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Trame 8. Quelle est l'action de l'Ecole sur les destins individuels et sur l'évolution de la société ?

Le 23/03/2024

1° Si l'école n'a pas que pour mission de transmettre des savoirs, ce rôle est premier car il permet d'assurer, au moins en principe, l'égalité des chances CAD l’accès pour tous les enfants, quelque soit leur milieu social d’origine, à tous les niveaux d’enseignement. Un tel principe rejoint évidemment l’idéal républicain de méritocratie (on accède aux postes prestigieux, lucratifs, de pouvoir par ses compétences, pas par son « nom » ou ses relations). De là le rôle si structurant du diplôme. Il atteste de l’acquisition des savoirs et des compétences afférentes. En passant par l'Ecole, l'acquisition de la position sociale est indépendante, en droit, du milieu social d'origine. En atteste l'exemple symbolique de G. Pompidou devenu normalien, agrégé de Lettres et Président de la République, alors que fils d'instituteurs et petit fils de paysans. En France la réussite scolaire constitue le symbole de l'égalité des chances contrairement aux USA où c'est davantage le self made man à l'image d'un Bill Gates bricolant une invention qui s’avéra géniale.

2° La mise en place de l'égalité des chances s'est déroulée dans le cadre d'un processus historique qui commence vraiment avec les lois J. Ferry sur l'Ecole gratuite et obligatoire au début des années 1880, portée jusqu'à 16 ans en 1959. On finira par imposer la mixité filles-garçons, on créera le collège unique puis les zones d'éducation prioritaire, on prendra davantage en charge les élèves en situation de handicap et enfin l'objectif de 80% d'une classe d'âge au BAC ! A l'évidence le chemin a été long entre l'enseignement élitiste et genré de l'Ancien Régime jusqu'à aujourd'hui, si tant est que les mesures prises aient réellement favorisé l’égalité des chances.

3° A l'évidence nul ne peut nier que l'école se soit démocratisée d'un point de vie quantitatif, c'est ce qu'on appelle la massification scolaire. Ainsi le taux de scolarisation n'a cessé d'augmenter au cours du temps tout comme la proportion d'une génération au baccalauréat avec des scores dépassant l'objectif canonique des 80% ou encore le nombre d'élèves poursuivant des études supérieures. Toutefois cela aboutit-il vraiment à une démocratisation de l'enseignement ? Les enfants d'ouvriers ont-ils davantage gagné que les enfants de cadres notamment à la démocratisation quantitative ? Des efforts restent à faire.

4° Alors qu’au collège la part d’enfants de cadres et d’ouvriers est la même (23%), des différences voire des divergences apparaissent ensuite. Ainsi il y a comparativement 6 fois plus d’enfants d’ouvriers que de cadres en CAP. Inversement il y a 63% des étudiants d’ENS qui sont enfants de cadres contre 2% d’enfants d’ouvriers. Mais quand bien même la massification serait-elle un échec d’un point de vue de la démocratisation qu’il ne faudrait pas l’abandonner pour autant. Qui voudrait revenir à une école ouvertement sélective ne favorisant au final que les enfants de milieux favorisés ? N’est-ce pas précisément le rôle de l’école que de découvrir et de promouvoir les talents d’où qu’ils viennent ? Après des esprits chagrins pourront toujours dire qu’il n’y a pas besoin de longues études pour devenir you tubeur/you toubeuse et influenceur/influenceuse …

Comment expliquer alors le maintien des inégalités de réussite scolaire ? Quatre causes sont généralement mises en évidence.

5° Premièrement le rôle de l’école à travers trois effets : l’effet-classe (où se situe l’apprentissage du rôle d’élève), l’effet-établissement et l’effet-maître.

D’abord l’effet-classe. Un élève réussit d’autant mieux sa scolarité qu’il est dans une bonne classe et adopte (d’emblée) une posture conforme aux attentes. Évidemment les compétences scolaires comme savoir interagir avec l’autre, comprendre des consignes, savoir exprimer sa pensée, ne sont pas également réparties entre les élèves. Par ailleurs être dans une « bonne » classe ou au contraire dans une « mauvaise » classe modifie les attentes et donc les comportements des élèves. Par exemple même un élève « sérieux » sera amené à faire des « bêtises » dans une classe turbulente. La mise en place de classes de niveaux jouerait un rôle dans ce cadre. Regrouper les élèves de niveau comparable dans une même classe les aiderait mieux à progresser.Notons enfin que le même élève pourra être « sage » avec un enseignant et « turbulent » avec un autre, ce qui renvoie alors à l’« effet-maître ».

Ensuite le rôle du professeur. En fonction des attentes qu’il a des élèves ou même de la pédagogie qu’il entend utiliser, le professeur participe à la réussite (ou non) scolaire. Ainsi :

Sous-estimation du niveau d’élèves venant de milieux populaires => Moins d’attentes des professeurs => Moins d’implication, relâchement disciplinaire (rejoint l’effet-classe) => Moindre réussite scolaire.

C’est le mécanisme des prophéties auto-réalisatrices. Le simple fait de penser quelque chose fait vous adoptez les comportements qui font que cela va se réaliser. En tout cas il ne faut pas croire qu’il existerait une seule façon de faire avec les élèves. La pédagogie doit être réactive. L’essentiel de faire révéler le meilleur de chaque élève.

Enfin l’effet-établissement. A l’évidence être dans un bon établissement favorise la réussite scolaire. l’opposition « classique » entre établissement de centre-ville et établissement de périphérie. On sait aussi qu’il existe des établissement « prestigieux » comme l’Ecole alsacienne, le lycée Louis le Grand.

6° Deuxième explication du maintien des inégalités scolaires, le rôle du capital culturel et des investissements familiaux. Ici l'analyse de P. Bourdieu est précieuse. La transmission d'un habitus dans le cadre familial aboutit à la reproduction sociale. Les enfants de milieux favorisés héritent des bonnes habitudes et des savoirs leur permettant d'être en phase avec le milieu scolaire. Ils y sont comme un « poisson dans l'eau », contrairement aux enfants des milieux défavorisés pour lesquels l'Ecole est le lieu de la culture donc ils sont a priori davantage dépourvus. Les enfants de milieux favorisés disposent d'un capital culturel mais aussi économique comparativement plus important. Ils peuvent profiter de la culture générale de leurs parents, des sorties culturelles réalisées en famille, … et se forger avant même d'entrer à l'école une certaine curiosité intellectuelle. Ils peuvent aussi compter sur le capital économique de leurs parents dans le cadre de cours particuliers ou de filières sélectives et onéreuses. Enfin le capital social à travers le réseau de relations des parents permet de disposer des meilleurs informations et des diplômes lucratifs. La dotation inégale en capitaux permet aussi de comprendre pourquoi l'investissement parental joue moins bien pour les familles défavorisées. Ainsi les parents peuvent s'occuper de leurs enfants mais comme ils sont peu diplômés ils ne vont pas forcément disposer des bonnes méthodes et/ou compréhensions de cours pour les aider efficacement. Au final ce n'est pas un hasard s'il y a pratiquement 8 fois plus d'enfants de cadres que d'ouvriers en classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE).

7° Si le rôle des familles est important à travers la transmission d'un habitus et la possession de capitaux, ce rôle peut jouer aussi à travers les stratégies des ménages (des familles en fait). Poursuivre une scolarité c'est en effet faire des choix. Or l'arbitrage budgétaire entre les coûts et les bénéfices privilégie les familles qui ont déjà les moyens financiers, c'est-à-dire les familles aisées. Elles vont sur-estimer les gains de poursuite des études et sous-estimer les coûts. Ce sera l'inverse pour les familles modestes qui vont sur-estimer les coûts et vont donc privilégier les études courtes, alors que les chances d'appartenir aux catégories supérieures dépend du niveau de diplôme.

