du capital n'est rien sans une accumulation, correspondante ou non, de travail.

2ème séquence argumentative : le rôle de l'accumulation du travail.

[Présentation et explication du lien avec le sujet] : Utilisation de l'exercice 2, p. 4 du dossier de cours.

[Illustrations avec les DOCS du sujet]

Conclusion

Nous avons vu comment l'accumulation des facteurs à travers les investissements, l'augmentation de la populaiton active ou la hausse des heures de travail permettaient de soutenir la croissance économique. Reste à voir ensuite pourquoi l'accumulation notamment du capital n'est pas neutre et qu'elle engendre des externalités positives à la base de la croissance endogène.

[Remarque finale : Plutôt écrire "nous" verrons que, "nous" supposerons que ... et non "on" verra que, "on" supposera que ...]

 

Remarques :

Si dans le cours on a évoqué le facteur travail et le capital humain, le facteur travail renvoie à la croissance extensive et donne une vision quantitative du travail alors que le capital humain renvoie à la croissance intensive et donne une vision qualitative du travail. Lorsqu'on parle d'accumulation du travail, on pense à la croissance extensive pour un niveau de qualification donné des travailleurs, CAD dont on suppose qu'il reste constant.

Le facteur travail

Le capital humain

Sont des notions à utiliser pour caractériser :

La croissance extensive

La croissance intensive

La dimension quantitative du travail

La dimension qualitative du travail


 

Les ERREURS rencontrées :

La Chine est le pays avec le + fort stock de capital (DOC2)

C'EST FAUX CAR : on ne connaît pas le stock de capital de la Chine mais uniquement son % de variation pour 2 périodes. La Chine est sans doute partie de très loin et doit rattraper son retard !

Faire une partie ou un § sur la croissance intensive, le progrès technique, la R-D, la PGF.

C'EST HS CAR : cela fait référence à la croissance intensive et non extensive. Certes il est difficile de ne pas parler de productivité, au moins avec l'I de productivité, mais il faut le faire le moins possible.


 


 


 

La courbe de Kuznets de l'environnement

Le 30/09/2023

La notion de « courbe de Kuznets de l'environnement » sert d'argument pour justifier la conception faible du développement durable. Rappelons que selon cette conception, il est possible de substituer entre eux les différents types de capitaux nécessaire à la production. On ne se limite plus toutefois au capital technique et au capital humain mais on prend aussi en compte la nature avec le capital environnemental et on considère le cadre institutionnel comme un capital particulier, le capital institutionnel. Cela n'est pas surprenant vue l'importance des règles formelles et informelles pour stimuler le progrès technique et la croissance économique.

Substituer des capitaux entre eux signifie que l'on peut en sacrifier en partie certains pour permettre à d'autres de se développer. Typiquement, il est nécessaire de sacrifier du capital naturel, au minimum les ressources non renouvelables, pour assurer la transition énergétique et donc favoriser le progrès technique. On a encore besoin de pétrole pour trouver les conditions de s'en passer ! Précisément la transition énergétique vers une économie décarbonnée, peu polluante, qui recycle ses déchets, … implique notamment une diminution de ce qu'on appelle l'intensité énergétique c'est-à-dire la quantité d'énergie nécessaire pour produire un bien ou un service ou pour produire 1 euro de PIB (ou 100 euros de PIB si vous voulez!) ou par personne.

Précisément la courbe de Kuznets de l'environnement montre qu'au cours du temps les technologies utilisées pour produire sont de moins en moins polluantes et utilisent comparativement moins d'énergie. Ainsi, au cours du temps l'intensité énergétique diminue. Certes nous pourrions voir que cela est responsable d'un effet-rebond mais c'est un autre problème qui renvoie à la conception forte du développement durable. Si on représente graphiquement la courbe de Kuznets, avec le temps en abscisses et l'intensité énergétique en ordonnées, elle est d'abord croissante puis décroissante. Elle forme une cloche. Lorsqu'un pays débute sa croissance économique, c'est-à-dire qu'il sort du piège malthusien, l'intensité énergétique augmente car il faut utiliser de manière extensive beaucoup de ressources avec des technologies pas toujours très « vertes ». Puis au cours du temps, grâce notamment au progrès technique permis par la croissance, les méthodes de production se font plus propres et de nouvelles formes de ressources énergétiques apparaissent. Par exemple l'électricité remplace le charbon. Conséquence : Les pays qui se sont développés plus tardivement ont un maximum d'intensité énergétique plus faible que les pays qui ont connu leur révolution industrielle au 19ème siècle comme la Grande-Bertagne, la France, les USA, … En effet les pays peuvent profiter au fur et à mesure des découvertes et innovations de méthodes de production plus efficaces ou d'énergie plus propres. Rien de comparable entre une éolienne ou une centrale nucléaire de 2023 et une mine de charbon de 1820 ! 

