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Licenciements et philosophie politique

Le 01/04/2022

Dans son billet politique du 11 décembre sur France culture, Hubert Vuertas fustige la légèreté du Président d'EADS auquel on demande de motiver les licenciements annoncés. On comprend qu'une telle chronique intervienne dans un billet « politique », puisqu'il s'agit de réfléchir à la dimension politique d'un décision économique. Mais sans être un défenseur acharnée de la libre entreprise dérégulée, nous devons noter qu'un tel questionnement ne va pas de soi. Doit-on condamner le Président d'EADS sous prétexte qu'il dirige un groupe emblématique français? Bien sur que non car alors les PME pourraient tout se permettre sans attirer les foudres d'un quelconque chroniqueur.

Serait ensuite en cause la responsabilité sociale des entreprises. C'est un problème grave en effet mais il faut savoir où situer le rôle des entreprises et de la collectivité. Le rôle des pouvoirs publics n'est-il pas simplement, avec des moyens sans doute plus conséquents que ceux dont ils disposent actuellement, d'accompagner le changement, les restructurations plutôt que les empêcher? N'a t-on pas entendu sur la même station radio un chroniqueur fustiger l'appel à une main d'œuvre étrangère pour fournir des postes dans l'industrie des machines-outils agricoles, alors même que des compétences proches seraient à puiser dans la main d'œuvre licenciée du secteur automobile?

L'entreprise capitaliste obéit à ses règles et qui ont peu à voir avec la charité, c'est un fait. Il ne s'agit pas de ressortir ici les vieux poncifs d'inspiration smithienne sur la charité et l'intérêt personnel, ni même de soupçonner les entreprises de favoriser le bien-être de leurs salariés uniquement pour accroître leur productivité et donc la rentabilité des actionnaires. Sans doute est-là un fait. Au surplus accorderons nous que l'emprise du capitalisme financier s'est avérée trop importante au mépris des salariés et du capitalisme industriel lui-même. Mais alors il faut poser le débat clairement en ces termes. Pour l'heure, il s'agit des motivations économiques d'une décision économique. Les questions politiques n'ont pas à interférer. On ne peut pas dire aux dirigeants économiques : arrêter de licencier car il y a des élections dans 6 mois et que les Français risquent de voter pour le Front national. Car soyons honnête, c'est de cela dont il est question. Les chroniqueurs connaissent les vieux démons de toute démocratie : la sécurité dans l'ordre plutôt que l'insécurité dans la liberté. Certes Karl Polanyi nous dirait que les individus ont toujours préféré la sécurité et que c'est justement le système de marchés créateurs de prix qui a plongé les individus dans l'incertitude du lendemain, que la monnaie, la terre et les hommes sont des marchandises fictives et qu'elles ne peuvent le devenir que sous couvert d'une complexe armature institutionnelle. Et pour lui il ne s'agissait pas de miser contre la liberté mais de retourner tout bonnement à la nature humaine. Nous retrouvons alors la sempiternelle question rousseauiste : N'est-ce pas la société qui a corrompu un Homme naturellement bon? Mais c'est oublier un peu vite que la vie n'est pas un cadeau, qu'être plongé dans le monde c'est lutter, que la rareté des ressources fait partie de notre essence. En défendant sa théorie de l'évolution, Darwin ne se situait pas dans le camp des méchants capitalistes, mais sur le terrain de l'existence. Après évidemment on peut bien admettre que les acteurs économiques cherchent à se protéger de l'incertitude, de la concurrence, que la routine s'est substituée à l'innovation continuelle et que les chantres de la compétition sont eux-mêmes protégés par des barrières invisibles d'origine institutionnelles. Et effectivement, comment justifier la concurrence si cette dernière n'est pas « parfaite », si elle ne répond pas à des critères rationnels qui sont supposés la justifier comme l'aurait proclamé l'économiste français Léon Walras?

Personne ne peut souhaiter de toute façon la guerre de tous contre tous et tel n'était pas l'intention de Darwin. Reste alors à réfléchir sur le bon équilibre entre concurrence et compétition. N'est-ce pas au fond ce qui structure l'organisation des systèmes productifs locaux? Mais alors c'est le réseau de PME existant dans ce pays qu'il faudrait contribuer à solidifier. 

