Où va la France?

LONGUEPEE Daniel Par Le 19/11/2011 6

Dans Sciences politiques

 

Il est des périodes de misère sociale et intellectuelle. Et il semble bien que nous soyons en zone de turbulences. On entend régulièrement des hommes politiques et autres commentateurs qui, après s'être lamentés sur la situation de la France, s'empressent d'ajouter : "Mais la France reste un grand (et beau) pays", "La France est encore la cinquième ou sixième puissance mondiale", "la France ceci, la France cela". Qu'on leur rende grâce de leurs simagrés obligés. Il semble que les Français, eux, aient bien compris. 53% d'entre eux se disent révoltés par la crise actuelle et 29% se disent résignés, selon un sondage IFOP-JDD publié dimanche dernier. Même si les sondages n'engagent que ceux qui veulent bien les croire, même si l'"opinion publique n'existe pas", nul ne peut manquer de constater le malaise, au moins intellectuel, qui règne dans ce pays. Et même physiologique. Il y a quelques temps l'association Médecins du Monde s'alarmait d'un imminent krach sanitaire. En cause le démentèlement des droits sociaux. Si effectivement la France est fille ainée de l'Eglise, alors la charité et l'hospitalité doivent en demeurer des valeurs fondamentales. Le problème évidemment c'est lorsqu'une partie croissante de la population ne joue plus le jeu et se destine à l'assistanat. Alors les questions financières peuvent hélas revenir sur le devant de la scène.

Les Français s'attendent en tout cas à de lourds sacrifices et il est vrai que le bourrage de crâne médiatique fait bien son oeuvre. Nul ne peut concevoir les choses autrement que dans la souffrance, à moins de passer pour fou ou extrêmiste, que les fous ou les extrêmistes aient ou non raison, ce n'est même plus le problème. D'ailleurs les fous qui appelaient il n'y a pas encore si longtemps à l'éclatement de la zone euro, ne commencent-ils pas aujourd'hui à trouver un sérieux écho ?

Le "monde financier" aura au moins réussi le tour de force de faire croire que le marché financier existait réellement et qu'il pouvait faire et défaire les gouvernements. Or, si les gouvernements peuvent être défaits, ce n'est surement pas sous l'action d'un quelconque marché, personnalisé et déifié pour l'occasion. Derrière le marché il y a des hommes, des financiers, des institutions. Qu'une agence de notation annonce la possible dégradation de la note française, et c'est le premier ministre lui-même qui sur-enchérit en annonçant un durcissement de la rigueur. La souveraineté populaire ne peut pas être plus offensée. Bien sûr les statistiques sont alarmantes qui nous montrent que l'écart du taux de l'emprunt à 10 ans avec l'Allemagne atteint des records. Mais pourquoi devrions-nous nous plier aux diktats des prêteurs internationaux? Que penser d’une nation qui demande à être secourue par des pays (notamment la Chine) que l’on qualifiait de sous-développés il y a encore quelques temps ? N'est-ce pas le signe que la politique de la France se fait désormais "à la corbeille", c'est-à-dire sous l'emprise des décideurs de la finance, comme aurait dit le général De Gaulle ? Celui-ci ne craignait-il pas d'ailleurs que la France ne se "portugalise", c'est-à-dire qu'elle perde son statut de grande puissance pour celui de puissance mineure et insignifiante ? Il est vrai que le déclin relatif de la France à l'époque de la présidence gaulienne pouvait encore se noyer dans l'épopée économique des Trente Glorieuses. Qui saît, la France qui profite déjà largement de son patrimoine historique pour attirer les touristes se réduira peut-être un jour à une colonie de vacances. Voilà aussi ce qu'est en passe de devenir ce pays, un pays vivant sur le sang des générations passés et sur les larmes des générations futures en lui laissant la facture des impayés. Mais peut-être est-ce là aussi ce que le pouvoir veut bien nous laisser croire.

Que l'on songe un instant, orgueilleux que nous sommes, à notre histoire et irrémédiablement on se dit effectivement que la France ne peut être la France sans la grandeur. Réflexe patriotique, nationaliste diront certains. En tout cas nous ne savons plus vraiment au nom de qui parlent nos dirigeants aujourd'hui. Adopter des plans de rigueurs, justifiés ou non, c'est ramener la France au rang d'un pays en développement, tout juste bon à se soumettre à des politiques d'ajustements structurels. Cette seule idée devrait nous convaincre qu'il faut passer outre. Il est vrai aussi qu'une France en banqueroute a su accoucher en son temps d'une révolution créatrice, symbole des valeurs de la modernité. On ne voit cependant actuellement aucune sortie de régime.

Mais que signifie ici "passer outre"? Déclarer la France "en faillite", comme on se plaît à le dire dans la sphère médiatique où le terme de "cessation de paiement" serait plus opportun ? Ce serait là encore ramener la France en deçà de son histoire. La sortir de la construction européenne est une tentation qui ne manquerait sans doute pas d'aboutir au même résultat. L'idée de re-nationalisation de la dette semble bien plus pertinente. Le taux d'épargne en France étant l'un des plus élevé au Monde, signe révélateur de la peur de l'avenir, il n'est pas interdit de convertir cette épargne en obligations d'Etat. Alors la France retrouverait son indépendance financière et les Français seraient vraiment dépositaires de l'avenir financier de leur pays. Une autre solution consisterait à monétiser la dette en la faisant racheter par la banque centrale européenne qui ensuite l'effacerait purement et simplement. Et il n'est même pas certain qu'une telle initiative conduise à une montée irrésistible de l'inflation.

