1° Lutter contre le chômage implique de savoir comment on mesure le chômage. De ce point de vue il existe au moins 2 mesures, l'une proposée par le BIT (Bureau internationale du travail), l'autre par l'INSEE qui s'appuie en fait sur les demandeurs d'emplois inscrits à France travail (anciennement Pôle emploi).Dans un cas il faut être disponible dans les 15 jours, rechercher un emploi et ne pas avoir travaillé plus d’une semaine dans la semaine. Dans l’autre cas il faut être inscrit sur les listes de France travail et effectuer des recherches d’emploi.
2° Non seulement le cœur du chômage se laisse mal définir mais en plus il existe toute une zone grise qui renvoie soit au sous-emploi, soit au halo du chômage. Dans le premier cas il s'agit de situations frontalières au chômage et à l'activité, en particulier le temps partiel subi. Dans le second cas il s'agit des situations frontalières au chômage et à l'inactivité, CAD des personnes qui ne remplissent pas les conditions du BIT pour être considérées comme chômeurs par exemple le fait de ne pas être immédiatement disponible pour travailler.
3° Avant de lutter contre le chômage, encore convient-il de faire le bon diagnostic. Le chômage a 2 grandes causes, soit structurelle, soit conjoncturelle.
4° Le chômage structurel est par définition le plus profond. Il est indépendant de la conjoncture économique, c’est-à-dire que le chômage structurel ne baisse pas même si la croissance économique est forte. Il renvoie aux rigidités du marché du travail, à des problèmes d’appariement et aux asymétries d’information.
5° Les rigidités renvoient au cadre institutionnel qui impose des règles contraignantes protégeant excessivement les emplois (limites aux licenciements, indemnités Prud’hommales, …) et qui impose un salaire minimum élevant le coût du travail, ce qui crée du chômage si l’on suit la référence néoclassique standard d’équilibre sur le marché du travail. Un salarié doit-être payé à sa productivité. Il faut accepter des baisses de salaire si le niveau de productivité est insuffisant. Mais ce modèle est très hypothétique et correspond au marché de concurrence pure et parfaite. Le chômage est dans ce cas volontaire, voulu, consciemment ou non, par les chômeurs, les syndicats ou le pouvoir politique.
6° C’est justement la remise en cause de l’hypothèse d’information parfaite qui aboutit à réfléchir au lien salaire-productivité. Ce sont les entreprises qui font face à une asymétrie d’information. Ainsi elles ne connaissent pas les caractéristiques de leurs futurs employés (c’est l’asymétrie d’information ex ante) et vont proposer des salaires plus élevés pour attirer les meilleurs. Ensuite une fois embauché, les entreprises ne savent pas si les employés fourniront les efforts maximums (c’est l’asymétrie d’information ex post) Aussi vont-elles proposer des salaires plus élevés que la moyenne du marché (que l’équilibre concurrentiel). Dans les 2 cas, le salaire supérieur au salaire d’équilibre correspond à un salaire d’efficience, ce qui occasionne du chômage, par rapport à la situation concurrentielle idéale. Remarquons qu’il s’agit ici d’un chômage involontaire lié au fonctionnement même, imparfait, du marché du travail.
7° Enfin le chômage peut aussi être involontaire du fait d’un mauvais appariement entre les postes de travail crées ou en instance de l’être (les postes vacants). Ce type de chômage qui n’est pas volontaire, renvoie à la courbe de Beveridge. Plus le chômage est faible plus le nombre de postes vacants augmente. Toutefois pour un nombre de postes vacants le taux de chômage peut être plus ou moins élevé selon le fonctionnement plus ou moins efficace du marché du travail.
8° A côté du chômage structurel, il y a le chômage conjoncturel qui est lié aux variations du taux de croissance du PIB à court-moyen terme. Lorsque la conjoncture se dégrade, les entreprises ont moins de débouchés, la demande globale (dépenses d’investissement et de consommation) diminue et les entreprises licencient ou n’embauchent plus. Le chômage résulte alors de la confrontation de la population active avec le niveau d’emploi réclamée par la demande effective CAD par le niveau de production des entreprises et des administrations.