8° Enfin les inégalités scolaires ont une dimension genrée qu'il ne faut pas négliger. Les filles et les garçons intériorisent les comportements féminins et masculins vecteurs d'inégalités. Ces comportements stéréotypes sont véhiculés par les familles, les médias, les rapports sociaux ordinaires. Ils aboutissent à ce que les filles, considérées comme plus douces, dociles, attentionnées, se portent vers les filières sanitaires et sociales, le care (le soin, ex. infirmières) ou les études littéraires. Aux garçons et leurs vertus d'intrépidité, de courage, de technicité, les filières scientifiques, informatiques, techniques et sportives les conduisant à choisir des filières correspondant à ces traits de caractère. Or il se trouve que les filières investies par les garçons, au delà des inégalités salariales entre hommes et femmes, sont plus porteuses en matières de carrières et de salaires. N'oublions pas non plus, ce qui a déjà été souligné dans le programme, le plafond de verre (moins de chance d'accès aux postes à responsabilité) et les murs de verre (les postes à responsabilité secondaire ou les moins prestigieux) qui assignent en quelque sorte les femmes à résidence, même si des progrès sont réalisés, pensons à C. Lagarde, ancienne directrice du FMI et désormais présidente de la BCE …

Trame 7. Les transformations du travail et de l'emploi

Le 17/02/2024

1° Il faut déjà commencer par ne pas confondre travail, emploi et activité. Si le travail renvoie à une activité qui n'est pas toujours marchande ou rémunérée, l'emploi lui est forcément rémunéré et procure de ce fait un statut social. Un smicard par exemple a plus de droits sociaux qu'un parent au foyer. La notion d'activité est encore à part puisqu'elle inclut à côté de l'emploi (les actifs occupés), les chômeurs (les actifs inoccupés).
2° Si l'emploi typique issue de la norme fordiste des 30 glorieuses continue de dominer, on sent une fragilisation depuis les années 70 avec la crise et la tendance à la flexibilisation du travail. Pour faire simple, 80 % des contrats sont des CDI à temps plein mais 80% des embauches sont des CDD.  Le flux entrant d'emplois est "atypique" mais le stock reste "typique" puisque les CDD ont vocation à devenir des CDI. Que les contrats typiques restent globalement très majoritaires n'est pas neutre sur le statut des emploi et du travail. C'est en effet à partir de l'emploi salarié que des droits sociaux sont ouverts aux travailleurs : couverture maladie, pension retraite, ... A l'évidence le salariat est protecteur. Aussi la "destabilisation des stables" pour reprendre l'expression du sociologue français R. Castel annonce-t-elle un futur désenchanté.
4° Précisément les frontières entre emploi, chômage et inactivité se sont affaiblis au cours du temps. Nous avions déjà largement évoqué le développement du sous-emploi et du halo autour du chômage dans le chapitre précédent. Néanmoins on observe depuis quelques années une diminution de la part des contrats à durée déterminée subi.
5° Avoir un emploi ne dit toutefois encore rien sur la qualité des emplois. Ce thème est mis en avant par les institutions européennes en complément du calcul des taux d'emploi. Des organismes internationaux comme l'OCDE calculent leurs propres indices de qualité de l'emploi à travers des prescripteurs de qualités d'emplois. Le programme officiel nous invite à en retenir 6 : conditions de travail, niveau de salaire, sécurité économique, horizon de carrière, potentiel de formation, variété des tâches. Remarquons que le niveau de salaire, même s'il correspond à un motant par définition  "quantitatif" est considéré comme faisant partie de la qualité de l'emploi.
6° Dans la mesure où les conditions de travail et la variété des tâches caractérisent en partie la qualité des emplois, leur analyse et leur évolution dans le temps deviennent cruciales. Puisque la division du travail au sein de l'entreprise (aussi appelée division technique du travail) a suscité de nombreuses réflexions et a contribué à dégrader les conditions de travail, c'est l'organisation scientifique du travail initiée par F. Taylor (1856-1915) qui va constiuer le départ de la réflexion. Taylor n'est pas le premier à spécialiser les tâches dans l'entreprise puisque le principe de DTT a été décrit en 1776 par A. Smith s'appuyant sur l'exemple qui restera célèbre de la manufacture d'épingles. Taylor va en fait systématiser la division existante du travail et va l'approfondir à travers une double division, verticale et horizontale.  
7° La taylorisme est généralement associé à la double division du travail. Taylor caractérisera sa méthode d'organisation scientifique du travail (OST) car il va réorganiser les tâches de manière à les optimiser. On parlera de rationalisation du travail. Le travail des ouvriers sera analysé, chronométré de manière à éliminer les gestes inutiles. Il n'y aura alors qu'une seule bonne manière de réaliser le travail, la "one best way". Le travail et donc les tâches à effectuer sont pensés en amont, tout est prévu et organisé. Les ouvriers n'ont pas d'initiative à prendre et se contentent d'appliquer les consignes. Dans l'entreprise, il y a ceux qui conçoivent le travail (le directeur, les ingénieurs dans le cadre du bureau des méthodes) et ceux qui l'exécutent. C'est la division verticale du travail. Mais les tâches, on le devine, sont recomposées pour être simplifiées à l'extrême. Le travail va être parcellisée. Le sociologue français G. Friedmann (1902-1977) parlera du "travail en miettes". C'est le principe de la division horizontale du travail. Pour motiver les salariés Taylor propose le salaire à la pièce (ou salaire au rendement). Cela incite à en faire le maximum et effectivement les gains de productivité augmentent mais au prix d'une dégradation des conditions de travail. D'ailleurs celles-ci vont encore se dégrader avec le fordisme.
8° Le fordisme, initié par le constructeur automobile H. Ford, accentue encore le taylorisme avec le travail à la chaîne. C’est pour cela que l’on parle du « tayloro-fordisme ».  Ford ajoutera encore deux « innovations » : la standardisation des pièces qui permet de gagner du temps et le principe des salaires élevés symbolisé par le « Five dollars a day ». C’est cet intérêt pour la rémunération des salariés qui permettra de caractériser la croissance des 30 Glorieuses de « croissance fordiste », associé à la « norme fordiste d’emploi ». Le partage de la valeur ajoutée est favorable aux salariés, ce qui permet d’alimenter la croissance en articulant production et consommation de masse. Mais à l’orée des années 70, la machine se grippe. 
9° Le fordisme, phase ultime de l’OST, rencontre 2 types de limites. D’abord des limites internes. Les mauvaises conditions de travail finissent par démotiver les salariés, qui s’absentent, font grèves, expliquant ainsi le ras-le-bol ouvrier de mai 68. Ensuite des limites externes liées à l’intensification de la concurrence internationale avec la crise des années 70 et la fin des 30 Glorieuses. Il faut trouver une organisation du travail qui puisse s’adapter, être flexible et répondre aux exigences naissantes de la clientèle. 
10° Aussi à partir des années 70 puis surtout 80, de nouvelles formes d’organisation du travail (NFOT) vont-elles se mettre en place, rompant plus ou moins avec le tayloro-fordisme jugé trop rigide et contraignant.  Si de nouvelles pratiques se mettent en place comme la rotation des postes, l’enrichissement des tâches, les cercles de qualité, etc. , c’est en fait à partir d’un modèle de production existant depuis les années 50 au Japon, le toyotisme, impulsé par l’ingénieur T. Ohno (1912-1990). Ce modèle repose sur des principes clefs comme la production en juste à temps (JAT) visant à éliminer toutes les formes de gaspillage avec la logique des « 5 zéros » : 0 papier, 0 défaut, 0 stock, 0 délais et 0 pannes.  Désormais c’est le client qui par sa commande enclenche la production, ce qui nécessité une grande adaptabilité car les demandes ne sont plus standardisées. Pour réduire les stocks Toyota utilise la méthode du kanban (systèmes d’étiquettes). Pour améliorer la production et réduire les coûts, l’ensemble des salariés est enjoint de trouver des solutions et de les faire remonter. C’est le principe du kaizen. 
11° A partir de là se pose la question de la supposée nouveauté des NFOT. Les cadences ont-elles totalement disparu ? Le travail cadencé appartient-il définitivement au passé ? Il apparaît bien que non, ce qui suggère que nous serions tout autant dans une ère de néo-taylorisme que de post-taylorisme avec par conséquent des conséquences ambivalentes sur les conditions de travail. Certes globalement les salariés sont davantage autonomes, polyvalents, responsabilisés. La management participatif autour des cercles de qualité par exemple rompent avec la division verticale du travail. Toutefois cela implique aussi de la réactivité et une adaptation sources de stress et de mal-être psychologique. Les nuances à apporter en termes d'organisation du travail et de conditions de travail sont parallèles à l'évolution technologique et au développement du numérique. 
12° Le numérique brouille les frontières du travail, transforme les relations d'emploi et accroît les risques de polarisation des emplois. Les temps consacré à la vie professionnelle et à la vie personnelle n'est plus aussi clair qu'auparavant. Le télétravail qui s'est développé durant le confinement en est la parfaite illustration. Si cela permet à priori plus de liberté et moins de perte de temps dans les transports, il y a un risque de surmenage et de traçabilité. Ce n'est pas un hasard si les salariés en télétravail en moyenne un peu plus d'une heure par semaine que les autres. Ensuite la relation d'emploi est largement modifiée.  De nombreuses tâches ont pu être rendues routinères, externalisées et le statut d'emploi précarisé. C'est ce que symbolise l'expression d'ubérisation de la société : des travailleurs à la tâche organisés dans le cadre de plate-formes (chauffeurs VTC ou uber eat). C'est pour cette raison que les droits accordés aux salariés des plate-formes numériques dépendent des pays et de leurs systèmes de justice. Enfin le numérique accroît la polarisation des emplois déjà évoquée dans le chapitre 1 comme conséquence du progrès technique. Les salariés en bas de l'échelle risqueront d'être encore plus précarisés, avec le risque d'illectronisme et avec ce qu'on appelle la gig economy, l'économie des emplois flexibles et mal rémunérés. 
13° Les évolutions relatives au numérique interrogent à leur tour le travail comme source d'intégration sociale. Si le travail reste une source d'intégration, son rôle est toutefois fragilisé. Concernant le côté positif, le travail est encore une source de revenu qui permet l'intégration à la société de consommation et offre des droits sociaux (Protection sociale) à travers l'emploi typique (CDI à temps plein) qui reste quand même la norme. Ensuite le travail est source d'intégration sociale qui offre reconnaissance et protection pour reprendre la terminologie de S. Paugam Ce n'est pas un hasard si E. Durkheim fait déjà de la division du travail qu'il qualifie de « social » la forme de solidarité des sociétés industrielles modernes. Et pour reprendre ce que disait R. Castel, le travail protège de la désaffiliation lorsque la sphère socio-affective est extrêmement réduite voire nulle. Enfin le travail ouvre aux droits de la protection sociale qui permet aux individus de rester intégré à la société malgré la maladie, les accidents du travail ou la vieillesse. Côté négatif, le travail est fragilisé par les formes atypiques d'emplois (CDD à temps partiel, interim) et le chômage de longue durée qui jouent sur les relations personnelles et le pouvoir d'achat. Le développement des travailleurs pauvres dans les années 80 aux USA s'est propagé en France mais aussi en Allemagne. Ensuite la qualité des emplois s'est polarisé au sens où les travailleurs qualifiés s'appuient sur des travailleurs non qualifiés réalisant les tâches serviles (ménage, baby-sitting, livraison de plats) renvoyant à une néo-domesticité comme l'indique A.Gorz. L'intégration par le travail devient davantage incertaine. Enfin la dégradation des conditions de travail à travers l'ubérisation de l'économie, du néo-taylorisme et de l'individualisation des carrières professionnelles ont affecté la capacité réelle du travail à intégrer. 