Houellebecq, la religion et l'écologie

Le 01/04/2022

Il est des coïncidences malheureuses, voire macabres. Il a été suffisamment noté que le jour de l'attentat contre Charlie Hebdo a correspondu à la sortie du dernier opus de Michel Houellebecq imaginant (prophétisant?) l'arrivée au pouvoir d'un certain Ben Abbès, chef du parti des Frères mulsulmans. L'histoire avait de quoi amuser éventuellement intriguer, elle trouve désormais de quoi inquiéter. A la lecture, c'est moins le parallèle entre les événements qui doit alerter les consciences, que l'essence même de la trame. Loin de critiquer l'Islam, le roman présente au contraire cette religion comme le dernier vecteur d'ordre dans un Occident en décomposition à côté de la réaction frontiste. On y voit par exemple des fonds saoudiens mettant fin à la prostitution financière de la Sorbonne, la langue française retrouver de sa vigueur, le chômage et la délinquance en voie d'éradication, ... Même les pulsions sexuelles, mobiles puissants des héros houellebecquiens, s'amoindrissent avec l'habitude de côtoyer des femmes en patalons et voilées. Evidemment cela a de quoi faire peur mais les récits spécualtifs ont justement le mérite de faire réfléchir. Quel degré de probabilité pour tel ou tel événement, tel ou tel choix? C'est toujours a partir d'un réel inscrit dans les contingences historiques que l'auteur imagine ce qui pourrait advenir. Les fils invisibles qu'il tisse relève toujours d'un champ des probables. Certes personne ne croit à un F. Bayrou premier ministre en 2022, mais il faut lire : "croire à un homme du consensus, qui ne crache pas sur l'importance de la foi, ...". De même l'éventualité d'une alliance UMP-PS-Frères musulmans pour barrer la route au Front National paraît peu probable, mais pas ... impossible. De ce point de vue, évidemment, on peut toujours prétendre que tout est imaginable mais le roman tient quand même la route et jusqu'au bout on peut demeurer intrigué et vouloir connaître l'issue ultime. En fait malgré les atternoiements relativement limités quand même du héros, tout fini bien, trop bien peut-être. Lorsqu'on suit l'histoire bien malheureuse du personnage principal, maître de conférences, sans épaisseur relationnelle et existentielle, ayant pensé au suicide, bref sans ce qui fait de la majorité des être humains des êtres sociaux—leimotiv des personnages houellebecquiens—on comprend que la dernière phrase du roman puisse être : "Je n'aurai rien à regretter". Le héros finit par se convertir à l'Islam, avec son rite de passage particulièrement bénin au demeurant, et à accepter les compromissions qu'implique le nouvel ordre religieux. Les choses se font presque naturellement. Il y a peu de tergiversations, peu de calculs politiciens, peu de réflexion sur l'avenir à long terme de la France, sur le contexte politico-financier et social. De toute façon le nouveau président a la trempe d'un Richelieu ou d'un Napoleon, c'est un batisseur d'empire. Le pays trouve par des voies détournées ce qu'il cherche justement depuis longtemps : le grand Homme qui saura le guider, l'Homme providentiel. Et puis, entre nous, aller vers le Troisième Empire, risquerait de poser des problèmes de traduction en langue allemande ... alors pourquoi ne pas s'en remettre à une ... troisième voie? C'est la raison psychologique qui l'emporte dans l'enchaînement des événements. Le héros parvient à faire de sa vie deux périodes distinctes, côte à côte, et exclusives l'une de l'autre, comme son père y était parvenu par son remariage.

Mais les coïncidences ne s'arrêtent pas là. Car pendant ce temps, le magazine Capital s'interrogeait, dans son numéro de janvier, sur les pays capables de relancer leur croissance, et surtout Marc Touati nous pondait un tout nouveau livre sur la nécessité d'une thérapie de choc en France. Heureusement qu'on a manifesté pour la liberté d'expression, il aurait été vraiment dommage que les conseillers financiers qui avaient prédit à l'hiver 2007, quelque mois après le déclenchement de la crise des subprimes, une remontée rapide du CAC 40 pour 2008, soient interdit de pouvoir encore s'exprimer sur la bonne politique à mener dans ce pays. A quand le retour d'un Etat qui ne sera plus le complice de cette impardonnable complaisance collective qui a élevé au rang d'élite nationale, voire mondiale, toute une clique d'experts et de financiers, à l'utilité douteuse, à la nuisance certaine. On rêve d'un président qui osera dire, un jour, dans un meeting parisien, harangué par une foule de sympathisans, que le véritable ennemi, c'est la finance ... Il y en a qui jouent leur bonus, d'autres leur vie, avec pour champ de bataille la France, dont on finit par se convaincre qu'elle n'appartient plus aux premiers. Touati et les experts nous promettent en tout cas des réformes, toujours des réformes, pour produire plus, pour produire mieux. Mais il faut être sérieux au moins une fois dans sa vie. Il ne faut pas chercher la croissance, il faut la fuire. Il faut bien comprendre que la question du chômage ne peut plus être résolue et qu'elle n'a plus à l'être. Il faut passer à autre chose. Alors qu'Olivier Marchand pouvait encore titrer un ouvrage en 2002 : Plein emploi, l'improbable retour, il semble bien que plus de 10 ans après, le pourcentage de probabilité soit tombée à 0. Depuis longtemps on le sait, l'enjeu est distributif, il faut réfléchir aux limites, à la redistribution.

Et c'est précisément sur cet enjeu crucial que l'on retrouve le roman de Houellebecq. Les solutions ne sont pas infinies. Notre entendement ne peut pour l'instant en concevoir que deux : l'écologie et la religion. Dans les deux cas c'est d'un retour aux normes dont il s'agit. Les deux ont ceci de bon qu'elles imposent une discipline à un moment où la République a du mal à distiller une morale laïque, ou en tout cas sa propre morale. Le risque d'autoritarisme n'est jamais à écarter en matière écologique avec les défenseurs de la deep ecology et de ce que certains ont nommé l'écolo-fascisme. En hypothétisant sur une victoire des frères musulmans en France, Houellebecq mise en fait sur la religion plutôt que sur l'écologie, voilà le sens profond de son roman. D'où le passage sur le distributivisme. C'est la répartition plus que la production qui constitue l'enjeu économique du moment. Les premiers économistes, classiques puis néoclassiques ne s'y étaient pas trompés qui inscrivaient au coeur de leur démarche la question des conflits et de distribution de la richesse. Mais peut-être faut-il regarder avec G. Arrighi aux "promesses de la voie chinoise", qui aurait misée, depuis l'origine sur un capitalisme redistributif plutôt que productif? Cependant le régime chinois, tout comme un régime islamique, peuvent-ils sérieusement faire rêver? 