Si la fatalité n'est pas inscrite dans notre histoire, reste quand même une interrogation de fond : Les Français méritent-ils que l'on se batte pour une certaine idée de la France ? Et plus gravement encore : Ont-ils le désir de se battre pour une telle idée? Rien n'est moins sur. 

Commentaires

  • Varret Simon

    1 Varret Simon Le 07/12/2011

    Encore pas mal d'articles que je n'avais pas revus depuis le bac, vos cours me manquent Monsieur !
    Si je pouvais obtenir votre adresse mail, histoire de reprendre contact avec vous, vous êtes surement le meilleur prof d'éco que j'ai eu ;)
  • Sarkoboy

    2 Sarkoboy Le 06/05/2012

    Harlem Désir vient de déclarer : "La République est de retour !".
    Visiblement, la connerie la suit de près...
  • bonnot

    3 bonnot Le 11/09/2012

    Sarko boy a raison et notre gentil économiste me semble un peu à l'Ouest =
    Si on converti ( unilatéralement et d'autorité) l'épargne des Français pour apurer nos dettes = c'est simple en droit = ca s'appelle du vol !
    Pourquoi pas tant qu'on y est revendre nos "actifs" = le Chateau de Versailles, la Tour Eiffel, les collections du Louvre ; le Louvre lui-même....
    Un peu comme nos Grecs qui eurent du revendre certaines de leurs iles ...
    j'ai du oublier Chambord, Les Ursulines, notre bonne mère de Marseille, et Fourvière de même que les Arènes d'Avignon,...
    Nous n'aurions plus de dette mais plus de mémoire non plus...
    A la Question coment concilier réduction des déficits et Croissance
    Ma réponse est qu'il ne faut pas mentir aux Français et qu'avec un Tx de PO > 50%, il est évident qu'une compression de notre périmètre public même minime aura des effets recessifs A COURT TERME...
    Les pays du Nord qui ont déjà bu cette amère potion estiment qu'il ne faut pas comprimer un modèle social de plus de 1% du PIB/ an sauf à entrer violemment en recession comme en Grece et en Espagne ces derniers mois...
    Immaginons que ce soit là notre schéma de feuille de route = réduire notre modèle social de 2% du PIB par an en en redistribuant immédiatement la moitié sous forme de baisse fiscale ! quitte à se réajuster au bout de 2/3 ans...
    Nous pourrions donc baisser notre tx de PO de plus de 5% en 5 ans
    et de plus de 10% en dix ans !!!
    de ce simple fait nous générerions une croissance supérieure à 2% sans forcer ! (je parie même 3%)
    de plus à l'image de ce qu'à fait Mario Monti, en Italie, il existe des mesures qui ne coutent pas un kopeck et qui "libèreraient notre croissance" ( flexibilisation du marcjhé du travail à l'allemande,... dé-réglementation de certaines professions = hotels taxis, pharmaciens,...)
    et surtout pour un pays gaulois que nous sommes , les premiers mois devraient etre mis à profit pour renforcer l'arsenal législatif contre les fouteur de m... et autres gauchistes de tout poil bien prompts à venir nous f...la m... en manif et autres insrections estudiantines,...
    Et comme Maggie, le moment venu, ne pas hésiter à coller qq. milliers de gauchos au gnouf qq. semaines histoire de calmer les autres...voire ...à Biribi casser des cailloux ce qui est excellent pour la spiritialisation de ces esprits retors...

    Nous l'avons vu, l'interet deu pays est, comme pour l'Allemagne, de se fabriquer une bonne grosse bourgeoisie industrieuse assise sur des couts salariaux faibles mais qui grace à sa puissance financière est en capacité de racheter ses concurrents sur le plan mondial pour acquerir une taille critique et générer emplois et croissance au bercail !!!
    comme VW !

    Pour ce faire , la fiscalité est un outil d' incubation des ETI magnifique =
    Il suffit de baisser la fiscalité sur les entreprenneurs et sur les profits et de l'augmenter sur les ménages et plus particulièrement, afin de de ne pas trop pénaliser les familles nombreuses, de suractiver la politique familiale française en surpénalisant les familles avec peu d'enfants ! Ainsi on favorise l'emploi dedemain et les générations de demain
    si en ne baissanr la fisc. quede la moitié des économies réalisées, on se retrouve avec des finances publiques excédentaires, il faut creer, à l'image de cer que firent les Allemands AVANT leur réunification,..., un Sonds Souverain Pour Les Générations Futures ( je l'ai déjà surnommé France XXII pour XXIIème siècle), fonds qui pourrait etre amorcé par 5% du PIB par an pendant une bonne trentaine d'années... au bout de plusieurs décennies, une fois que ce fond aura atteint 3 x le PIB, sa rémunération sur les marchés, Français, Européens et Mondiaux sera suffisante pour couvrir nos retraites = CQFD
    Nous entrerons alors dans une ère de prosprité basée sur
    Le Travail, la Famille et la Patrie = CQFD

    Et si par malheur notre prospérité faisait des jaloux, à titre exceptionnel une fois tous les 2 siècles, tout ou partie de ce fond pourrait utilement alimenter un effort de guerre à l'image de ce que fit le Koweit pdt la 1ere Guerre du Golfe...