Trame 6. Quelles politiques de l'emploi ?

Le 07/02/2024

1° Lutter contre le chômage implique de savoir comment on mesure le chômage. De ce point de vue il existe au moins 2 mesures, l'une proposée par le BIT (Bureau internationale du travail), l'autre par l'INSEE qui s'appuie en fait sur les demandeurs d'emplois inscrits à France travail (anciennement Pôle emploi).Dans un cas il faut être disponible dans les 15 jours, rechercher un emploi et ne pas avoir travaillé plus d’une semaine dans la semaine. Dans l’autre cas il faut être inscrit sur les listes de France travail et effectuer des recherches d’emploi.

2° Non seulement le cœur du chômage se laisse mal définir mais en plus il existe toute une zone grise qui renvoie soit au sous-emploi, soit au halo du chômage. Dans le premier cas il s'agit de situations frontalières au chômage et à l'activité, en particulier le temps partiel subi. Dans le second cas il s'agit des situations frontalières au chômage et à l'inactivité, CAD des personnes qui ne remplissent pas les conditions du BIT pour être considérées comme chômeurs par exemple le fait de ne pas être immédiatement disponible pour travailler.

3° Avant de lutter contre le chômage, encore convient-il de faire le bon diagnostic. Le chômage a 2 grandes causes, soit structurelle, soit conjoncturelle.

4° Le chômage structurel est par définition le plus profond.  Il est indépendant de la conjoncture économique, c’est-à-dire que le chômage structurel ne baisse pas même si la croissance économique est forte. Il renvoie aux rigidités du marché du travail, à des problèmes d’appariement et aux asymétries d’information.

5° Les rigidités renvoient au cadre institutionnel qui impose des règles contraignantes protégeant excessivement les emplois (limites aux licenciements, indemnités Prud’hommales, …) et qui impose un salaire minimum élevant le coût du travail, ce qui crée du chômage si l’on suit la référence néoclassique standard d’équilibre sur le marché du travail. Un salarié doit-être payé à sa productivité. Il faut accepter des baisses de salaire si le niveau de productivité est insuffisant. Mais ce modèle est très hypothétique et correspond au marché de concurrence pure et parfaite. Le chômage est dans ce cas volontaire, voulu, consciemment ou non, par les chômeurs, les syndicats ou le pouvoir politique.

6° C’est justement la remise en cause de l’hypothèse d’information parfaite qui aboutit à réfléchir au lien salaire-productivité. Ce sont les entreprises qui font face à une asymétrie d’information. Ainsi elles ne connaissent pas les caractéristiques de leurs futurs employés (c’est l’asymétrie d’information ex ante) et vont proposer des salaires plus élevés pour attirer les meilleurs. Ensuite une fois embauché, les entreprises ne savent pas si les employés fourniront les efforts maximums (c’est l’asymétrie d’information ex post) Aussi vont-elles proposer des salaires plus élevés que la moyenne du marché (que l’équilibre concurrentiel). Dans les 2 cas, le salaire supérieur au salaire d’équilibre correspond à un salaire d’efficience, ce qui occasionne du chômage, par rapport à la situation concurrentielle idéale. Remarquons qu’il s’agit ici d’un chômage involontaire lié au fonctionnement même, imparfait, du marché du travail.

7° Enfin le chômage peut aussi être involontaire du fait d’un mauvais appariement entre les postes de travail crées ou en instance de l’être (les postes vacants). Ce type de chômage qui n’est pas volontaire, renvoie à la courbe de Beveridge. Plus le chômage est faible plus le nombre de postes vacants augmente. Toutefois pour un nombre de postes vacants le taux de chômage peut être plus ou moins élevé selon le fonctionnement plus ou moins efficace du marché du travail.