 

le partage des compétences au sein de l'Union européenne

Le 01/04/2022

1/La Commission européenne, le parlement européen et le Conseil de l'Union européenne (le conseil des ministres) constituent les fondements du triangle institutionnel européen car ils font "vivre" les pouvoirs exécutif et législatif de l'UE et reposent chacun sur un principe spécifique d'une union qui est davantage qu'une confédération et pas encore tout-à-fait une fédération à l'américiane par exemple.

Pouvoir exécutif = Commission. C'est elle qui propose les lois, veille au respect des décisions européennes. Parle au nom de l'Europe et défend l'intérêt général de l'Europe. Par exemple une décision peut "favoriser" l'Allemagne mais "défavoriser" la France et vice versa. Il y a 27 commissaires plus le président.

Pouvoir législatif : partagé entre le conseil des ministres et le parlement. Le conseil parle au nom des Etat membre (chaque ministre défend les intérêt de son Etat ) et le parlement parle au nom des citoyens européen, ce qui peut inclure un intérêt général européen mais difficile à évaluer. Il y a 28 Etats membres et le Parlement européen compte 751 députés depuis la législature de 2014. Si la France possède 74 euro-députés, l'Allemagne en dispose de 96.

2/ Pôle communautaire = regroupe les institutions politiques européennes qui agissent e nfonction de l'intérêt de l'UE dans son ensemble et non en fonction de l'intérêt des Etat membres. Par exemple un commissaire portugais peut très bien défendre une directive qui favorise une partie des pays européens mais pas le Portugal. L'Europe parle alors d'une seule voie.

3/ Les lobbies ont un rôle important du fait des montants engagés, du nombre de lobbystes travaillant à Bruxelles, des rencontres qui sont faites avec par exemple les eurodéputés, sureprésentation de la finance et des entreprises américaines. C'est logique puisque les acteurs économiques cherchent à défendre leurs intérêts, encore faut-il que tous les intérêts en présence soient représentés. Mais cela est dangereux car normalement en démocratie les intérêts économiques doivent s'effacer devant l'intérêt général. Pensons aux OGM par exemple. Par ailleurs comment concevoir que les firmes US soient autant représentées alors que l'on parle de l'Union européenne !

La procédure de codécision (entre le Parlement et le Conseil de l'Union européenne).

5/ Vote à la majorité qualifiée. Depuis le 1er novembre 2014, le processus de décision au sein du Conseil (Conseil des ministres) a changé. S’applique désormais le système introduit par le traité de Lisbonne : celui d’une double majorité, celle des États et celle des citoyens (art. 16 TUE et 238 TFUE). La majorité qualifiée doit rassembler au moins 55% des États membres (soit un minimum de 16 États) et 65% de la population. Il existe une minorité de blocage qui doit inclure au moins quatre États membres représentant 35% de la population, sinon on considère que la majorité qualifiée est atteinte. Cette minorité de blocage a été introduite à la demande des « petits pays » pour éviter que trois États membres parmi les plus peuplés, puissent empêcher l’adoption d’une décision.

Vote à la majorité simple : selon le nombre d'Etats qui a la majorité.

Vote à l'unanimité : Tous les Etats doivent être d'accord sur une directive ou un projet.

Le vote à la majorité qualifiée est un intermédiaire entre la majorité et l'unanimité. L'unanimité bloque la construction européenne, il y aura toujours au moins un pays en désaccord sur un projet et la majorité simple implique une Europe fédérale, les pays minoritaires se soumettant à la loi de la majorité, ce qui est politiquement difficilement envisageable (manque de soutien populaire des citoyens).

Remarque : la procédure de vote à la majorité qualifiée concerne le vote en Conseil des ministres.

6/ Le parlement européen peut empêcher l'adoption d'un acte malgré la procédure de conciliation lorsqu'il y a désaccord avec le conseil de l'UE (conseil des ministres). Comme dans les procédures législatives natioanles, des amendements peuvent être déposés. Plusieurs lectures sont donc posibles.

7/ Le traité de Lisbonne renforce les pouvoirs du parlement en étendant la codécision (procédure législative ordinaire) à 50 nouveaux domaines et en lui laissant élire le président de la Comission européenne sur proposition du Conseil des ministres.

8/ Glissement vers une europe fédérale avec : la nomination d'un représentant de l'Union pour les Affaires étrangères : l'europe est donc ensée parler d'une seule et même voix au niveau diplomatique. Mais c'est loin d'être une réalité, cf. Affaire ukrainienne! + nomination d'un président du Conseil européen, mais ce n'est pas un "vrai" président au sens de chef de l'exécutif, d'ailleurs qui connaît son nom, ce qui traduit le manque de visibiltié de l'UE + extension du vote à la majorité qualifiée qui augmente les chances de faire passer des décisions au nom de l'Europe puisque c'est la Comission qui propose les lois et qui parle au nom de l'Europe.