Enfin remarquons que Kuznets (1901-1985) n'y est pour rien dans le qualificatif d' "environnemental". A l'origine la courbe qu'il a dessiné concerne les inégalités. Celles-ci augmentent aux débuts de l'industrialisation puis déclinent ensuite. Mais c'est une autre histoire …

Trame 1 - La croissance économique

Le 24/09/2023

Il s'agit d'expliquer l'origine de la croissance économique (CAD de l'augmentation de la richesse produite de manière à peu près continue depuis 2 siècles) ainsi que les défis qu'elle pose.

1° Comment la mesurer ? Par le % de variation du PIB réel par habitant (cf. DM1).

2° Comment la croissance se fait-elle ? Il existe 2 grands types de croissance qui permettent d'augmenter la production : la croissance extensive (par transpiration) et la croissance intensive (par inspiration) (cf. I).

3° Qu'est-ce que la croissance extensive ? C'est la croissance qui est permise par l'accumulation des 2 facteurs de production que sont le travail et le capital. Accumuler c'est disposer de davantage d'actifs (les femmes qui participent davantage à la production, l'âge de la retraite qui est reculée) de davantage d'heures travaillées (recours aux heures supplémentaires, augmentation de la durée légale du travail) pour le facteur travail (cf. I-A-1). Accumuler c'est disposer de davantage de machines, d'outillage, d'ordinateurs, …, en ce qui concerne le facteur capital. Le stock decapital augmente grâce à l'investissement, (mesurée par la FBCF) hors investissement de remplacement (cf. I-A-2)

4° Pourquoi la croissance extensive est-elle limitée ? Car l'accumulation des facteurs est soumis à la loi des rendements factoriels décroissants (productivité marginale décroissante des facteurs, et notamment du travail) (cf. I-A-3).

5° Qu'est-ce que la croissance intensive ? C'est la croissance qui repose sur les gains de productivité des facteurs de production. Elle résulte notamment du progrès technique que l'on peut mesurer (en théorie) par la productivité globale des facteurs, mis en évidence par R. Solow avec un résidu s'ajoutant à la contribution des facteurs capital et travail. Cela nécessite de bien savoir lire statistiquement les contributions à la croissance du PIB. (cf. I-B-1). Grâce au progrès technique la production est de plus en plus efficace CAD qu'un salarié est capable de produire plus de richesse avec autant d'heures de travail (cf. I-B-2).

6° D'où vient le progrès technique permettant une croissance intensive ? Le PT est la résultante d'innovations. C'est J. Schumpeter qui a le premier mis en évidence le rôle des innovations dans la croissance économique (rôle dans la dynamique capitaliste). S'il en identifie 5, on en retient généralement 3 essentielles : les innovations de produit (le smartphone, les pompes à chaleur), les innovation de procédé (la production assistée par ordinateur) et les innovations organisationnelles (le travail à la chaîne il y a plus d'un siècle, la production en flux tendus, la vente en ligne, plus récemment).

7° D'où viennent les innovations ? Est-il possible de les encourager ? Contrairement à ce que pensait initialement R. Solow, le PT n'est pas exogène, il est endogène, CAD qu'il est possible de le favoriser. Les dépenses en recherche-développement jouent un rôle essentiel ici. En cherchant et en découvrant de nouvelles choses (formules, molécules, procédés, …), on favorise la mise sur le marché des inventions qui deviennent alors des innovations. (cf. II-A-1).