8° A côté du chômage structurel, il y a le chômage conjoncturel qui est lié aux variations du taux de croissance du PIB à court-moyen terme. Lorsque la conjoncture se dégrade, les entreprises ont moins de débouchés, la demande globale (dépenses d’investissement et de consommation) diminue et les entreprises licencient ou n’embauchent plus. Le chômage résulte alors de la confrontation de la population active avec le niveau d’emploi réclamée par la demande effective CAD par le niveau de production des entreprises et des administrations.

9° Une fois les causes du chômage mises en lumière, on se doute que les politiques de l’emploi vont être différentes selon les circonstances et le diagnostic effectué. On ne lutte pas de la même façon contre le chômage conjoncturel et contre le chômage structurel. A quoi bon baisser les salaires ou requalifier une population si les entreprises ont des carnets de commande vides ou insuffisants ? Et même au sein du chômage structurel, à quoi bon baisser les salaires si les entreprises ne trouvent pas de candidats pour occuper les postes de travail qu’elles ont créé ? Elles risquent fort d’augmenter les salaires pour attirer les rares actifs susceptibles de les occuper !

10° Pratiquer une politique de relance est la meilleure arme pour lutter contre le chômage conjoncturel : Politique monétaire expansionniste et politique budgétaire de relance. C’est qu’on fait les pays au moment de la crise des subprimes ou lors du confinement. De telles politiques s’inspirent évidemment de la logique keynésienne car le chômage est le résultat d’une demande effective insuffisante et correspond à un équilibre de sous-emploi. Il faut impérativement que l’Etat intervienne. Cela se justifie d’autant plus que les dépenses de l’Etat ont un effet multiplicateur sur l’économie. Tout investissement public a un effet plus que proportionnel sur le PIB (le revenu global). Toutefois la politique de relance a des limites. Elle creuse les déficits public et extérieur et menace donc à terme la solvabilité des Etats. Pensons à l’échec de la politique de relance de 1981 et au plan de rigueur mis en place en 1983.

11° Alléger les charges sur les bas salaires est la façon contemporaine de baisser le coût du travail plutôt que de vouloir baisser, voire supprimer le salaire minimum. Ainsi on encourage les embauches de travailleurs peu qualifiés, les plus soumis au chômage, et on évite de mécaniser à tout va car les machines reviendraient moins cher que les salariés. La baisse du coût du travail permet aux entreprises de gagner en rentabilité et en compétitivité. Le gain en croissance économique permet ensuite d’embaucher également des travailleurs qualifiés. Toutefois l’effet finale est indéterminé car le progrès technique n’est pas encouragé par l’embauche initiale de travailleurs peu qualifiés. Par ailleurs la politique d’allègement de charges peut favoriser un effet d’aubaine pour les entreprises qui profitent d’une mesure alors qu’elles auraient de toute façon embauché.

12° Améliorer l’appariement semble bien plus positif puisqu’il s’agit de favoriser la formation professionnelle en plus de la formation initiale. La mise en place de France compétences illustre bien cette tendance même si le droit individuel à la formation est reconnu depuis 2004 et si le Compte personnel de formation a été crée en 2015. On remarque que l’alternance a pris une ampleur considérable depuis quelques temps. On comprend en tout cas que la formation professionnelle, CAD la formation continue, enrichisse le capital humain des salariés et donc favorise leur productivité ou un changement d’emploi en cas de licenciement ou de démission.

13° Enfin la flexibilité, qui prend diverses formes, est un moyen de lutter conte les rigidités qui pèsent sur le marché du travail et contraignent les entreprises. Elle peut être quantitative, qualitative ou renvoyer plus prosaïquement à la flexibilité salariale. Les pratiques de flexibilisation ont toutefois des conséquences néfastes sur les salariés par exemple pour organiser leur emploi du temps (pensons aux contrats 0 heure anglais) ou pour avoir une stabilité salariale et donc en termes de revenu. Difficile de se projeter dans l’avenir dans ces conditions ou plus simplement obtenir un crédit.   

Chômage volontaire

Chômage involontaire

Chômage structurel

Salaire minimum, législation protectrice du travail

Asymétrie d’information (salaire d’efficience), mauvais appariement

Chômage conjoncturel

Chômage keynésien

Trame 5 - Quelle politique dans un cadre européen ?

Le 25/01/2024

1° Il n'est pas difficile de faire remonter les débuts de la construction européenne à la CECA en 1951. Les pays déclarent alors ouvertement leur désir de ne plus faire la guerre et de confier à une autorité supranationale la production de ressources clefs lors d'une guerre. Les pays membres de cette communauté constitueront le noyau de l'ambition économique et politique européenne et initieront en 1957 le Traité de Rome instituant le marché commun et ce qu'on appelera la CEE (DOC1).

2° Pour comprendre les étapes de la construction européenne il est utile de se référer aux étapes de l'intégration économique mises en lumière par B. Balassa. Nous voyons ainsi que le Traité de Rome qui institue la CEE (Communauté économique européenne) institue d'emblée un marché commun qui prendra du temps à être mis en place et qui débouchera même sur un marché unique avec l'Acte unique de 1986, voulu par J. Delors décédé en janvier 2024 (DOC1).

3° L'Union européenne est instituée avec le Traité de Maastricht (1992) qui prévoie aussi, pour les pays signataire de la clause, l'adoption d'une monnaie unique, l'euro. L'Union économique et monétaire apparaît alors comme l'étape ultime de l'intégration économique selon B. Balassa (DOC1). La mise en place de l'euro résulte aussi plus lointainement des conséquences de la dislocation du régime de Bretton Woods (début des années 70) et de la coopération monétaire qui s'en est suivi au niveau européen ("serpent monétaire" puis Système monétaire européen – SME).

4° A l'évidence la monnaie unique favorise le marché unique en même qu'elle en est une conséquence logique. Elle dipose d'un certain nombre d'avantages : suppression des coûts de conversion et du risque de change, augmentation des échanges, fin des dévaluations compétitives, comparaison instantanée des prix entre pays de la zone euro et dans une moindre mesure favorise l'identité européenne et concurrence le dollar comme monnaie internationale. Remarquons que l'adhésion à la zone euro supposera le respect de 4 "critères de convergence" dont 2 resteront célèbres car à la base du futur Pacte de Stabilité et de croissance encadrant les politiques budgétaires : un déficit public ≤ à 3% du PIB et une dette publiques ≤ à 60% du PIB (DOC3).

5° Si l'euro favorise les échange intra-zone (entre pays de la zone euro), le marché unique favorise la croissance économique. Cela joue à travers la spécialisation selon les avantages comparatifs, la hausse de la taille des marchéés et la hausse de la concurrence (DOCS4).

6° Dans le cadre du marché unique, la Commission européenne s'évertue à défendre une concurrence libre, loyale et non faussée. A ce titre elle intervient dans 4 domaines définissant ses objectifs dans le cadre implicite des hypothèses de la concurence pure et parfaite (modèle de CPP) : la lutte contre les ententes et les abus de position dominante et contrôle les concentrations ainsi que les aides de l'Etat (DOC5). Les modalités d'intervention dépendent ensuite du type d'infraction commis : amendes pour les ententes et abus de position de dominante qui, par définition ne se constatent qu'ex-post, interdiction ou autorisant pour les concentrations et enfin obligation pour les entreprises de rembourser des aides de l'Etat qui faussent la concurrence (DOC6). C'est dans ce cadre que la Commission a infligé des amendes à des banques ou à Google ou encore qu'elle a interdit la fusion Alstom-Siemens.

7° Bien que les monopoles contreviennent au modèle de CPP, la Comission n'a pas interdit les monopoles publics déjà constitué de longue date mais les a ouvert à la concurrence. Ainsi la SNCF doit ouvrir des lignes à des compagnies étrangères.