 

La politique une fois de plus impuissante ?

Le 01/04/2022

On peut logiquement imaginer que le citoyen américain qui a voté pour Donald Trump souhaite voir sa politique appliquée. Le problème c'est qu'en nombre de votants effectifs cela représente environ un quart de la population, c'est peu, et cela doit immanquablement conduire à des aménagements. Le constat aurait été le même à 200 000 voix près pour Hilary Clinton. Cela fait déjà un écart par rapport aux espérances nourries durant la compagne. Mais plus gravement le candidat anti-système risque de se heurter à la logique même du système c'est-à-dire au principe de réalité de l'économie capitaliste. C'est ce que montre justement André Cartapanis dans un papier intitulé "Et si la finance sauvait les Etats-Unis de Donald Trump". L'incertitude à long terme de la politique économique de Trump (augmentation des droits de douane et risque probables de mesures de rétorsion, dépenses d'infrastructures et militaires, baisse de la fiscalité) provoquera une défiance des investisseurs qui exigeront une prime de risque plus forte et donc un accroissement des taux d'intérêt qui aboutira à remettre en cause la croissance économique. Trump devra alors reculer, et Cartapanis de conclure presque fièrement : "Face à la panique des marchés, Donald Trump devra alors abandonner la plupart des engagements qui lui ont permis d'être élu. La finance et les marchés boursiers auront alors sauvés l'Amérique de Donald Trump". Voilà un bel optimisme d'économiste qui de surcroît croît parler au nom du peuple et mieux savoir que lui ce qu'il faut faire. Il s'agit de "sauver l'Amérique" et, on le devine, le monde entier. De nombreuses émissions ont aussi véhiculé des thèmes du type "Trump est un milliardaire, c'est un capitaliste, il ne prendra donc pas des décisions contraires au monde des affaires", "il sera pragmatique", et ses premiers discours vont dans ce sens, il aurait déjà revu la baisse son intention de détruire l'Obama care qui, soit dit au passage, n'est pas d'une grande limpidité pratique. Effet d'anonce ? A suivre.

On voit bien en tout cas que la conduite des affaires courantes dans un univers particulier impose des décisions et limite le champ des possibles. Voilà qui doit faire froid dans le dos plutôt que rassurer. Même un candidat qualifié de populiste, voire de démagogue, il faudra s'entendre sur ces termes, ne peut rien faire et peut-être même parce qu'une fois au pouvoir sera impuissant ne peut-être que démagogue durant une campagne présidentielle. Le populisme est la conséquence du pouvoir de l'économie. Les partisans de D. Trump auraient peut-être secrètement souhaités un effondrement des marchés financiers. Il n'en a rien été, justifiant ainsi le schéma de Cartapanis. Un chef d'Etat pourra t-il alors prendre le risque de changer ouvertement de système ? En l'espèce il n'est pas certain que ce soit le voeu profond de l'Américain moyen. Pierre Gattaz pourrait alors prêcher aux Etats-Unis comme en France la bonne parole, "allez donc en Corée du Nord si vous ne voulez pas jouer dans la cours des grands" ! D'ailleurs Cartapanis le précise, seule la mise en place d'un "gossplan yankee" permettrait à Trumps de réaliser ses promesses ...

Chroniques macroniennes (II)

Le 01/04/2022

La victoire d'Emmanuel Macron a constitué au fond une surprise attendue. Alain Badiou a évoqué quand à lui un coup d'Etat démocratique. Nous ne pouvons que rivaliser d'oxymores avec ce nouveau président. C'est déjà peut-être un point positif. Les intellectuels aiment la complexité, les ambiguités. C'est leur fonds de commerce. Ils gagnent leur vie, en tentant de démêler le cafarnum de la quotidienneté. Avec Macron, il y a de quoi être servi. Merci mon prince. Le problème en tout cas avec ce positionnement oxymorique c'est qu'il induit un procès en complotisme. La vérité est ailleurs. Ce n'est pas un hasard si l'expression "en vérité" apparaît souvent dans les propos de la leader du Front national. Il faut distiller l'idée que sous des apparences de gendre idéal, Macron cherche à abaisser la culture française, un savoir vivre et un savoir penser populaires devenus ringards auprès des élites mondialisées. Un tel point de vue en termes de démission des élites remonte au moins, et pour le cas américain, au brillant penseur, Christopher Lasch. Malgré le caractère plausible d'une telle argumentation il ne faut pas oublier non plus qu'elle opère comme n'importe quelle autre un effet d'imposition. Il s'agit toujours de faire croire à quelque chose, d'en appeler au sens commun, aux croyances, bref à l'indicible, plus rarement à la raison mais que peut-elle ?