8° Comment le PT favorise-t-il la croissance et caractérise-t-il une croissance endogène ? En fait le développement des idées nouvelles est central car elles constituent un bien public cumulatif. Cela signifie qu'elles peuvent être utilisées par tout le monde une fois divulguées et qu'elles peuvent se combiner à l'infini les unes aux autres. Voilà pourquoi il est essentiel que des chefs d'entreprise et des chercheurs mettent au point des découvertes, des inventions puis des innovations. Les investissements dans le capital humain auront les mêmes effets. Plus la population est éduquée et plus elle peut s'approprier et faire fructifier les idées (anciennes et nouvelles), les nouvelles technologies (learning by doing). Il y a bien là une dynamique de croissance qui s'enclenche qui permet à son tour de nouveaux investissements dans la R-D et le capital humain dans un processus auto-entretenue (cf. II-A-1).

9° Pourquoi chercher à innover ? Pour J. Schumpeter l'innovation est le fait de chefs d'entreprise dont l'objectif est de réaliser des profits (collossaux). En commercialisant un nouveau produit ils détiendront un monopole sur leur marché et auront un maximum de clients, donc de ventes et de profit. Par ailleurs en innovant dans la manière de produire, grâce à un nouveau procédé ou une nouvelle organisation du travail, ils pourront réaliser des gains de productivité et vendre moins cher, ce qui leur permettra aussi des profits importants (cf. II-A-2). Le risque alors, c'est d'être copié par la concurrence, ce qui ne manque pas d'arriver, hormis la protection juridique permise par les brevets, ce qui renvoie au rôle des institutions.

10° Quel est le rôle des institutions ? En tant que règles formelles et informelles, les institutions ont un rôle central sur le développement des investissements et du PT (bref un rôle sur la croissance économique). Ainsi les brevets, en protégeant juridiquement les inventeurs sur une durée de 20 ans, leur garantit l'exercice de leurs droits de propriété. Ils sont donc incités à chercher et découvrir de nouvelles choses, qu'ils soient entrepreneurs, chercheurs ou simple citoyen. Cela met de nouveau en avant le rôle des idées et des connaissances sur la croissance (endogène) puisqu'un brevet est une codification du savoir (l'invention est décrite, expliquée dans le brevet). Sur le même registre, la diffusion du savoir permis par l'Encyclopédie au 18ème a été essentiel pour la révolution industrielle. Par ailleurs le cadre institutionnel renvoie aussi aux institutions informelles à travers le rôle des mentalités (les façons de penser) portées ou non au travail, à l'innovation, à l'esprit d'entreprise mais aussi à travers le rôle de la religion puisque M. Weber (1864-1920) établit un lien entre le comportement protestant et le comportement capitaliste favorisant l'enrichissement et poussant à la croissance économique (cf. II-B).

11° Le progrès technique est-il neutre sur la société ? Evidemment, non ! Le PT est à l'origine de ce que J. Schumpeter appelle la destruction créatrice. Les nouveaux produits, procédés, nouvelles orgnisation remplacent les anciennes et les rendent obsolètes, ce qui bouleverse l'économie (nouvelles entreprises qui mettent les anciennes en faillite, nouveaux métiers qui remplacent les anciens). Cela signifie donc que les innovations font des gagnants et des perdants mais que jusque maintenant la société dans son ensemble en a profité (cf. II-C-1). Par ailleurs le PT a aussi des conséquences sur la répartition des richesses puisqu'il engendre des inégalités de revenu. Il donne une « prime » au travailleurs qualifiés au détriments des non qualifiés. Les premiers sont davantage capable d'utiliser les nouvelles technologies et les nouvelles façons de faire. C'est le biais technologique. Les écarts de salaires augmenteront donc entre les 2 catégories de salariés. Le PT entraîne aussi un phénomène de polarisation des emplois qui désavantage les emplois à qualification intermédiaire. Si les salariés concernés n'arrivent pas à se convertir, ils devront occuper des emplois moins rémunérateurs, ce qui au final, creusera les inégalités de revenu avec les plus qualifiés (cf. II-C-2).

12° Quelles sont les limites environnementales de la croissance soutenable ?