8° Il a longtemps été reproché à la politique européenne de la concurrence de ne pas favoriser l'émergence de champion capable de rivaliser avec les FTN étrangères, notamment américaines ou chinoises (DOC12) ou de taxer ceux qui réussissent. Toutefois la Commission s'est montrée plus conciliante en ce qui concerne les aides d'Etat par exemple avec le "Chips act" qui permet d'aider les entreprises de semi-conducteurs pour réduire la dépendance vis-à-vis de l'extérieur ou encore d'aider les entreprises malmenées par la crise du COVID.

9° Si la politique de la concurrence relève de la politique structurelle, les Etat disposent normalement des politiques conjoncturelles. Il en existe 2, la politique budgétaire et la politiques monétaire qui ont 2 grands objectifs : lutter contre le chômage (politique budgétaire de relance, politique monétaire expansionniste) ou lutter contre l'inflation et les déficits (l'endettement) (politique budgétaire d'austérité, politique monétaire restrictive). Si la POL MON menée par la BCE a longtemps été plutôt restrictive, elle est devenue expansionniste suite à la crise des subprimes en 2007-2009, et même officiellement non conventionnelle en 2015 avec l'adoption du QE (quantitative easing – assouplissement quantitatif). Toutefois avec le retour de l'inflation, fin 2021, la politique de la BCE, suite au revirement de la FED, s'est "normalisée". Ainsi en juin 2022 la BCE a annoncé la fin de son programme de rachat d'actifs et la hausse de ses taux directeurs. Si cette normalisation vise à lutter contr l'inflation, elle risque aussi de nuire à la croissance économique.

10° Concernant la politique budgétaire, le multiplicateur keynésien (ou multiplicateur d'investissement) nous montre qu'une dépense initiale d'investissement a des effets plus que proportionnels sur le PIB. Aussi les Etats n'hésitent-ils pas à "relancer' leurs économies par le déficit en cas de crise, comme ce fut le cas suite à la crise des subprimes ou de la pandémie du COVID qui a bouleversé les chaînes mondiales d'approvisionnement. (DOC15). Toutefois la politique de relance souffre 4 grandes limites : l'effet d'éviction, les risques inflationnistes, la hausse du déficit public et un effet "boule de neige" si l'endettement n'est plus "conrtôlé" et l'absence de relance du fait des comportements d'épargne des agents économiques anticipant des hausses futures d'impôt pour financer le déficit.

11° A partir de là il faut réfléchir à la manière d'articuler les POL MON et BUD de façon à ce qu'elles ne soient pas contradictoires, c'est ce qu'on appelle le policy mix. L'articulation des politiques prend un aspect particulier au sein de la zone euro, puisque la POL MON est supranationale et déterminée par la BCE au nom de la zone euro et que les POL BUD sont encadrées par des règles qui seront en fait plus ou moins repsectées.

12° La POL MON de la zone euro repose sur un objectif prioritaire de stabilité des prix avec une cible d'inflation à 2% d'inflation (taux d'inflation inférieur mais proche de 2%) par une banque centrale indépendante du pouvoir politique, la BCE (Banque centrale européenne). Comme on le voit au 9°, la POL MON au sein de la zone euro a évolué au cours du temps. Elle a actuellement pour directrice la française C. Lagarde. Les Etats membres de la zone euro ne peuvent en tout cas choisir leur POL MON.

13° Si la POL BUD est autonome elle est toutefois encadrée par des règles afin de limiter les abus des Etats et les stratégies de passager clandestin (free rider). La base c’est le principe du « 3 %-60 % » appelé le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) CAD que le déficit ne peut dépasser 3 % du PIB et l’endettement 60 % du PIB. Autour de ce principe vont s’ajoutera un système de sanctions en cas de non respect, ainsi la procédure pour « déficit excessif » mais qui connaîtra des aménagements sans que le principe de base ne soit remis en cause, même par la règle d’or budgétaire de 2012 qui fixe le déficit structurel à 0,5 % du PIB. Les dernières décisions donnent encore plus de marge de manœuvre aux Etats en excluant des 3 % les dépenses liées à la transition énergétique.

14° Si les contraintes budgétaires ont été assouplies c’est à l’évidence parce qu’il est difficile d’avoir des règles communes et contraignantes lorsque les situations économiques et les difficultés sont asymétriques. Or, à l’évidence les situations économiques ne sont pas comparables au sein de l’UE et au sein de la zone euro en particulier. CE n’est pas un hasard si certains ont pu parler des « PIGS » pour ces payx d’Europe du Sud (Portugal, Italie, Grèce et Espagne). En cas de choc asymétrique, il est très difficile voire impossible de mettre en place des politiques efficaces car les pays perdent les 4 armes principales : impossibilité de faire varier les taux d’intérêt en fonction de la conjoncture (à moins que la POL MON de la BCE corresponde), impossibilité de dévaluer pour relancer les exportations en cas de crise, POL BUD encadrées, peu voire pas de mobilité des travailleurs pouvant se déplacer d’un pays en crise vers un pays en croissance.

15° C’est pour ces raisons que la construction européenne favorise le moins disant fiscal (impôts et charges toujours moins élevés) CAD qui pousse les pays à réduire les sources de financement des dépenses publiques (Etat et organismes de protection sociale) alors même que les politiques budgétaires sont encadrées. Cela montre l'optique libérale suivie par la Commission européenne depuis le départ. Mais une telle entreprise est- elle viable à long terme ? C'est pour cette raison que l'idée de fédéralisme budgétaire fait son chemin. Il existe un budget fédéral européen qui repose notamment sur les contributions des Etats membres ou les droits de douane perçus mais il ne représente qu'environ 1% du PIB de l'UE contre 25% pour le budget fédéral américain. Un "vrai" budget fédéral implique aussi un plus grand fédéralisme politique puisque l'argent versé par les pays au budget européen ne leur reviendra qu'en partie. La France par exemple est contributeur nette au budget européen depuis très longtemps en versa,t davantage qu'elle ne reçoit ! Le fédéralisme budgétaire implique une grande solidarité entre pays, par exemple que les Français soient prêt à financer les chocs économiques des Grecs ou des Polonais ... et réciproquement. Derrière les questions budgétaires se dessinent donc des questions politiques cruciales : Y a-t-il un (authentique) peuple européen ? Peut-il y avoir une (véritable) souveraineté européenne ?


 


 

Trame 4 - L'engagement politique

Le 15/12/2023

1° L’engagement politique, CAD le fait, pour un individu, de prendre parti sur des problèmes politiques par son action ou ses discours, peut prendre différentes formes. Elle ne résume pas au vote, ni même à l’adhésion à un parti politique. Ainsi on peut militer pour une cause sans être dans un parti politique. On le fera plus probablement dans le cadre d’une association, définissant alors un engagement associatif. Mais un citoyen attaché à certaines valeurs peut agir à travers une consommation engagée.  

2° Si le vote constitue une forme d’engagement politique minimal, le simple fait de voter paraît largement réducteur. Il faut quand même s’intéresser aux débats politiques, aux programmes des candidats et nourrir une attente quand au résultat. De manière plus contradictoire, ne pas aller voter n'est forcément un singne de désengagement politque. Il faut savoir distinguer l'abstentionnisme "hors-jeu" et l'abstentionnisme "dans-le-jeu". Ainsi les abstentionniste "dans-le-jeu" se rapporte davantage aux catégories éduquées maîtrisant les enjeux de la sphère politique mais qui ne se retrouvent pas dans l'"offre" politique, les candidats n'attirant pas ou n'étant pas considérés comme "à la hauteur". Cela rejoint d'une certaine manière la logique du "cens caché" développé par D. Gaxie : Les classes populaires démunies se sentant éloignées des enjeux politiques, par manque de connaissances ou de culture, ne vont plus voter comme si elles ne s'étaient pas acquittées du cens, symbole des années d'études sacralisant un capital culturel et permettant de dominer l'espace social et de comprendre les enjeux politiques.   