De quel droit évoquer ses impressions sur le monde politique ? Qu'est-ce qu'un petit professeur égaré peut bien apporter de plus sur un monde politique ultra scruté et ultra commenté ? Chacun y va de son petit commentaire, de sa petite phrase. Mais justement est-on plus fin analyste en étant journaliste de plateau télévision ? Tout le monde sait que l'information pure n'existe pas,que la réalité est toujours une scène à filmer parmi d'autres. Celà nous le savons au moins depuis Pierre Bourdieu. Et puis il y a aussi l'autre côté de la scène, ce cerveau qui observe et qui n'est à l'évidence pas un simple receptable. Les messages sont interprétés, il y a une barrière idéologique qui filtre les données. Non décidément personne ne peut s'arroger en la matière de droits particuliers. L'exemple récent de Julien Rochedy est instructif. Son parcours politique est bien connu mais le reportage qu'il nous a livré de Damas dans le contexte actuel de guerre ne peut laisser indifférent. Nous pouvons y voir des femmes libres, exerçant des activités diverses et choisies. Il faut vraiment faire un effort pour croire qu'il y a la guerre a proximité. La hantise de ces femmes, d'ailleurs, c'est la victoire de l'obscurantisme religieux. A ma décharge, j'ai visionné ce reportage au même moment où des femmes manifestaient dans Paris au quartier Pujol pour retrouver le droit de ... circuler librement dans la rue ! Saisissant et inquiétant contraste. Comment articuler alors ces deux informations qui n'en sont peut-être pas ? Qu'est-ce que le réel, au fond ? Au mieux pouvons nous espérer une certaine cohérence interne du raisonnement lorsque nous l'analysons, un principe de non contradiction, en faisant abstraction des changements d'opinions qui ne peuvent manquer d'advenir sur une période suffisament longue ou mouvementée.

Deux événements m'ont particulièrement saisi ces temps-ci. D'abord la démission du général De Villiers et l'indigence de ce qui s'appelle en France l'opposition. Celle-ci a retrouvé ses réflexes basiques alors même qu'il est admis que la politique ne serait plus comme avant. La séquence a été la suivante, du moins de ce que j'en sais : audition programmée du chef d'Etat major auprès d'une commission parlementaire – propos qui ont fuité (pourquoi ?) - énervement du président de la République, rappel à l'ordre et à la Constitution : Le président est le chef des armées – démission du chef d'Etat major, événement rarissime. Devons-nous toutefois parler d'humiliation en ce qui concerne ce général ? Le chef de l'Etat n'est-il pas  effectivement le chef des armées ? Mais en le rappelant haut et fort, il aurait dévoilé une évidence masquant justement un manque d'autorité. Nous avons eu le sentiment en tout cas que l'opposition guettait le moindre faux-pas pour en faire une affaire d'Etat. C'est le jeu de l'arène politique dira t-on. Mais justement les Français n'ont ils pas fait savoir qu'ils n'en pouvaient plus de cette soupe nauséabonde et que cela donnait même sens au récent et incroyable parcours de Macron ? Il ne faut pas se tromper de front. Certes la présentation en termes de dépassement du clivage droite/gauche initié par le candidat Macron a vraisemblablement été hypocrite, en ce sens qu'il a répondu à une attente, vérifiée d'ailleurs, des Français. Mais de là à retomber dans les travers les plus détestables de ce clivage ... Certes les questions de défense ne sont pas à prendre à la légère et comme le prétend justement Jean-Luc Mélenchon, les dépenses doivent succéder à l'urgence des missions et non constituer une variable d'ajustement. S'il faut dépenser de l'argent pour la défense alors il faut le faire. Mais faut-il pour autant s'interdire de penser le ratio d'encadrement qui paraît problématique, tout comme en Grande-Bretagne d'ailleurs ? Que penser de ce que l'on appelle la deuxième section, composée de généraux à disposition du ministère de la défense mais qui ne sont pas en activité et disposent encore d'avantages substanciels ? De celà, il est vrai, il n'a pas été question. Voilà pour le premier fait que nous voulions évoquer.

Ensuite il y a eu ce qui a été présenté comme un cafouillage à l'Assemblée nationale dans la nuit du 25. Certes les images montrent une président de séance visiblement dépassée par les événements qui a besoin d'un costume cravate derrière elle pour lui souffler semble t-il quelques conseils, une chambre très clairsemée, des députés qui se lèvent, contestent, prennent la parole au motif de rappel du règlement. Mais justement, cela a donné à l'Assemblée nationale un air de jeunesse. On se serait cru en 1789 quand les jeunes élus découvraient une vie parlementaire à inventer. Plutôt réjouissant. Mais peut-être est-ce justement trompeur. Derrière ce tableau candide on trouvera tôt ou tard des enarques prêts à remettre ces députés dans le droit chemin. Pour le cacher, il fallait laisser croire à un cafouillage révélateur d'une autonomie et d'une auto-organisation de l'Assemblée nationale, ce qu'elle n'est peut-être plus.

 

Genre et idéologie

Le 01/04/2022

C'est la grande trouvaille des partisans du genre, que d'affirmer que les représentations sociales sur le sexe sont préalables à son substrat biologique. Il a souvent été dit qu'un tel positionnement poursuivait les travaux de la French theory dont se réclament de nombreux auteurs. Le monde est une construction sociale, intellectuelle, contingente. Il est donc permis de le déconstruire. Déconstruisons, déconstruisons, c'est la loi et les prophètes !