    Grosses bises chez vous
    Ernestine
    FN - Ile de Ré
    LONGUEPEE Daniel

    LONGUEPEE Daniel Le 22/09/2012

    Même si je ne crains pas la provocation, je ne pensais pas que mon site devienne ainsi "politisé". Je crois qu'il y a des gens tout aussi peu recommandables que les "gauchistes" que vous semblez condamner. Je n'ai pour par part de respect ni pour ceux qui sifflent la Marseillaise, ni pour ceux qui scandent "La France aux Français". Concernant l'idée de "nationalisation" de la dette, au sens de retour à la nation et donc aux Français, je ne vois vraiment pas où se situe le vol. Ou, en tout cas, je ne vois pas la différence avec les charges d'intérêt que l'on verse tous les ans aux investisseurs, en partie étrangers. Il est vrai que la France arrive désormais à emprunter à des taux négatifs (!) tellement les autres pays européens font peurs. Je ne vois pas pourquoi ce qui se fait au Japon ne peut pas se réaliser en France, voire en Europe. Hélas je n'ai pas le temps d'être un expert en finances publiques et donc le loisir de creuser sérieusement cette question. Une commission autour d'E. Balladur y a de toute façon travaillé. Par ailleurs il ne s'agit nullement de vendre notre patrimoine. Ce serait effectivement une faute impardonnable. Concernant la politique nataliste que vous défendez avec force, je voudrais bien aussi la partager. Hélas, en regardant autour de moi, je me rends compte que les familles nombreuses où l'on ne vit que par les allocations familiales et autres subsides sociaux ne sont pas des modèles à promouvoir. Et j'ai en ligne de mire tout aussi bien les "bons" Français que vous semblez vénérer. Je me dis que le "made in France" doit encore passer par certaines étapes. Concernant les retraites il y a effectivement de quoi être inquiet et pour ma part je ne poserais qu'une question : Quand les retraités d'aujourd'hui se rendront compte du privilège qu'ils ont et seront prêt à faire un effort pour les générations futures? Enfin la flexibilisation du marché du travail "à l'allemande" que vous prônez ne fonctionne que parce que l'Allemagne a joué cavalier seul. Que tous les pays européens fassent de même et c'est l'horrible dépression des années 30 qui resurgit. Je sais qu'il y a des nostalgiques mais quand même ... Pas besoin d'être marxiste pour reconnaître que le marché est aussi (avant tout?) un rapport social au moins dans sa forme capitaliste. Reste à voir ensuite, et c'est tout l'enjeu philosophique des politiques économiques, dans quelle mesure le monde dans le quel nous vivons est darwinien, c'est-à-dire qu'il ne doive laisser subsister que les gagnants, les plus malins, et hélas aussi les plus malhonnêtes, etc. ? Car le monde qui nous entoure est un monde de gagne petits ...
  • Sarkoboy

    4 Sarkoboy Le 30/05/2014

    Bonnot, il semble que vous ayez utilisé mon commentaire comme un point d'accroche pour rebondir, et rebondir un peu trop loin à mon sens. Sachez que bien qu'ayant critiqué, avec humour, Harlem Désir, je ne partage pas votre haine des gens de gauche. J'ai beaucoup de respect pour des figures comme Robert Badinter, Michel Rocard ou aujourd'hui - et bien que je n'adhère pas à son projet - Jean Luc Mélenchon ; autant de représentants d'une diversité indispensable à la vie démocratique de notre pays.
    LONGUEPEE Daniel

    LONGUEPEE Daniel Le 31/05/2014

    Merci Sarkoboy. J'ai aussi beaucoup de difficultés à éprouver de la haine pour les gens de gauche, tout comme pour les gens de droite d'ailleurs, pour la bonne raison que tout projet politique est en grande partie, si ce n'est exclusivement utopique. Croire que la défense des règles économiques est plus réaliste que le projet socialiste ou communiste constitue une erreur.grossière. On est confronté dans ce cas à la valeur de la science, et de ce que certains appellent encore la science économique. Une partie de la réponse se trouve dans le Paradoxe de Robinson du philosophe François Flahault. Les lois de l'économie constituent un champs de représentations sur lequel tout le monde peut s'entendre et qui permet alors de fixer l'ensemble des anticipations de la collectivité. C'est primordial car, comme on le sait, les hommes pensent et peuvent modifier par leur simple appréhension de l'avenir les résultats de modèles scientifiquement élaborés. C'est ce qui fait la supériorité d'un juriste ou d'un économiste sur un physicien. Ne boudons pas notre plaisir ...

Ajouter un commentaire

Anti-spam