3° Au-delà du vote, il y a le militantisme, dans un parti politique, évidemment. Cela passe par la participation aux réunions, à la distribution de tracts, au collage d’affiches, à la participation à des meetings et pourquoi pas à leur organisation. Mais le militantisme peut aussi passer par des associations ou des syndicats. Il existe en effet des associations à connotation politique forte comme Greenpeace ou DAL (droit au logement), contrairement à des associations sportives ou de loisirs. Il est de ce fait parfois difficile de distinguer « militantisme » et « engagement associatif ». Sans doute le militant se distingue-t-il par ses actions concrètes du simple adhérent à un parti ou une quelconque association. Mais un adhérent à Greenpeace risque fort de militer pour défendre sa cause. Si les actions menées dans le cadre de partis, de syndicats ou d’associations sont généralement collectives il n’en va pas de même pour la consommation engagée. Que ce soit sous forme de boycott ou de buycott, le citoyen agit seul, même si des associations sont engagées dans des formes alternatives de consommation.

4° Une fois mis en évidence les formes de l'engagement politique, il peut être intéressant d'en souligner les conditions socio-économiques. Globalement notons que l'engagement économique concerne des hommes, âgés et cadres. Cela ne veut pas dire que les jeunes se désintéressent de la politique. Ils s'engagent davantage dans des formes alternatives au vote (manifestations, vote). De même les femmes sont moins syndiquées et adhèrent à des associations davantage tournées vers le « social ». Enfin les cadres sont surreprésentés dans l'engagement car ils disposent notamment d'un capital culturel et sont habitués à prendre des initiatives et à « mener » des équipes. 

5° Une fois que l'on sait qui a tendance à s'engager, il faut soulever le paradoxe de l'action collective mis en évidence par M. Olson. Étant donnée que l'action collective est coûteuse, en temps et en argent, et que ses bénéfices sont indivisibles (chacun en profite), il est rationnel de se comporter en passager clandestin (free rider) et laisser les autres participer et supporter les coûts alors même que l'action est profitable pour tous.

6° Malgré le paradoxe de l'action collective, des actions à plusieurs pour défendre un intérêt commun sont quand même mises en œuvre. Comment l'expliquer ? A travers 3 raisons. D'abord les rétributions symboliques comme la satisfaction du devoir accompli, le plaisir de « lutter » ensemble, de se faire de nouveaux amis, les gains en notoriété lorsqu'on est membre d'un syndicat ou d'une association, … Ensuite il y a les incitations sélectives qui vont récompenser ou pénaliser les individus, ceux qui participent en leur réservant des avantages ou les gains de l'action. Enfin certaines conditions (structures) politiques constituent des opportunités pour l'engagement comme les régimes démocratiques, des gouvernements peu répressifs, …

7° Une fois que l'on sait que le paradoxe de l'action collective peut être surmonté, reste à voir comment évoluent dans l'histoire les objets, les acteurs et les répertoires de l'actions collective. Il existe en fait et depuis longtemps une multitude de raisons d'agir collectivement et il n'est pas toujours évident de séparer les objets de l'action de leurs acteurs et de leurs répertoires. Tentons quand même l'exercice.

8° Concernant les objets de l'action collective il est d'usage de distinguer les conflits du travail portant sur des revendications matérialistes (des hausses de salaires, de meilleurs conditions de travail) des nouveaux mouvements sociaux portant sur des revendications post-matérialistes. Comme le souligne R. Inglehart, et en accord avec la pyramide de Maslow, des sociétés de plus en plus développées et éduquées, s'attachent davantage à des revendications post-matérialistes ce qui laisse à penser que les NMS se substituent petit à petit aux conflits du travail. Une telle lecture est d'autant plus intéressante qu'elle suggère qu'une lecture marxiste du changement historique (de l'engagement politique) n'est plus pertinente et que le mouvement ouvrier n'est finalement plus à la pointe du chnagement social à travers la lutte de classes. Il est certain que depuis l'Après seconde guerre mondiale, les grèves ont tendance à diminuer, et ce malgré le changement de mode de comptabilisation après 1995. Constat renforcé par la crise du syndicalisme s'expliquant notamment par la tertiarisation (la désindustrialisation, même relative), l'institutionnalisation des syndicats (ils ont été „achetés“ par le pouvoir diront certains). Et pourtant il faut se méfier d'une lecture trop radicale en termes d'évolution vers les NMS. Déjà les conflits du travail n'ont jamais été exclusifs. Pensons au mouvement des suffragettes en Grande-Bretagne début 20ème siècle. Ensuite des mouvements portant sur des valeurs comme le mouvement des droits civils afro-américains contiennent aussi des revendications matérialistes comme „des logements décents“. Enfin la diversification des répertoires propre aux NMS va aussi toucher les mouvements plus traditionnels liés au travail.

9° Concernant pour finir les acteurs et les répertoires, il y a des liens avec les types de revendications (d'objets). Par exemple on ne fait pas grève pour défendre les sans-abris ou la cause femmes (qu'y a-t-il encore à défendre ?). Des manifestations ou des pétitions seront ici appropriées. Autrement les réseaux sociaux permettent des formes temporaires et imprévisibles d'action (manifestations, sit-in). D'une manière générale les Français continuent de penser que le vote est le meilleur moyen de changer les choses au niveau du pays. Si ces modes d'action et d'engagement politique font encore parti des répertoires légaux, il existe aussi des actions illégales qui ont eu tendance à se développer. On pense récemment aux agissements de membres de l'association Soulèvements de la terre, s'attaquant aux forces de l'ordre protégeant un mégabassine, aux pratiques des black blocs „pourrissant“ des manifestations non violentes ou encore à certaines actions des Femen. Les occupations sont aussi généralement illégales comme les ZAD (zones à défendre). Notons aussi que plus les actions sont spectaculaires et plus elles ont de chance d'être véhiculées par les médias. On pense en particulier au préservatif géant placé sur l'obélisque de la Concorde par l'association Act-up à l'occasion d'un journée de lutte contre le Sida en 1993.

10° Les acteurs se sont parallèlement diversifiés puisque les syndicats et les partis politiques sont en perte de vitesse ou peu considérés. En plus de ceux déjà évoqués, citons pêle-mêle les luttes minoritaires avec l'exemple du mouvement Black lives matter, les mouvements altermondialistes comme Attac ou la Confédération paysanne, les groupements comme les black blocs.

Trame 3 - L'internationalisation de la production

Le 02/12/2023

Il s'agit d'expliquer les raisons du commerce international c'est-à-dire des échanges de biens et de services entre pays, et de la spécialisation des pays ainsi que l'internationalisation de la production impliquant en plus les mouvements de capitaux.

1° Le commerce international est largement interprété comme résultat de la spécialisation des pays. Il semble logique en effet que la spécialisation en métiers qui existe à l'intérieur d'un pays ne se reproduise pas entre pays.

2° La première véritable approche justifiant la spécialisation, celle des avantage absolus d'A. Smith, a été critiquée par D. Ricardo qui propose une théorie en termes d'avantages comparatifs. Contrairement aux avantages absolus où un pays n'exporte que les produits où il est le plus productif, la théorie des avantages comparatifs (relatifs) justifie la spécialisation dans les produits où le pays dispose d'un avantage relatif. Ainsi dans l'exemple du Portugal et de la GB produisant du vin et du drap, Ricardo montre que la GB utilisant pourtant plus de main d’œuvre que le Portugal dans les deux produits a intérêt à se spécialiser dans le drap qui utilise moins d'hommes-années que le vin. Cela s'explique par l'avantage géographique dont dispose le Portugal. Pensons aussi au vignoble français, mondialement incomparable. Un pays a en tout cas intérêt à se spécialiser dans le bien pour lequel il dispose d'un avantage relatif.

3° Il faut souligner que l'approche de Ricardo qui justifie en même temps que la spécialisation le libre-échange repose sur des hypothèses parfois très restrictives : mobilité parfaite des facteurs de production à l'intérieur du territoire, immobilité des facteurs entre pays, neutralité des spécialisations (vin ou drap, avions ou T-shirt, peu importe), pas d'utilisation du taux de change. Ce cadre restrictif précarisera toute justification du libre-échange à partir de la théorie des avantages comparatifs.