Il s'agit alors de dénaturaliser le sexe pour révéler au grand jour les rapports de domination qui régentent les relations hommes-femmes. Il n'y a rien de naturel à ce que les femmes accèdent moins que les hommes aux postes à responsabilité (le fameux plafond de verre), qu'elles soient moins rémunérées que les hommes pour un emploi identique, qu'elles consacrent davantage de temps aux tâches rébarbatives. Non, il n'y a rien de génétique là-dedans. Mais alors questions simples, emprunt de sexisme larvé diront certaines : Pourquoi les femmes n'arrêtent-elles pas de faire le ménage ? De s'occuper des enfants ? De faire les courses ? De préparer à manger ? A cause d'une culpabilité, socialement construite ? Mais si elles le font toutes en même temps, ce sentiment du devoir inaccompli tombera normalement de lui-même. Mais on le sait aussi une telle révolution implique une action collective concertée extrêmement difficile à mettre en place. Les économistes nous l'ont appris avec leur notion de free rider. Chacun à intérêt à laisser les autres supporter le coût d'une action collective. Elles ne le font pas car elles sont financièrement dépendantes de leur mari ? Mais pourquoi donc ne pratiquent-elles pas l'hypogamie ? Il se trouve que depuis les cohortes de 1940-45 la tendance s'est inversée et qu'il y a désormais autant de couples endogames que de couples où la femme est plus diplômée que son conjoint (sous hypothèses, cf. Milan Bouchet-Valat, 2015). Donneraient-elles enfin tort aux tenants de la psychologie évolutionnistes qui peuvent encore intituler leurs livres : Pourquoi les femmes des riches sont belles ?

Que le couple constitue un espace de domination comme les autres n'est pas une idée absurde. Et des auteures comme Danièle Kergoat l'ont très bien montré. Mais pourquoi diantre faire entrer la notion de genre dans l'arène ? Pourquoi ne pas en rester aux inégalités de sexe ? Après tout chacun est capable de faire la distinction entre différences et inégalités qu'elles soient de sexe ou de classe. Parler d'inégalités de sexe est déjà suffisammnet éclairant surtout lorsqu'on y adjoint l'idée de domination masculine. Certes l'évocation des rapports sexuels ouvre la voie, toute comme la littérature en terme de genre, aux délires des extrêmistes souhaitant abolir le sexe pour rompre définitivement avec la domination masculine. "Tous gays" proclameront-ils/elles ! Eh oui, que n'y pensions-nous ? Le problème toutefois c'est que les trop rares études sérieuses sur ce thème ont montré que les rapports de domination ne disparaissaient pas au sein des couples homosexuels. Il faut bien faire les tâches du quotidien !

Parfois les lunettes du genre comme il est dit confinent à l'idéologie honnie. Il suffit de regarder la petite vidéo du Centre Hubertine Auclert, "C'est quoi le genre ?". Pour justifier les inégalités de salaire, le documentaire compare le salaire d'une femme et d'un homme. 1800 euros contre 2300 euros. 28% d'écart peut-on calculer. Les chiffres attirent l'oeil. Très bien. Il doit bien s'agir des mêmes professions. Or pas du tout. Ce sont deux postes différents qui sont comparés : un chargé d'études et une chargée de communication. Inégalité ou différence de salaire ? On retrouve le même genre de biais dans les tableaux statistiques de l'INSEE. On peut y voir des hommes disposant d'un revenu salarial moyen de 22550 euros en 2011 contre 16720 pour les femmes. Ecart : 34,8%. Faramineux ! Or paradoxalement rien n'est dit ici sur les inégalités salariales. La seule chose que l'on sache c'est que les inégalités parmi les femmes actives sont bien plus fortes que parmi les hommes actifs. Mais il s'agit d'une autre donnée. L'écart de 34,8% renvoie en fait à des écarts, que l'on peut dénoncer par ailleurs, de statut de l'emploi et d'accès aux postes à responsabilité. Les femmes sont davantage touchées par le travail à temps partiel et accèdent moins aux postes de cadres. Il est donc statisitiquement logique qu'elles gagnent en moyenne moins que les hommes.

Plus gravement les tenants de la primauté du genre fourbissent les armes de leurs ennemis car deux approches radicalement différentes sont permises à partir de la primauté du genre sur le sexe. Un camp déconstructeur et un camp conservateur. Le premier souhaite l'abolition du sexe et le libre choix du genre. L'individu prime sur la société. On voit aisément le lien avec la gauche libéral-libertaire. Le second proclame qu'il ne faut pas toucher aux stéréotypes de genre sous peine de destructurer la société. Cette dernière prime sur l'individu. Il y a des normes et des valeurs que les individus n'ont pas choisi, après tout Marx nous l'a appris il ya longtemps, ce sont les Hommes qui font l'histoire mais dans des conditions déterminées ...

L'ordre des priorités

Le 01/04/2022

Voilà deux informations qui méritent qu’on s’y intéresse et qui concernent le journal Le Figaro. D’abord un sondage concernant ce que les Français attendent de la droite. On y trouve sans surprise en tête « la maîtrise de l’immigration » (intitulé qui au passage de signifie pas grand-chose, que signifie « maîtriser » l’immigration ?), puis la lutte contre le chômage et la lutte contre l’insécurité ou le terrorisme. Mais là où le sondage est instructif, c’est dans la présentation qu'il opère. A côté d’une colonne « sympathisants LR/UDI » il est adjoint une colonne « sympathisants LR/UDI/FN ». Idem pour ce qui concerne les « valeurs de droite ». Il est donc entendu que le FN est bien à droite et que la recomposition du champ politique, au moins dans les esprits, doit passer par lui. Une pierre de plus à l’édifice de recomposition ? A voir, dans la mesure où à la question des listes communes pour les prochaines élections entre LR/UDI et LREM d’une part et entre LR/UDI et le FN d’autre part, le FN semble encore jouer de repoussoir pour le sympathisant de base LR/UDI : 65% sont contre. Dans le même temps ils ne sont que 42% à s’opposer à des listes communes avec LREM, le « pour » l’emporte à 45%. Il semble en fait que ce soient les sympathisants, soit LREM, soit FN qui soient favorables à des listes communes : 76% pour les marcheurs et 70% pour les frontistes. Donc LR/UDI  constitueraient encore une force d’attraction. Mais qui faut-il attirer ? Une grande alliance de droite est-elle possible ? En tout cas dans sa présentation du sondage, le site très controversée, « F de souche » évoque « les priorités des sympathisants de ... droites (LR/UDI/FN) » !