Comme la production nécessite des intrants, CAD des matières premières, des sources d'énergie, des pièces détachées, on peut déjà regarder de ce côté-là CAD en amont de la production. Or les ressources utilisées qu'elle soient renouvelables (poissons, forêts) ou non renouvelables (pétrole, gaz) ont tendance à s'épuiser. C'est le phénomène d'épuisement des ressources. Cela entraîne une hausse du prix des ressources utilisées. Mais il faut regarder aussi en aval de la production CAD les externalités négatives issues du processus de production. On pense alors à la pollution (de l'air, de l'eau, des sols) et au réchauffement climatique lié au rejet de CO2 dans l'atmosphère. Cela occasionne des problème de santé, la disparition d'espèces et des catastrophes climatiques qui sont économiquement couteux et qu'il faut financer. Cela renvoie à la conception forte du développement durable, selon laquelle les types de capitaux sont complémentaires, on ne peut pas les remplacer les uns par les autres. Les limites écologiques constituent donc un frein à la croissance même soutenable car celle-ci « coûte » de plus en plus cher. Le PT peut même accentuer ce phénomène puisque les innovations pousse à l'effet-rebond et donc à la consommation (cf. III-A).

13° Comment l'innovation peut aider à reculer les limites environnementales de la croissance soutenable ? Il est possible de rester optimiste en défendant une conception faible du développement durable. Selon cette conception, les types de capitaux sont substituables. Ainsi perdre du capital naturel à cause de la croissance n'est pas dramatique si cette croissance génère le capital technologique ou humain favorisant le PT et la transition énergétique. C'est ce que suggère la courbe de Kuznets de l'environnement depuis la première révolution industrielle. Le PT peut alors jouer en amont ou en aval de la production, avec respectivement les technologies intégrées (énergie electrique décarbonnée) et les technologiques ajoutées (filtres limitant les rejets) (III-B).


 

Deux mécanismes autour du progrès technique

Le 23/09/2023

Résidu et paradoxe de Solow

Nous avons évoqué en cours le résidu de Solow qui correspond à la productivité globale des facteurs (la PGF) CAD la contribution à la croissance qui n'est pas expliquée par la simple accumulation des facteurs de production. Le résidu (la PGF) sert alors à montrer l'importance du PT et/ou les limites de la croissance extensive à travers la productivité marginale décroissante des facteurs.

La paradoxe de Solow renvoie quand à lui à une contradiction mise en perspective par Solow dans un artcle publié en 1987 où l'auteur constate que l'on utilise de plus en plus d'ordinateurs, notamment dans les entreprises, mais que cela ne se traduit pas par une hausse des gains de productivité : « We see computers everywhere except in the productivity statistics ». Or nous avons vu en cours que :

PT => gains de productivité

D'où une contradiction, un paradoxe.

Ce paradoxe sera au moins momentanément levé par la suite lorsque les gains de productivité augmenteront effectivement aux USA.

Comment l'expliquer ?

Par le fait que les innovations sont liées entre elles. Déjà Schumpeter soulignait que les innovations arrivaient par grappes CAD qu'elles se cumulaient brusquement, les unes à la suite des autres. Il parlera de grappes d'innovations. Ensuite nous avons vu à travers les exemple de la photographie notamment qu'une innovation devait s'appuyer sur des idées anciennes. Mais surtout, et c'est typiquement ce qui a permis de sortir du paradoxe de Solow, les types d'innovations sont liés entre eux. Certes les ordinateurs sont une innovation de produit mais en devenant une innovation de procédé dans les entreprises, ils ne transforment pas instantanément la production. Il faut que l'organisation de la production elle-même change grâce à l'utilisation de l'ordinateur pour que le processus de production devienne effectivement plus efficace.

Le paradoxe de Solw sert alors à justifier le rôle des innovations mais pour montrer qu'elles interagissent entre elles.

Sur le lien PT – inégalités de revenu

Pour approfondir la notion de biais technologique, il est possible de mettre en relation l'évolution des qualifications et les besoins des entreprises et administrations en main d'oeuvre qualifiée du fait du PT. Il faut alors mettre en relation l'évolution technologique avec le système éducatif (au sens large incluant les universités, écoles spécialisées, ...)