9° Une fois les causes du chômage mises en lumière, on se doute que les politiques de l’emploi vont être différentes selon les circonstances et le diagnostic effectué. On ne lutte pas de la même façon contre le chômage conjoncturel et contre le chômage structurel. A quoi bon baisser les salaires ou requalifier une population si les entreprises ont des carnets de commande vides ou insuffisants ? Et même au sein du chômage structurel, à quoi bon baisser les salaires si les entreprises ne trouvent pas de candidats pour occuper les postes de travail qu’elles ont créé ? Elles risquent fort d’augmenter les salaires pour attirer les rares actifs susceptibles de les occuper !
10° Pratiquer une politique de relance est la meilleure arme pour lutter contre le chômage conjoncturel : Politique monétaire expansionniste et politique budgétaire de relance. C’est qu’on fait les pays au moment de la crise des subprimes ou lors du confinement. De telles politiques s’inspirent évidemment de la logique keynésienne car le chômage est le résultat d’une demande effective insuffisante et correspond à un équilibre de sous-emploi. Il faut impérativement que l’Etat intervienne. Cela se justifie d’autant plus que les dépenses de l’Etat ont un effet multiplicateur sur l’économie. Tout investissement public a un effet plus que proportionnel sur le PIB (le revenu global). Toutefois la politique de relance a des limites. Elle creuse les déficits public et extérieur et menace donc à terme la solvabilité des Etats. Pensons à l’échec de la politique de relance de 1981 et au plan de rigueur mis en place en 1983.
11° Alléger les charges sur les bas salaires est la façon contemporaine de baisser le coût du travail plutôt que de vouloir baisser, voire supprimer le salaire minimum. Ainsi on encourage les embauches de travailleurs peu qualifiés, les plus soumis au chômage, et on évite de mécaniser à tout va car les machines reviendraient moins cher que les salariés. La baisse du coût du travail permet aux entreprises de gagner en rentabilité et en compétitivité. Le gain en croissance économique permet ensuite d’embaucher également des travailleurs qualifiés. Toutefois l’effet finale est indéterminé car le progrès technique n’est pas encouragé par l’embauche initiale de travailleurs peu qualifiés. Par ailleurs la politique d’allègement de charges peut favoriser un effet d’aubaine pour les entreprises qui profitent d’une mesure alors qu’elles auraient de toute façon embauché.
12° Améliorer l’appariement semble bien plus positif puisqu’il s’agit de favoriser la formation professionnelle en plus de la formation initiale. La mise en place de France compétences illustre bien cette tendance même si le droit individuel à la formation est reconnu depuis 2004 et si le Compte personnel de formation a été crée en 2015. On remarque que l’alternance a pris une ampleur considérable depuis quelques temps. On comprend en tout cas que la formation professionnelle, CAD la formation continue, enrichisse le capital humain des salariés et donc favorise leur productivité ou un changement d’emploi en cas de licenciement ou de démission.
13° Enfin la flexibilité, qui prend diverses formes, est un moyen de lutter conte les rigidités qui pèsent sur le marché du travail et contraignent les entreprises. Elle peut être quantitative, qualitative ou renvoyer plus prosaïquement à la flexibilité salariale. Les pratiques de flexibilisation ont toutefois des conséquences néfastes sur les salariés par exemple pour organiser leur emploi du temps (pensons aux contrats 0 heure anglais) ou pour avoir une stabilité salariale et donc en termes de revenu. Difficile de se projeter dans l’avenir dans ces conditions ou plus simplement obtenir un crédit.
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Chômage volontaire
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Chômage involontaire
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Chômage structurel
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Salaire minimum, législation protectrice du travail
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Asymétrie d’information (salaire d’efficience), mauvais appariement
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Chômage conjoncturel
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Chômage keynésien
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