Deuxième information ensuite qui concerne les atermoiements de Guillaume Roquette, directeur de la rédaction du Figaro magazine, contre les propos de Tony Blair souhaitant revenir sur le Brexit. Et la justification vaut son pesant d’or : Les peuples ont le droit de faire primer le politique sur l’économique et ce d’autant plus que les britanniques l’ont fait en connaissance de cause étant donné le matraquage médiatique contre la sortie. Eh oui, le politique a le droit de primer sur l’économique. Est-ce donc la nouvelle droite qui pointe à l’horizon ? Mais surtout ne risque t-on pas de trouver une telle logique, in fine, chez les seuls partisans d’une sortie de l’Union européenne ?  Alors effectivement les priorités auront été remises dans l’ordre.

L'union des droites ou l'union des deux rives ?

Le 01/04/2022

Tout le monde est bien conscient qu'une recomposition politique est à l’œuvre depuis la victoire d'Emmanuel Macron. Si l'on s’intéresse à la droite, l'enjeu tourne autour du positionnement vis-à-vis du Front national et réciproquement. C'est vraisemblablement en ce sens qu'il faut lire la stratégie récente du FN. Comme ce parti n'est pas parvenu à regrouper l'ensemble de l'électorat sensible à la souveraineté de la France et qui compose les deux rives du clivage partisan, pour reprendre l'expression de J-P Chevénement, il s'est arrangé pour éjecter celui qui le symbolisait, F. Philippot, et a lancé des appels au futur chef du parti Les Républicains. Ce dernier les a gentiment renvoyé dans les cordes tout comme JL Mélenchon, F Philippot, au sujet d'une alliance d'idées avec Les Patriotes.

                De toute évidence le camp de l'union des droites semble le plus important, du moins pour le moment et médiatiquement. Il peut compter sur un allié de taille dans la personne d'Eric Zemmour. Pour celui-ci il faut abandonner les vestiges de l'UMP et reprendre la tonalité du RPR des années 90 autour d'un programme identitaire unissant le FN lui-même recentré sur ses fondamentaux : l'immigration, la lutte contre le terrorisme, … Le programme économique doit arriver en second. Mais il est sans doute hâtif de penser que les problématiques économiques seront neutralisées une fois l'identité mise sur le devant de la scène. Peut-être les citoyens ne sont-ils pas indifférents au positionnement que prendra un éventuel gouvernement de droite identitaire. Certes on dira que la droite « dure » allemande dispose d'un programme économiquement libéral. Seulement l'exemple récent français montre que le candidat F. Fillon a commencé à perdre des voix en déroulant son programme économique, on pense évidemment au non remboursement des soins mineures qui a fait sortir un H. Guaino de ses gonds. A.  Madelin lui-même, chantre du libéralisme politique dans ce pays, a qualifié les  mesures Fillon de Robin des bois inversé ! « On prend aux pauvres pour donner aux riches ! » Ce n'est peut-être pas un hasard si le candidat Macron proposera un remboursement intégral des prothèses auditives et dentaires ainsi que des montures. On ne joue pas avec la Protection sociale des Français ! 

                Fondamentalement l'affirmation des questions identitaires ne peut manquer de rencontrer celles liées à la souveraineté. Elles sont intimement liées, même si la souveraineté porte un ethos positif et l'identité un ethos négatif. Dans la mesure où les Firmes multinationales, sans parler des monstres GAFAM, se jouent des Etats, la posture identitaire peut difficilement être néo-libérale, de surcroît dans un pays comme la France où l'Etat a historiquement joué un rôle d'impulsion, très souvent bénéfique, du moins quand les élites faisaient encore corps avec la nation. Qui ne se souvient des propos de J-M Le Pen s'attaquant au « mondialisme apatride » et qualifiant l'euro de « monnaie d'occupation » ? Peut-être que l'idéal économique est alors celui d'un libéralisme de petits propriétaires, où les services s'échangent in fine contre des services mais où, à l'équilibre le profit est … nul ! Les économistes reconnaîtront ainsi les soubassements du modèle d'équilibre général. L. Walras, théoricien posthume de la droite identitaire ? De nombreux intellectuels de droite en tout cas ont compris qu'il fallait refonder le corps doctrinal. La publication du nouveau mensuel, L'Incorrect s'inscrit dans cette perspective.  Ce n'est pas un hasard si Marion Maréchal Le Pen ainsi que Charles Millon se retrouvèrent pour le lancement du journal. La stratégie d'unification des droites est donc bien en cours. 