Si le nombre de dipômés est > au changement technologique alors il y a trop de main d'oeuvre qualifiée ce qui entraîne une baisse des salaires des qualifiés provoquant une baisse des inégalités de revenu

Si le changement technologique est > au nombre de diplômés alors il y a une pénurie (un manque) de main d'oeuvre qualifiée ce qui entraîne une hausse des salaires des qualifiés provoquant une hausse des inégalités de revenu

Ce schéma permet de montrer que l'évolution des inégalités liée à l'évolution technologique dépend aussi des choix en matière de dépenses d'éducation, CAD d'investissement en capital humain. Le PT ne suscite de hausse des inégalités que si il existe une pénurie (un manque) de main d'oeuvre qualifiée. A partir de là nous pouvons faire intervenir les choix des étudiants eux-mêmes. Si les salaires des qualifiés sont élevés, cela incite les étudiants à faire plus d'années d'études (ou des écoles spécialisées) ou aux salariés en place de se former. Toutes ces décisions aboutiront au bout de quelques années à accroître le nombre de travailleurs qualifiés. Si les besoins des enteprises n'ont pas augmenté, alors il y aura trop de main d'oeuvre qualifiée, ce qui fera baisser leurs salaires (et réduira les inégalités entre travailleurs qualifiés et les autres). Les nouveaux étudiants ne seront alors plus incités à faire de longues études (et/ou des écoles spécialisées) ce qui conduira au bout de quelques années à une pénurie de main d'oeuvre qualifiée. Les salaires des qualifiés augmenteront, creusant les inégalités avec les autres salaires, attirant de nouveaux étudiants et ainsi de suite …

D'un point de vue sociologique nous avons à faire ici à un bel effet d'agrégation CAD aux conséquences indésirées d'une somme de comportements individuels rationnels. Le fait que des individus prennent les mêmes décisions au même moment a des conséquences sociales CAD sur l'ensemble des individus.

Coase et la théorie du comportement

Le 01/04/2022

Dans la présentation qu'il a fait de l'Ecole de Chicago sur France Culture http://www.franceculture.fr/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-les-ecoles-de-chicago-24-le-neoliberalisme-americaihttp://www.franceculture.fr/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-les-ecoles-de-chicago-24-le-neoliberalisme-americai , Alain Laurent laisse planer une ambiguïté embarrassante concernant la théorie implicite du comportement. Si à l'origine avec Frank Knight l'universalisation de l'hypothèse de maximisation de l'utilité—c'est-à-dire d'individus adaptant en toutes circonstances des moyens rares à leurs objectifs—est une « folie », ce ne serait plus le cas à partir de Milton Friedman et de ses continuateurs. Le problème c'est qu'en inscrivant logiquement Ronald Coase à côté de Stigler ou Gary Becker parmi ces continuateurs, A. Laurent commet un imprudence. Bien que dans la mouvance libérale, Coase n'a en effet jamais cessé de s'interroger sur les limites de l'hypothèse de rationalité maximisatrice. Si A. Laurent constate la nature évolutive de l'Ecole de Chicago en distinguant Knight et Friedman, sans doute faudrait-il aussi s'interroger sur la cohérence de cette "école". Coase apparaîtra en tout cas plus proche de Knight que de Friedman sur la conception du comportement. Pour illustrer cette proximité, , il suffira de s'appuyer sur quelques citations de R. Coase :

1/« Puisque les individus qui opèrent dans le système économique sont les mêmes que ceux l’on trouve dans le système juridique ou politique, on peut espérer que leur comportement sera, dans un sens large, similaire. Mais cela ne signifie en aucun cas qu’une approche développée pour expliquer le comportement dans le système économique se réalisera aussi avec succès dans les autres sciences sociales. Dans ces différents champs, les objectifs que les individus poursuivront ne seront pas les mêmes et, en particulier, la structure institutionnelle dans laquelle les choix seront faits ne sera pas la même », (R. Coase, 1975, pp. 42-43).

2/« Il n’y a aucune raison de croire que la plupart des être humains maximisent quoi que ce soit tant que ce n’est pas déplaisant, et même avec un succès incomplet », (R. Coase, 1988a, p. 4).

