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Trame 3 - L'internationalisation de la production

LONGUEPEE Daniel Par Le 02/12/2023 0

Il s'agit d'expliquer les raisons du commerce international c'est-à-dire des échanges de biens et de services entre pays, et de la spécialisation des pays ainsi que l'internationalisation de la production impliquant en plus les mouvements de capitaux.

1° Le commerce international est largement interprété comme résultat de la spécialisation des pays. Il semble logique en effet que la spécialisation en métiers qui existe à l'intérieur d'un pays ne se reproduise pas entre pays.

2° La première véritable approche justifiant la spécialisation, celle des avantage absolus d'A. Smith, a été critiquée par D. Ricardo qui propose une théorie en termes d'avantages comparatifs. Contrairement aux avantages absolus où un pays n'exporte que les produits où il est le plus productif, la théorie des avantages comparatifs (relatifs) justifie la spécialisation dans les produits où le pays dispose d'un avantage relatif. Ainsi dans l'exemple du Portugal et de la GB produisant du vin et du drap, Ricardo montre que la GB utilisant pourtant plus de main d’œuvre que le Portugal dans les deux produits a intérêt à se spécialiser dans le drap qui utilise moins d'hommes-années que le vin. Cela s'explique par l'avantage géographique dont dispose le Portugal. Pensons aussi au vignoble français, mondialement incomparable. Un pays a en tout cas intérêt à se spécialiser dans le bien pour lequel il dispose d'un avantage relatif.

3° Il faut souligner que l'approche de Ricardo qui justifie en même temps que la spécialisation le libre-échange repose sur des hypothèses parfois très restrictives : mobilité parfaite des facteurs de production à l'intérieur du territoire, immobilité des facteurs entre pays, neutralité des spécialisations (vin ou drap, avions ou T-shirt, peu importe), pas d'utilisation du taux de change. Ce cadre restrictif précarisera toute justification du libre-échange à partir de la théorie des avantages comparatifs.

4° L'approche basée sur les dotations factorielles prolonge celle de Ricardo en la complétant. Elle s'appuie sur 2 facteurs, au lieu d'un, 2 produits et 2 pays, avec le même cadre hypothétique rappelant celui du modèle de concurrence pure et parfaite. Elle aboutira au célèbre théorème HOS (Heckscher-Ohlin-Samuelson) spécifiant que les pays ont intérêt à se spécialiser dans les biens qui nécessitent de manière intensive pour leur production le facteur de production le plus abondant (le moins rare) dans le pays.

Rareté relative des facteurs → Production nécessitant relativement + ou – d'un des deux facteurs

Ainsi un pays qui dispose comparativement (relativement) de plus de travail que de capital se spécialisera dans les biens qui réclament comparativement plus de travail que de capital (CAD dont l'intensité capitalistique est faible). Et inversement.

5° D'après le théorème HOS, un pays comme les USA, avancé technologiquement, devrait exporter des biens intensifs en capital (CAD qui utilisent comparativement plus de capital que de travail). Toutefois Léontief observe dans les années 50 que les exportations américaines sont intensives en travail, ce qui contredit le théorème HOS. En fait il sera montré plus tard que les exportations américaines sont intensives en travail qualifié caractérisant en fait la meilleure dotations technologique (et en capital humain) de ce pays. Aussi les dotations technologiques sont-elles un facteur supplémentaire à prendre en compte pour expliquer la spécialisation d'un pays.

6° Les théorie des avantages comparatifs, des dotations factorielles et technologiques permettent d'expliquer les échanges entre pays de niveaux différents de développement. C'est le commerce inter-branches, car les produits échangés appartient à des branches différents comme échanger des T-shirts ou des bananes contre des ordinateurs ou des engins agricoles. Aussi faut-il expliquer les échanges entre pays comparables.

7° Il existe 3 façons d'expliquer les échanges entre pays comparables, CAD le commerce intra-branche qui représente plus d'un tiers du commerce mondial. Déjà à travers la différenciation des produits. Celle-ci peut être verticale (produits de gammes différentes) ou horizontale (produits de mêmes gammes mais avec des design, formes, … différents). Ensuite à travers la qualité des produits, ce qui renvoie en fait à la différenciation verticale. Ainsi une Ferrari n'est pas au même niveau de qualité qu'une Renault Clio ou un polo Lacoste d'un polo basique. Enfin à travers la fragmentation de la chaîne des valeurs suggérant que l'ensemble des phases de la production ou des types de biens intermédiaires et pièces détachées ne sont pas réalisés dans le même pays comme pour la fabrication de l'Airbus A380 « dispatchée », fragmentée dans plusieurs pays européens (Espagne, Grande-Bretagne, France, …). Chaque pays d'implantation est choisi en fonction de son avantage comparatif, faut-il croire. Cette fragmentation montre aussi l'importance des firmes transnationales (multinationales).