4° L'approche basée sur les dotations factorielles prolonge celle de Ricardo en la complétant. Elle s'appuie sur 2 facteurs, au lieu d'un, 2 produits et 2 pays, avec le même cadre hypothétique rappelant celui du modèle de concurrence pure et parfaite. Elle aboutira au célèbre théorème HOS (Heckscher-Ohlin-Samuelson) spécifiant que les pays ont intérêt à se spécialiser dans les biens qui nécessitent de manière intensive pour leur production le facteur de production le plus abondant (le moins rare) dans le pays.

Rareté relative des facteurs → Production nécessitant relativement + ou – d'un des deux facteurs

Ainsi un pays qui dispose comparativement (relativement) de plus de travail que de capital se spécialisera dans les biens qui réclament comparativement plus de travail que de capital (CAD dont l'intensité capitalistique est faible). Et inversement.

5° D'après le théorème HOS, un pays comme les USA, avancé technologiquement, devrait exporter des biens intensifs en capital (CAD qui utilisent comparativement plus de capital que de travail). Toutefois Léontief observe dans les années 50 que les exportations américaines sont intensives en travail, ce qui contredit le théorème HOS. En fait il sera montré plus tard que les exportations américaines sont intensives en travail qualifié caractérisant en fait la meilleure dotations technologique (et en capital humain) de ce pays. Aussi les dotations technologiques sont-elles un facteur supplémentaire à prendre en compte pour expliquer la spécialisation d'un pays.

6° Les théorie des avantages comparatifs, des dotations factorielles et technologiques permettent d'expliquer les échanges entre pays de niveaux différents de développement. C'est le commerce inter-branches, car les produits échangés appartient à des branches différents comme échanger des T-shirts ou des bananes contre des ordinateurs ou des engins agricoles. Aussi faut-il expliquer les échanges entre pays comparables.

7° Il existe 3 façons d'expliquer les échanges entre pays comparables, CAD le commerce intra-branche qui représente plus d'un tiers du commerce mondial. Déjà à travers la différenciation des produits. Celle-ci peut être verticale (produits de gammes différentes) ou horizontale (produits de mêmes gammes mais avec des design, formes, … différents). Ensuite à travers la qualité des produits, ce qui renvoie en fait à la différenciation verticale. Ainsi une Ferrari n'est pas au même niveau de qualité qu'une Renault Clio ou un polo Lacoste d'un polo basique. Enfin à travers la fragmentation de la chaîne des valeurs suggérant que l'ensemble des phases de la production ou des types de biens intermédiaires et pièces détachées ne sont pas réalisés dans le même pays comme pour la fabrication de l'Airbus A380 « dispatchée », fragmentée dans plusieurs pays européens (Espagne, Grande-Bretagne, France, …). Chaque pays d'implantation est choisi en fonction de son avantage comparatif, faut-il croire. Cette fragmentation montre aussi l'importance des firmes transnationales (multinationales).

8° Parler de compétitivité des pays peut paraître un peu vague dans la mesure où ce sont avant tout les entreprises, étrangères ou non, à l'intérieur du pays, qui exportent. Aussi pouvons-nous montrer que c'est la productivité des firmes qui est à l'origine de la compétitivité des pays. Au minimum les gains de productivité améliorent la compétitivité-prix des firmes. Pour obtenir ces gains, les firmes doivent notamment investir dans la R-D pour mettre au poins de nouveaux procédés ou de nouvelles organisations du travail. Les gains de productivité améliorent la compétitivité-prix à travers la baisse du coût salarial unitaire, qui, au final, rapporte le coût horaire du travail à la productivité horaire du travail.

9° Une fois que les échanges se développent, il est bon de savoir quelles conséquences ils ont. En fait elles sont mitigées. Si le commerce mondial a permis la réduction des inégalités entre pays, il a aussi accru les inégalités au sein des pays.

10° Le commerce mondial a été très favorable aux pays d'Asie du sud-est, ce qui, compte tenu du poids énorme de la Chine, a joué sur la réduction des inégalités de richesses entre pays. L'insertion dans le commerce mondial a favorisé l'industrialisation,l'exode rural et les gains de productivité. Au final les salaires ont pu augmenter permettant une baisse de la pauvreté et incitant à une montée en gamme vers des produits davantage technologique, comme ce fut le cas pour la Corée du Sud avec les marques Samsung ou Hyundai et plus largement pour la Chine avec au minimum Alibaba et les marques de voitures électriques prêtes à inonder les marchés mondiaux. En tout cas les « classes moyennes » des PED ont pu progresser plus rapidement que les « classes moyennes » occidentales.

11° La hausse des inégalités au sein des pays peut s'expliquer par l'utilisation intensive de la main d’œuvre qualifiée dans les pays développés qui s'est raréfiée favorisant une hausse des salaires. Par contre la main d’œuvre peu ou pas qualifiée s'est retrouvée en concurrence avec la main d’œuvre des PED sous-payée. Les écarts de salaires se sont donc accrus.

12° Enfin le commerce international a reposé sur l'internationalisation de la chaîne de valeurs, même phénomène que la fragmentation mais entre pays de niveaux de développement différents. Pensons à la fabrication d'un i-Phone, assemblé au final en Chine. C'est la crise du Covid-19 et le confinement qui ont révélé l'importance de la chaîne de valeurs puisque de nombreux approvisionnements en pièces détachées et en composante intermédiaires, en particulier dans l'automobile, ont cruellement manqué. En tout cas ce sont les filiales-ateliers qui symbolisent cette fragmentation puisque chaque unité de production est spécialisée sur un créneau particulier de la production et non sur toute la fabrication. Cela implique donc un commerce intra-firme, entre filiales et/ou ente filiales et maison-mère. Toute comme la fragmentation de la chaîne de valeurs, c'est le rôle des firmes transnationales qui est en jeu et une forme particulière d'action, les investissements directs à l'étranger (IDE).

13° Enfin le fait que l'ouverture internationale a des effets à la fois positifs et négatifs débouche sur le débat libre-échange-protectionnisme. Il existe 2 grands types d'instruments protectionnistes tout comme 2 grands types de justification. En général on retient surtout l'argument développé par F. List au 19ème autour du du protectionnisme éducateur visant à protéger temporairement les industries naissantes pour leur permettre ensuite d'affronter la compétition internationale, ce qui peut paraître comme une position de bon sens. Il est manifeste que l'histoire du capitalisme alterne phases de libre-échange et de protectionnisme. Récemment c'est D. Trump qui a réactivé un protectionnisme « offensif » basé sur l'augmentation des droits de douanes. Cela a entraîné des mesures de rétorsions du pays visé, la Chine, rappelant les mauvais souvenirs des années 30 et soulignant plus largement les limites du protectionnisme et les avantages supposés du libre-échange.


 

Pourquoi les sociologues sont-ils réticents à parler de « la classe populaire » au singulier, de nos jours ?

