sciences politiques

Trame 4 - L'engagement politique

Par Le 15/12/2023

1° L’engagement politique, CAD le fait, pour un individu, de prendre parti sur des problèmes politiques par son action ou ses discours, peut prendre différentes formes. Elle ne résume pas au vote, ni même à l’adhésion à un parti politique. Ainsi on peut militer pour une cause sans être dans un parti politique. On le fera plus probablement dans le cadre d’une association, définissant alors un engagement associatif. Mais un citoyen attaché à certaines valeurs peut agir à travers une consommation engagée.  

2° Si le vote constitue une forme d’engagement politique minimal, le simple fait de voter paraît largement réducteur. Il faut quand même s’intéresser aux débats politiques, aux programmes des candidats et nourrir une attente quand au résultat. De manière plus contradictoire, ne pas aller voter n'est forcément un singne de désengagement politque. Il faut savoir distinguer l'abstentionnisme "hors-jeu" et l'abstentionnisme "dans-le-jeu". Ainsi les abstentionniste "dans-le-jeu" se rapporte davantage aux catégories éduquées maîtrisant les enjeux de la sphère politique mais qui ne se retrouvent pas dans l'"offre" politique, les candidats n'attirant pas ou n'étant pas considérés comme "à la hauteur". Cela rejoint d'une certaine manière la logique du "cens caché" développé par D. Gaxie : Les classes populaires démunies se sentant éloignées des enjeux politiques, par manque de connaissances ou de culture, ne vont plus voter comme si elles ne s'étaient pas acquittées du cens, symbole des années d'études sacralisant un capital culturel et permettant de dominer l'espace social et de comprendre les enjeux politiques.   

3° Au-delà du vote, il y a le militantisme, dans un parti politique, évidemment. Cela passe par la participation aux réunions, à la distribution de tracts, au collage d’affiches, à la participation à des meetings et pourquoi pas à leur organisation. Mais le militantisme peut aussi passer par des associations ou des syndicats. Il existe en effet des associations à connotation politique forte comme Greenpeace ou DAL (droit au logement), contrairement à des associations sportives ou de loisirs. Il est de ce fait parfois difficile de distinguer « militantisme » et « engagement associatif ». Sans doute le militant se distingue-t-il par ses actions concrètes du simple adhérent à un parti ou une quelconque association. Mais un adhérent à Greenpeace risque fort de militer pour défendre sa cause. Si les actions menées dans le cadre de partis, de syndicats ou d’associations sont généralement collectives il n’en va pas de même pour la consommation engagée. Que ce soit sous forme de boycott ou de buycott, le citoyen agit seul, même si des associations sont engagées dans des formes alternatives de consommation.

4° Une fois mis en évidence les formes de l'engagement politique, il peut être intéressant d'en souligner les conditions socio-économiques. Globalement notons que l'engagement économique concerne des hommes, âgés et cadres. Cela ne veut pas dire que les jeunes se désintéressent de la politique. Ils s'engagent davantage dans des formes alternatives au vote (manifestations, vote). De même les femmes sont moins syndiquées et adhèrent à des associations davantage tournées vers le « social ». Enfin les cadres sont surreprésentés dans l'engagement car ils disposent notamment d'un capital culturel et sont habitués à prendre des initiatives et à « mener » des équipes. 

5° Une fois que l'on sait qui a tendance à s'engager, il faut soulever le paradoxe de l'action collective mis en évidence par M. Olson. Étant donnée que l'action collective est coûteuse, en temps et en argent, et que ses bénéfices sont indivisibles (chacun en profite), il est rationnel de se comporter en passager clandestin (free rider) et laisser les autres participer et supporter les coûts alors même que l'action est profitable pour tous.