8° Parler de compétitivité des pays peut paraître un peu vague dans la mesure où ce sont avant tout les entreprises, étrangères ou non, à l'intérieur du pays, qui exportent. Aussi pouvons-nous montrer que c'est la productivité des firmes qui est à l'origine de la compétitivité des pays. Au minimum les gains de productivité améliorent la compétitivité-prix des firmes. Pour obtenir ces gains, les firmes doivent notamment investir dans la R-D pour mettre au poins de nouveaux procédés ou de nouvelles organisations du travail. Les gains de productivité améliorent la compétitivité-prix à travers la baisse du coût salarial unitaire, qui, au final, rapporte le coût horaire du travail à la productivité horaire du travail.

9° Une fois que les échanges se développent, il est bon de savoir quelles conséquences ils ont. En fait elles sont mitigées. Si le commerce mondial a permis la réduction des inégalités entre pays, il a aussi accru les inégalités au sein des pays.

10° Le commerce mondial a été très favorable aux pays d'Asie du sud-est, ce qui, compte tenu du poids énorme de la Chine, a joué sur la réduction des inégalités de richesses entre pays. L'insertion dans le commerce mondial a favorisé l'industrialisation,l'exode rural et les gains de productivité. Au final les salaires ont pu augmenter permettant une baisse de la pauvreté et incitant à une montée en gamme vers des produits davantage technologique, comme ce fut le cas pour la Corée du Sud avec les marques Samsung ou Hyundai et plus largement pour la Chine avec au minimum Alibaba et les marques de voitures électriques prêtes à inonder les marchés mondiaux. En tout cas les « classes moyennes » des PED ont pu progresser plus rapidement que les « classes moyennes » occidentales.

11° La hausse des inégalités au sein des pays peut s'expliquer par l'utilisation intensive de la main d’œuvre qualifiée dans les pays développés qui s'est raréfiée favorisant une hausse des salaires. Par contre la main d’œuvre peu ou pas qualifiée s'est retrouvée en concurrence avec la main d’œuvre des PED sous-payée. Les écarts de salaires se sont donc accrus.

12° Enfin le commerce international a reposé sur l'internationalisation de la chaîne de valeurs, même phénomène que la fragmentation mais entre pays de niveaux de développement différents. Pensons à la fabrication d'un i-Phone, assemblé au final en Chine. C'est la crise du Covid-19 et le confinement qui ont révélé l'importance de la chaîne de valeurs puisque de nombreux approvisionnements en pièces détachées et en composante intermédiaires, en particulier dans l'automobile, ont cruellement manqué. En tout cas ce sont les filiales-ateliers qui symbolisent cette fragmentation puisque chaque unité de production est spécialisée sur un créneau particulier de la production et non sur toute la fabrication. Cela implique donc un commerce intra-firme, entre filiales et/ou ente filiales et maison-mère. Toute comme la fragmentation de la chaîne de valeurs, c'est le rôle des firmes transnationales qui est en jeu et une forme particulière d'action, les investissements directs à l'étranger (IDE).

13° Enfin le fait que l'ouverture internationale a des effets à la fois positifs et négatifs débouche sur le débat libre-échange-protectionnisme. Il existe 2 grands types d'instruments protectionnistes tout comme 2 grands types de justification. En général on retient surtout l'argument développé par F. List au 19ème autour du du protectionnisme éducateur visant à protéger temporairement les industries naissantes pour leur permettre ensuite d'affronter la compétition internationale, ce qui peut paraître comme une position de bon sens. Il est manifeste que l'histoire du capitalisme alterne phases de libre-échange et de protectionnisme. Récemment c'est D. Trump qui a réactivé un protectionnisme « offensif » basé sur l'augmentation des droits de douanes. Cela a entraîné des mesures de rétorsions du pays visé, la Chine, rappelant les mauvais souvenirs des années 30 et soulignant plus largement les limites du protectionnisme et les avantages supposés du libre-échange.


 

 

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