Le 18/10/2023

Comme on le sait, la vision binaire des classes sociales chez K. Marx n'est que théorique. Certes l'exploitation et la concurrence dans le système capitaliste amèneront immanquablement à prolétariser les derniers indépendants (cf. Au Bonheur des dames de Zola) et à diviser de plus en plus le monde en 2 camps opposés. Mais cette vision polarisante est adoucie par Marx lorsqu'il analyse historiquement des situations concrètes. Au minimum il distingue la bourgeoisie industrielle et financière d'une part, et le prolétariat du « lumpenproletariat » d'autre part. Il existe de toute évidence des fractions de classes. Aussi nous pouvons nous demander s'il n'en est pas de même avec la notion dérivée de « classe populaire ». Ne faudrait-il pas évoquer les « classes populaires » ? Elles s'inscrivent déjà dans un contexte conceptuel de celui de Marx. En effet les catégories populaires regroupent les ouvriers et les employés de la nomenclature des PCS élaboré par l'INSEE et qui date de 1982. Dans la mesure où cet ensemble agrège plus de 40% des actifs, il paraît difficile d'en faire une catégorie homogène, à moins de viser des caractéristiques très générales. Par ailleurs se pose d'emblée la question des critères de distinction entre catégories sociales c'est-à-dire entre membres de catégories partageant des caractéristiques communes et partageant une certaine identité collective avec dans l'idéal une conscience claire d'un partage commun de pratiques, de valeurs, de rapport au monde, … Cela ne toucherait alors plus seulement les « classes populaires ». Ce n'est alors pas un hasard si des termes spécifiques traduisant un écart à la « norme marxiste » sont apparus comme : « combinaison populaire » chez M. Verret au sujet des employés et des ouvriers, d' « employées prolétarisée » chez D. Kergoat étudiant le cas spécifique des employées, d' « archipel des employés » d'A. Chénu, débouchant sur un regroupement des ouvriers et des employés. Cela traduit bien l'existence d'un tropisme entre les ouvriers et les employés, l'étude de l'une de ces 2 catégories appelant immanquablement l'autre. Et pourtant nous ne pouvons parler de « la » classe populaire. A la rigueur nous pouvons pourquoi pas nous inspirer de W. L. Warner et identifier un niveau supérieur et inférieur à l'intérieur de chaque classe sociale. Il y aurait donc une classe populaire supérieure et une classe populaire inférieure. Mais quelle critère utiliser alors ? Le thème de l'éclatement des représentations professionnelles joue sûrement un très grand rôle dans l’hétérogénéité des catégories populaires amenant à parler en termes de classes populaires. Nous sentons bien qu'il y a dans ces catégories un segment à part mais aucun sociologue ne parvient à démontrer sur des critères admis par tous une unité sociologique. Les parcours sont devenus complexes et les représentations du monde aussi. Parfois les socialisations se heurtent. Par exemple C. Avril (2014) a étudié les aides à domicile, en parlant d' « un autre monde populaire », justifiant ainsi l'idée de « classes populaires ». Elle montre qu'il y a deux catégories bien distinctes selon leur parcours, à la fois professionnel et géographique. Le rapport à la féminité, au statut de la femme, à la « vocation » d'aide à domicile, sont totalement différent selon qu'il s'agit d'anciennes travailleuses, « françaises de souche » , voire d'anciennes indépendantes qui ont une expérience professionnelle et qui vivent ce métier comme transitoire, ayant des propos racistes sur l'autre catégorie constituée de travailleuses immigrées ou de Françaises issues des îles, davantage impliquées dans leur métier et détachées des rôles féminins. Difficile dans ces conditions de parler d' « une classe populaire ». Et que dire ensuite de l'opposition entre employés et ouvriers malgré certaines ressemblances ?

Mais similitude forte ouvriers/employés, vis-à-vis des CPIS et PI en termes de patrimoines, d'espérance de vie, d'exposition aux accidents professionnels, de diplômes (plutôt de non diplôme), retrait d'avec la politique (vote intermittent, gauche/RN, peu ou pas de représentants => il faut évoquer le cens caché). Et enfin 3 domaines de similitude : nature du travail et rémunération, peu de perspective de carrière et homogamie : 1 ménage sur 5 réunit un ouvrier et une employée.

Nous ne pouvons nous en tenir par exemple à la distinction marxiste entre classe en soi et classe pour soi elle ne permet pas vraiment de distinguer des fractions de classes. Par exemple Amossé et Chardon (2002) évoquent les travailleurs non qualifiés comme nouvelle classe sociale potentielle, regroupant à la fois les franges non qualifiés des ouvriers et des employés, ce qui correspondrait alors à la classe populaire « inférieure ». Quid alors de la classe populaires « supérieure ». Eh puis même dans cette configuration, Amossé et Chardon montrant qu'en fait les travailleurs non qualifiés sont certes sur un segment particulier dans le monde du travail (tâches d’exécution rébarbatives, pas de perspective de carrière, …). Ils constitueraient vraisemblablement une classe en soi au sens de Marx, c'est-à-dire un certain positionnement dans les rapports de production et de toute évidence une situation d'ultra dominés. Mais ces travailleurs non qualifiés ne constituent en aucune manière une classe pour soi, consciente de ses intérêts et de sa situation spécifique. L’absence de collectif de travail n'a sûrement pas aidé à une identification collective. Et encore moins le délitement politique amenant finalement les catégories de travailleurs discriminés à voter pour le Rassemblement national (ex. Front national), voire à s'abstenir. Inutile de rappeler ici l'enjeu autour du cens caché de D. Gaxie.

Ces 2 groupes sociaux n'éprouvent-ils pas des visions et des pratiques différentes quand à l'investissement scolaire, au choix de la résidence, aux rapports sexués domestiques. En particulier les enfants d'employés qui réussissent un peu mieux que les enfants d'ouvriers, d'où le maintien des inégalités.

EC2 sur les facteurs de la croissance

Le 17/10/2023

Question 1 : À l’aide du document, vous présenterez les sources de la croissance du Danemark en 2019. (2 points).

Au Danemark en 2019, le PIB a augmenté de 2,8 % par rapport à 2018. Cette augmentation est due à la contribution du facteur travail, du facteur capital et de la productivité globale des facteurs (PGF). En effet, en 2018, le facteur travail a contribué à la croissance économique à hauteur de 0,9 point et le facteur capital a contribué à la croissance à hauteur de 0,5 point. La croissance du PIB danois est essentiellement
tirée par la PGF, pour 1,4 points, soit la moitié de la hausse du PIB.

Erreurs et maladresses de lecture :

  • En 2019 le PIB du Danemark se montait à 2,8%.

  • En 2019 le taux de croissance du PIB était de 2,8%.


 

Question 2 : À l’aide des données du document et de vos connaissances, vous montrerez que l’accroissement de la productivité globale des facteurs est une source de croissance économique. (4 points)

La productivité globale des facteurs (PGF) désigne l’efficacité des facteurs de production. Elle correspond à la part de la croissance qui n'est pas due à la simple accumulation des facteurs travail et capital. Elle renvoie à la croissance intensive. Elle joue un rôle dans la croissance économique, c’est-à-dire l’augmentation soutenue, pendant une période longue, de la production d’un pays. En effet, elle est le reflet de la diffusion du progrès technique dans l’économie. Celui-ci peut se définit comme l'ensemble des innovations qui améliore l'efficacité de l'appareil de production. Ces innovations peuvent porter sur des produits, ce qui relance la consommation. Mais elles peuvent porter aussi sur des nouveaux procédés (imprimante 3D, Conception de la production assistée par ordinateur) ou de nouvelles organisations de la production (production en flux tendus, utilisation des plateformes internet) qui assurent des gains de productivité. La production est alors clairement plus efficace puisque les entreprises produisent autant voire plus avec autant voire moins de travailleurs.

A l'évidence la contribution de la PGF est essentielle puisqu'elle vient suppléer à la faible contribution du travail, voire à sa contribution négative pour les années 2010, 2012 ou 2018, respectivement de 1,4, 1,2 et 0,1 points au Danemark ou encore les années 2017 et 2018 en Corée du Sud. Ainsi alors que le travail contribue négativement pour 0,9 points à la croissance coréenne en 2017, la PGF y conrtibue positivement pour 2,6 points. Que ce soit pour le Danemark ou la Corée du Sud, la contribution de la PGF a globalement toujours été la plus forte comparé aux deux autres facteurs. En ce sens la croissance extensive fondée sur l'accumulation des facteurs montre ses insuffisances et doit être supplée par une croissance intensive montrant bien l'importance du progrès technique.

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