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sociologie

Trame 8. Quelle est l'action de l'Ecole sur les destins individuels et sur l'évolution de la société ?

Par Le 23/03/2024

1° Si l'école n'a pas que pour mission de transmettre des savoirs, ce rôle est premier car il permet d'assurer, au moins en principe, l'égalité des chances CAD l’accès pour tous les enfants, quelque soit leur milieu social d’origine, à tous les niveaux d’enseignement. Un tel principe rejoint évidemment l’idéal républicain de méritocratie (on accède aux postes prestigieux, lucratifs, de pouvoir par ses compétences, pas par son « nom » ou ses relations). De là le rôle si structurant du diplôme. Il atteste de l’acquisition des savoirs et des compétences afférentes. En passant par l'Ecole, l'acquisition de la position sociale est indépendante, en droit, du milieu social d'origine. En atteste l'exemple symbolique de G. Pompidou devenu normalien, agrégé de Lettres et Président de la République, alors que fils d'instituteurs et petit fils de paysans. En France la réussite scolaire constitue le symbole de l'égalité des chances contrairement aux USA où c'est davantage le self made man à l'image d'un Bill Gates bricolant une invention qui s’avéra géniale.

2° La mise en place de l'égalité des chances s'est déroulée dans le cadre d'un processus historique qui commence vraiment avec les lois J. Ferry sur l'Ecole gratuite et obligatoire au début des années 1880, portée jusqu'à 16 ans en 1959. On finira par imposer la mixité filles-garçons, on créera le collège unique puis les zones d'éducation prioritaire, on prendra davantage en charge les élèves en situation de handicap et enfin l'objectif de 80% d'une classe d'âge au BAC ! A l'évidence le chemin a été long entre l'enseignement élitiste et genré de l'Ancien Régime jusqu'à aujourd'hui, si tant est que les mesures prises aient réellement favorisé l’égalité des chances.

3° A l'évidence nul ne peut nier que l'école se soit démocratisée d'un point de vie quantitatif, c'est ce qu'on appelle la massification scolaire. Ainsi le taux de scolarisation n'a cessé d'augmenter au cours du temps tout comme la proportion d'une génération au baccalauréat avec des scores dépassant l'objectif canonique des 80% ou encore le nombre d'élèves poursuivant des études supérieures. Toutefois cela aboutit-il vraiment à une démocratisation de l'enseignement ? Les enfants d'ouvriers ont-ils davantage gagné que les enfants de cadres notamment à la démocratisation quantitative ? Des efforts restent à faire.

4° Alors qu’au collège la part d’enfants de cadres et d’ouvriers est la même (23%), des différences voire des divergences apparaissent ensuite. Ainsi il y a comparativement 6 fois plus d’enfants d’ouvriers que de cadres en CAP. Inversement il y a 63% des étudiants d’ENS qui sont enfants de cadres contre 2% d’enfants d’ouvriers. Mais quand bien même la massification serait-elle un échec d’un point de vue de la démocratisation qu’il ne faudrait pas l’abandonner pour autant. Qui voudrait revenir à une école ouvertement sélective ne favorisant au final que les enfants de milieux favorisés ? N’est-ce pas précisément le rôle de l’école que de découvrir et de promouvoir les talents d’où qu’ils viennent ? Après des esprits chagrins pourront toujours dire qu’il n’y a pas besoin de longues études pour devenir you tubeur/you toubeuse et influenceur/influenceuse …

Comment expliquer alors le maintien des inégalités de réussite scolaire ? Quatre causes sont généralement mises en évidence.

5° Premièrement le rôle de l’école à travers trois effets : l’effet-classe (où se situe l’apprentissage du rôle d’élève), l’effet-établissement et l’effet-maître.

D’abord l’effet-classe. Un élève réussit d’autant mieux sa scolarité qu’il est dans une bonne classe et adopte (d’emblée) une posture conforme aux attentes. Évidemment les compétences scolaires comme savoir interagir avec l’autre, comprendre des consignes, savoir exprimer sa pensée, ne sont pas également réparties entre les élèves. Par ailleurs être dans une « bonne » classe ou au contraire dans une « mauvaise » classe modifie les attentes et donc les comportements des élèves. Par exemple même un élève « sérieux » sera amené à faire des « bêtises » dans une classe turbulente. La mise en place de classes de niveaux jouerait un rôle dans ce cadre. Regrouper les élèves de niveau comparable dans une même classe les aiderait mieux à progresser.Notons enfin que le même élève pourra être « sage » avec un enseignant et « turbulent » avec un autre, ce qui renvoie alors à l’« effet-maître ».