6° Malgré le paradoxe de l'action collective, des actions à plusieurs pour défendre un intérêt commun sont quand même mises en œuvre. Comment l'expliquer ? A travers 3 raisons. D'abord les rétributions symboliques comme la satisfaction du devoir accompli, le plaisir de « lutter » ensemble, de se faire de nouveaux amis, les gains en notoriété lorsqu'on est membre d'un syndicat ou d'une association, … Ensuite il y a les incitations sélectives qui vont récompenser ou pénaliser les individus, ceux qui participent en leur réservant des avantages ou les gains de l'action. Enfin certaines conditions (structures) politiques constituent des opportunités pour l'engagement comme les régimes démocratiques, des gouvernements peu répressifs, …

7° Une fois que l'on sait que le paradoxe de l'action collective peut être surmonté, reste à voir comment évoluent dans l'histoire les objets, les acteurs et les répertoires de l'actions collective. Il existe en fait et depuis longtemps une multitude de raisons d'agir collectivement et il n'est pas toujours évident de séparer les objets de l'action de leurs acteurs et de leurs répertoires. Tentons quand même l'exercice.

8° Concernant les objets de l'action collective il est d'usage de distinguer les conflits du travail portant sur des revendications matérialistes (des hausses de salaires, de meilleurs conditions de travail) des nouveaux mouvements sociaux portant sur des revendications post-matérialistes. Comme le souligne R. Inglehart, et en accord avec la pyramide de Maslow, des sociétés de plus en plus développées et éduquées, s'attachent davantage à des revendications post-matérialistes ce qui laisse à penser que les NMS se substituent petit à petit aux conflits du travail. Une telle lecture est d'autant plus intéressante qu'elle suggère qu'une lecture marxiste du changement historique (de l'engagement politique) n'est plus pertinente et que le mouvement ouvrier n'est finalement plus à la pointe du chnagement social à travers la lutte de classes. Il est certain que depuis l'Après seconde guerre mondiale, les grèves ont tendance à diminuer, et ce malgré le changement de mode de comptabilisation après 1995. Constat renforcé par la crise du syndicalisme s'expliquant notamment par la tertiarisation (la désindustrialisation, même relative), l'institutionnalisation des syndicats (ils ont été „achetés“ par le pouvoir diront certains). Et pourtant il faut se méfier d'une lecture trop radicale en termes d'évolution vers les NMS. Déjà les conflits du travail n'ont jamais été exclusifs. Pensons au mouvement des suffragettes en Grande-Bretagne début 20ème siècle. Ensuite des mouvements portant sur des valeurs comme le mouvement des droits civils afro-américains contiennent aussi des revendications matérialistes comme „des logements décents“. Enfin la diversification des répertoires propre aux NMS va aussi toucher les mouvements plus traditionnels liés au travail.

9° Concernant pour finir les acteurs et les répertoires, il y a des liens avec les types de revendications (d'objets). Par exemple on ne fait pas grève pour défendre les sans-abris ou la cause femmes (qu'y a-t-il encore à défendre ?). Des manifestations ou des pétitions seront ici appropriées. Autrement les réseaux sociaux permettent des formes temporaires et imprévisibles d'action (manifestations, sit-in). D'une manière générale les Français continuent de penser que le vote est le meilleur moyen de changer les choses au niveau du pays. Si ces modes d'action et d'engagement politique font encore parti des répertoires légaux, il existe aussi des actions illégales qui ont eu tendance à se développer. On pense récemment aux agissements de membres de l'association Soulèvements de la terre, s'attaquant aux forces de l'ordre protégeant un mégabassine, aux pratiques des black blocs „pourrissant“ des manifestations non violentes ou encore à certaines actions des Femen. Les occupations sont aussi généralement illégales comme les ZAD (zones à défendre). Notons aussi que plus les actions sont spectaculaires et plus elles ont de chance d'être véhiculées par les médias. On pense en particulier au préservatif géant placé sur l'obélisque de la Concorde par l'association Act-up à l'occasion d'un journée de lutte contre le Sida en 1993.

10° Les acteurs se sont parallèlement diversifiés puisque les syndicats et les partis politiques sont en perte de vitesse ou peu considérés. En plus de ceux déjà évoqués, citons pêle-mêle les luttes minoritaires avec l'exemple du mouvement Black lives matter, les mouvements altermondialistes comme Attac ou la Confédération paysanne, les groupements comme les black blocs.