                A l'opposée se situe celle de l'union des deux rives, allant des séguinistes aux chevénementistes, de loin la plus intéressante mais aussi la plus difficile à mettre en œuvre.  Qui dit rive, dit séparation … Dans un article de 2009, « Les difficultés d'implantation d'un parti souverainiste en France (1992-2009) », Emmanuelle Reungoat analysait les difficultés à faire se rejoindre les deux rives. Déjà les partis souverainistes ne seraient pas durables à cause par exemple de la mainmise des grands partis qui font pression pour empêcher les signatures ou les investitures. D’ailleurs C. Pasqua ou P. De Villiers n'avaient pas rompu avec leurs partis d'origine. Ensuite les partis souverainistes manquent fondamentalement de ressources, au moins financières, si ce n'est symboliques. Sur ce point la faiblesse de l'emprise médiatique n'est peut-être plus un obstacle majeur avec le développement d'internet et des réseaux sociaux capables d’organiser des manifestations et conférences bien réelles. Citons au moins le Cercle Aristote animé par P-Y Rougeyron. Enfin Reungoat note l'instabilité des partis souverainistes fait d'alliance, de ralliements et de sous-groupes plus ou moins structurés. Aussi la volonté affichée de rassemblement par les Patriotes sera t-il suffisant ? Est-il possible de construire sur les décombres d'un rêve avorté ? Certains des protagonistes d'antan ne sont plus de ce monde, comme Pasqua ou Séguin et Chevénement a décidé de donner sa chance à Macron. Serait-il passé à côté du très intéressant article de Mathieu Slama dans le Figaro du 24 avril 2017 : « Macron-Le Pen ou le retour fracassant de la lutte des classes » ? Il faut quand même parcourir cet article, écrit, excusez du peu dans Le Figaro et non dans L'Humanité : «  La France de Marine Le Pen ... gronde face à l'incroyable arrogance de cette bourgeoisie qui lui donne des leçons d'humanisme et de progressisme du haut de ses 5000 euros par mois … Malgré son talent indéniable, l'ancien banquier Emmanuel Macron ne révolutionne rien ». Voilà qui annonce ces électeurs « à vomir » d'H. Guaino dans l'entre deux tours des législatives. Ce dernier aurait-il été victime d'une naïveté confondante en oubliant que la bourgeoisie a souvent été prête à trahir ses idées pour son portefeuille ? Slama ira aussi jusqu'à vilipender le régime parlementaire, « régime de tous les compromis qui profitent toujours aux lobbies et aux intérêts privés » et conclut son analyse en prophétisant d'un ton amusé et presque bienveillant : "Et peut-être assistera-t-on, dans un avenir lointain, à une réunion de la France de Le Pen et celle de Mélenchon contre la France des libéraux". La mobilisation conceptuelle de la lutte des classes et au final de Marx ne doit pas surprendre, même dans un journal dit de droite. On trouve des références à Marx aussi bien chez E. Zemmour que chez l'ancien politique Philippe de Villiers. A croire qu'ils se sont passés la référence, celle issue du Manifeste où Marx évoque les fameuses eaux glacées du calcul égoïste. L'article de Slama n'annonce pas en tout cas l'alliance des droites mais bien celle des souverainistes où le programme économique antilibéral coule de source. Mais peut-être force t-il le trait pour installer une option politique que d'aucun pourrait qualifier de dangereuse, si ce n'est de suicidaire. Peut-être souhaite t-il qu'un maximum de personnes s'engouffre dans cette brèche afin de pouvoir compter les cadavres qui en sortiront ? Pierre-Yves Rougeyron en fera t-il parti ? Lui aussi milite pour un grand rapprochement des patriotes au delà des clivages habituels. Pour preuve sa mise en lumière des excès « zemmouriens » à l'encontre de F. Philippot lors de sa venue sur Paris Première il y a quelques semaines. 

                Reste alors la référence au gaullisme ... Mais est-ce suffisant ? Il est certain que De Gaulle est le dernier président, si ce n'est le seul, a avoir maintenu le sentiment que la France avait encore un rôle à jouer dans le monde, qu'elle avait un rang à y tenir, avec ses contraintes aussi. Les Français sentent bien au fond d'eux-mêmes qu'ils sont encore redevables à cette posture de grandeur qui animait le général : « la France ne peut être la France sans la grandeur ». Paroles vaines diront certains. La France avait déjà perdu depuis bien longtemps le leadership mondial. Et pourtant, quel joie de pouvoir encore être fier d'être Français. Quiconque a une part de France en lui ne peut que s'émouvoir et se sentir transporté lorsque, suite à un discours prononcé à Cambrai, le général De Gaulle, invite son auditoire à chanter avec lui l'hymne national. La Marseillaise est alors élevée au rang de chant de résistance et d'unité. Quelle image … D'une certaine manière on la retrouve dans le film Austerlitz d'Abel Gance, lors de la scène finale, lorsque Napoléon se découvre devant ses soldats et demande à ce que l'on joue la Marseillaise. Même émotion. Même sentiment de fierté. Le génie français à portée de main …  Dans un ton beaucoup plus populaire, le film Mais qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu ?, ne peut s'empêcher une emblématique et fondatrice référence au général De Gaulle. L'esprit français traverse les temps au delà justement des guerres de religion …