Ensuite le rôle du professeur. En fonction des attentes qu’il a des élèves ou même de la pédagogie qu’il entend utiliser, le professeur participe à la réussite (ou non) scolaire. Ainsi :

Sous-estimation du niveau d’élèves venant de milieux populaires => Moins d’attentes des professeurs => Moins d’implication, relâchement disciplinaire (rejoint l’effet-classe) => Moindre réussite scolaire.

C’est le mécanisme des prophéties auto-réalisatrices. Le simple fait de penser quelque chose fait vous adoptez les comportements qui font que cela va se réaliser. En tout cas il ne faut pas croire qu’il existerait une seule façon de faire avec les élèves. La pédagogie doit être réactive. L’essentiel de faire révéler le meilleur de chaque élève.

Enfin l’effet-établissement. A l’évidence être dans un bon établissement favorise la réussite scolaire. l’opposition « classique » entre établissement de centre-ville et établissement de périphérie. On sait aussi qu’il existe des établissement « prestigieux » comme l’Ecole alsacienne, le lycée Louis le Grand.

6° Deuxième explication du maintien des inégalités scolaires, le rôle du capital culturel et des investissements familiaux. Ici l'analyse de P. Bourdieu est précieuse. La transmission d'un habitus dans le cadre familial aboutit à la reproduction sociale. Les enfants de milieux favorisés héritent des bonnes habitudes et des savoirs leur permettant d'être en phase avec le milieu scolaire. Ils y sont comme un « poisson dans l'eau », contrairement aux enfants des milieux défavorisés pour lesquels l'Ecole est le lieu de la culture donc ils sont a priori davantage dépourvus. Les enfants de milieux favorisés disposent d'un capital culturel mais aussi économique comparativement plus important. Ils peuvent profiter de la culture générale de leurs parents, des sorties culturelles réalisées en famille, … et se forger avant même d'entrer à l'école une certaine curiosité intellectuelle. Ils peuvent aussi compter sur le capital économique de leurs parents dans le cadre de cours particuliers ou de filières sélectives et onéreuses. Enfin le capital social à travers le réseau de relations des parents permet de disposer des meilleurs informations et des diplômes lucratifs. La dotation inégale en capitaux permet aussi de comprendre pourquoi l'investissement parental joue moins bien pour les familles défavorisées. Ainsi les parents peuvent s'occuper de leurs enfants mais comme ils sont peu diplômés ils ne vont pas forcément disposer des bonnes méthodes et/ou compréhensions de cours pour les aider efficacement. Au final ce n'est pas un hasard s'il y a pratiquement 8 fois plus d'enfants de cadres que d'ouvriers en classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE).

7° Si le rôle des familles est important à travers la transmission d'un habitus et la possession de capitaux, ce rôle peut jouer aussi à travers les stratégies des ménages (des familles en fait). Poursuivre une scolarité c'est en effet faire des choix. Or l'arbitrage budgétaire entre les coûts et les bénéfices privilégie les familles qui ont déjà les moyens financiers, c'est-à-dire les familles aisées. Elles vont sur-estimer les gains de poursuite des études et sous-estimer les coûts. Ce sera l'inverse pour les familles modestes qui vont sur-estimer les coûts et vont donc privilégier les études courtes, alors que les chances d'appartenir aux catégories supérieures dépend du niveau de diplôme.

8° Enfin les inégalités scolaires ont une dimension genrée qu'il ne faut pas négliger. Les filles et les garçons intériorisent les comportements féminins et masculins vecteurs d'inégalités. Ces comportements stéréotypes sont véhiculés par les familles, les médias, les rapports sociaux ordinaires. Ils aboutissent à ce que les filles, considérées comme plus douces, dociles, attentionnées, se portent vers les filières sanitaires et sociales, le care (le soin, ex. infirmières) ou les études littéraires. Aux garçons et leurs vertus d'intrépidité, de courage, de technicité, les filières scientifiques, informatiques, techniques et sportives les conduisant à choisir des filières correspondant à ces traits de caractère. Or il se trouve que les filières investies par les garçons, au delà des inégalités salariales entre hommes et femmes, sont plus porteuses en matières de carrières et de salaires. N'oublions pas non plus, ce qui a déjà été souligné dans le programme, le plafond de verre (moins de chance d'accès aux postes à responsabilité) et les murs de verre (les postes à responsabilité secondaire ou les moins prestigieux) qui assignent en quelque sorte les femmes à résidence, même si des progrès sont réalisés, pensons à C. Lagarde, ancienne directrice du FMI et désormais présidente de la BCE …

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