3/« Mais il est, bien entendu, désirable que le choix entre différents arrangements sociaux pour la solution de problèmes économiques doit être entreprise dans des termes plus larges que cela et que l’effet total de ces arrangements dans toutes les sphères de la vie doit être pris en compte. Comme Frank H. Knight l’a souvent remarqué, les problèmes de bien-être économique doivent en dernier recours se dissoudre dans une étude esthétique et morale », (Coase, 1960, p. 43).

Outre la référence explicite à Knight, cette citation est d'autant plus importante qu'elle conclut The Problem of social cost. C'est cet article qui a servi de fondement à l'énoncé du célèbre « théorème de Coase » justifiant la maximisation de la valeur de la production lors de l'attribution des droits de nuisance. On pouvait croire à travers les cas analysés par Coase que le critère d'efficience devait être structurant; Or ce n'est pas le cas.

4/« (...) placé dans un choix entre une théorie qui prédit bien mais nous donnant peu d’éléments sur le fonctionnement du système et une qui nous donne ces éléments mais prédit mal, je choisis la dernière », (R. Coase, 1981, p. 17).

Cette citation est importante dans la mesure où elle constitue une critique de la méthodologie friedmanienne du « as if ». Pour M. Friedman en effet, ce n’est pas tant le réalisme des hypothèses qui importe que leur capacité prédictive. Peu importe par exemple que les entreprises n’aient pas conscience de maximiser leur profit. Le processus d’évolution fait que seules les meilleures survivent et il est possible de considérer qu’elles ont agi comme si elles l’avaient effectivement maximisé. Et c'est une telle conception que R. Coase conteste. D'où :

5/« Dire que les individus maximisent leur utilité ne nous dit rien sur les raisons pour lesquelles ils s’engagent dans des activités économiques et nous dit rien sur le fait de savoir pourquoi les individus font ce qu’ils font », (R. Coase, 1975, p. 43).

En tout cas un auteur comme Posner prétendra même que la démarche de Coase est « anti-théorique »! CE faisant la critique de Posner s’adresse non seulement à Coase mais aussi à Williamson. Or sur ce point la réponse de Coase est sans ambiguïté :

6/ « Posner s’oppose aux concepts adoptés par Williamson comme celui de “ rationalité limité ”. J’ai aussi des réserves sur ce concept comme j’en ai sur tout concept économique qui comporte le mot “ rationnel ” (...) Quelque soit le résultat, l’approche fondamentale de Williamson sera non affectée », (Coase, 1993, p. 98).

7/« Je voudrais souligner que la croyance dans la main invisible n’implique pas que le gouvernement n’a pas de rôle à jouer dans le système économique. C’est tout le contraire. Si il est en général vrai que les hommes, suivant leur propre intérêt personnel agissent dans une voie qui est bénéfique pour la société, c’est, pour citer Edwin Cannan, « parce que les institutions humaines sont arrangées pour obliger l’intérêt personnel à travailler dans des directions où il sera bénéfique ». Notre tâche comme économistes est d’aider à l’élaboration et l’amélioration de telles institutions. En faisant cela, nous ne devons pas ignorer la face noble de la nature humaine quand cela peut être mis en jeu », (R. Coase, 1966, p. 444).

Pour les quelques références bibliographiques :

(1960) : « The Problem of Social Cost », The Journal of Law and Economics, 3, n°1, pp. 1 - 44.

(1966) : « The Economics of Broadcasting and Government Policy », American Economic Review, 2, may, pp. 440-47.

(1975) : « Economics and Contiguous Disciplines », présenté lors de l’Association internationale d’économie à Kiel, reproduit dans R. Coase, 1994, pp. 34-46.

(1981) : « How Should Economists Choose », The third G. Warren lecture in political economy, délivrée le 18 novembre au American Enterprise Institute for Public Policy Research, Washington D. C. , reproduit dans R. Coase, 1994, pp. 15-33.

(1988a): « The Firm, the Market and the Law », dans The Firm, the Market, and the Law, The University of Chicago Press, 1988, Paperback edition, 1990, pp. 1-31.

(1993) : « Coase on Posner on Coase », Journal of Institutionnal and Theorical Economics, 149/1, pp. 96-98.

(1994): Essays on Economics and Economists, The University of Chicago Press.